Allergie aux protéines de lait de vache (APLV): comment assurer ses apports protidiques journaliers?

Comment assurer ses apports protidiques journaliers quand on est allergique aux protéines de lait de vache ?
Comment assurer ses apports protidiques journaliers quand on est allergique aux protéines de lait de vache ?

Les protéines font partie des macronutriments dont le volume augmente avec la pratique régulière et importante d’une ou plusieurs activité(s) physique(s). Mais comment atteindre ses besoins protidiques journaliers plus ou moins élevés lorsque la protéine de lait nous est impossible ?

La notion d’allergie aux protéines de lait

Le lait contient plus de trente protéines, toutes potentiellement allergisantes. Les caséines et la-lactoglobuline (protéine du lactosérum donc présente aussi dans la whey !) sont le plus souvent en cause, mais toutes peuvent être incriminées. Et l’allergie aux protéines de lait n’est pas attribuable qu’au lait de vache. Les autres laits de mammifère (chèvre, brebis) sont également concernés.

À noter que les caséines sont toutes thermostables et donc capables de provoquer une réaction allergique même après cuisson.

Rappelons enfin qu’une allergie est une réaction immunitaire contre une protéine. Cela n’est donc plus possible lorsque la protéine en question est hydrolysée (= digérée), libérant les fameux acides aminés qui composent la protéine. Ainsi, une whey hydrolysée ou une caséine hydrolysée peuvent être consommées même s’il y a en moyenne 10 % des personnes allergiques qui pourraient encore réagir.

Quels besoins théoriques pour un coureur régulier à la pratique moyenne et intense ?

D’un point de vue quantitatif, les besoins protéiques d’un sportif régulier en endurance se situent entre 1,3 g à 1,5 g de protéines/kg/j. Par régulier, on entend un minimum de 3 sorties par semaine avec une logique de progression. Pour des sportifs occasionnels, qui font moins de 3 sorties par semaine et sont dans une logique d’entretien, l’apport protidique « normal » suffit, avec 0,83 g à 1,1 g de protéines/kg/j.

Le point de vue qualitatif est indiqué dans le tableau suivant (par origine alimentaire) avec cependant deux précisions :

  • La qualité digestive d’une protéine est définie par son coefficient d’utilisation digestive (CUD), autrement dit par le pourcentage de « protéines » totales absorbées (après hydrolyse et passage de la barrière intestinale) par rapport aux protéines totales ingérées. Voici les facteurs qui modifient positivement ou négativement les CUD théoriques, CUD de l’aliment consommé pur, seul, sans les interactions réelles qui ont lieu au sein d’un repas complet et lors des processus digestifs.
    Pour précision, le « feu digestif » désigne en Occident les bonnes conditions digestives d’assimilation : un estomac à + 38 °C avec une acidité gastrique bien concentrée (pH de 1 à 1,5 à jeun donc en début de repas) qui conditionne l’activation du pepsinogène (enzyme protidique) et surtout la future sécrétion pancréatique d’autres protéases.
  • La qualité métabolique d’une protéine débute une fois ses acides aminés assimilés et dans la voie sanguine. Les acides aminés étant entrés dans votre corps (et ayant quitté la lumière digestive qui est finalement du monde de l’extérieur), la qualité métabolique se définit par la capacité des acides aminés d’une protéine à stabiliser le turn-over protidique, autrement dit l’équilibre entre l’anabolisme et le catabolisme. Lorsque vous êtes sportif régulier, votre turn-over peut être à l’avantage du catabolisme, d’autant plus avec des séances déstructurantes du type dénivelés négatifs et contractions excentriques. Le maintien de l’équilibre du turn-over repose principalement sur l’apport en 8 acides aminés (constituant des protéines) dits « indispensables » (AAI), notre organisme ne sachant pas les synthétiser. Ainsi, une protéine dite de « qualité métabolique » (autrement dit de bonne valeur biologique [VB]) est une protéine qui contient les 8 AAI ou un Indice chimique (Ic) de 100% et plus. L’Ic permet de connaître le ou les acides aminés indispensables en quantité insuffisante dans l’aminogramme (on parle de facteur(s) limitant(s) = FL) et de pouvoir les compléter dans la journée avec d’autres aliments aux FL complémentaires ou sans FL. On parle alors de « complémentarité protidique », cette logique culinaire ancestrale d’association de céréales et de légumineuses.

Quel constat pour les personnes allergiques à la protéine de lait de vache (APLV)?

Elles sont privées d’une protéine de bonne qualité digestive (CUD 100 % pour les protéines du lactosérum, et 99 % pour les caséines concentrées et 95 % pour les protéines dans le lait) et métabolique (VB de 77 pour la caséine et de 86 pour le lait). Néanmoins, ces caractéristiques digestives et biologiques sont largement compensables avec la diversification alimentaire et les bons choix en compléments hyperprotidiques. Vous trouverez dans le tableau ci-après les sources protidiques envisageables.

Mais c’est la privation d’une protéine peu onéreuse et facile d’accès qui est le plus difficile, d’autant plus lorsque les besoins protidiques journaliers sont augmentés.

Groupes d’alimentsTPM* / 100gDigestibilité et métabolismeRemarques
Volailles (dont lapin)28Protéines maigres de bonne qualité digestive (CUD) et métabolique (VB). Economiquement accessible même en bio.  Volailles et viandes de boucherie sont à consommer idéalement biologique afin d’éviter l’excès d’acide arachidonique, oméga 6 pro-inflammatoire.
Viandes (boucherie, gibier)27Protéines plus ou moins maigres selon les morceaux, de bonne qualité digestive (pour la catégorie bouchère 1) et métabolique. Entrecôte et noix d’entrecôte, Filet, faux filet, onglet, hampe, rumsteck, tranche, aiguillette, araignée, bavette Côte première et seconde, longe, filet, quasi, noix Côte première et seconde, côte filet, filet, selle, gigot Côtelettes, filet, selle, gigot Porc : Filet, filet mignon, côtelettes
Abats21CUD varie avec la teneur en collagène des morceaux choisis. VB de qualitéSoyez exigeants sur la qualité sanitaire du produit avec le label BIO. Les abats sont souvent des émonctoires plus ou moins gorgés des résidus médicamenteux et phytosanitaires des pratiques agricoles intensives.
Charcuterie16CUD varie selon les morceaux constituants la charcuterie. VB de qualité.Attention au sel, purines et nitrites ! Ces derniers imposent de ne jamais cuire un jambon qui en contient : ces nitrites se transformeront en nitrosamines cancérigènes. 1 portion/15jours hormis pour les jambons sans nitrites.
Poissons19CUD et VB identiques à la volaille. Cependant, CUD et VB toujours supérieur aux viandes de 2è et 3è cat. Bouchère par la faible teneur en collagène du poisson.Les poissons mi-gras et gras sont vecteurs de purines et de métaux lourds. Il est donc préférable de se limiter à 2 portions par semaine, en les alternant (le saumon est vecteur de methylmercure et la sardine de dioxine…), en les consommant avec des végétaux et céréales complètes (l’acide phytique est un chélateur des métaux lourds) et avec des cuissons douce (papillote vapeur, à l’étouffée) ou en marinades et carpaccio.
Crustacés et mollusques17,5  
Œufs12,5 pour 2 œufs entiersCUD et VB de référence alimentaire. Ic de 114. Excellente protéine qui complète à merveilles toutes les protéines végétales. 1 œuf = 6,25g de protéines 1 jaune = 3g de protéines 1 blanc = 3,25g de protéines Ces 2 œufs sont mis en équivalence d’apport avec 100g de chair à cause de la qualité de leur protéine !4 à 7 œufs par semaine pour tout le monde ! Leur cholestérol n’est pas impliqué sur les hypercholestérolémies (hors dyslipidémies congénitales). De plus la grande richesse en lécithine du jaune d’œuf en limite l’absorption. D’autre part, le jaune est basifiant et vecteur de graisses insaturés. Donc ne vous en privez pas. Enfin « il nourrit le sang, humidifie la sècheresse et éteint le vent » autrement dit, il prévient les anémies, lutte contre le risque de surchauffe (ou hyperthermie). Blanc d’œuf à cuire absolument car il contient des inhibiteurs de protéases !
Graines oléagineuses (Amandes, noisettes, arachides, sésame etc…)17,5Pour 30g = 5,25g de protéines Facteurs limitants : lysine et acides aminés soufrés. À compléter avec l’œuf, toutes protéines animales, le pollen (Ic de 300% !! et 25% de protéines pour le pollen sec) et les fruits secs (l’alimentation des pèlerin…).   Attention cependant à leur richesse en fibres qui en limite le volume de consommation.La version purée est plus concentrée et plus facile à digérer tout comme la version germée où une partie des protéines se sont hydrolysées en acides aminés. À noter l’intérêt de ce groupe pour remplacer l’apport minéral des produits laitiers. Idéalement, priorité sur l’amande émondée en association avec des agrumes ou autres sources de vitamine C, acide tartrique, acide malique qui optimisent l’absorption des cations bivalents (calcium, magnésium, zinc…)
Légumineuses cuites9 (pour 100g cuit)Pour 150g cuit = 13,5g de protéines Facteur limitant : méthionine et cystéine. À Compléter avec les céréales (quinoa et sarrasin n’ont pas de FL), l’œuf et toutes protéines animales, la spiruline.  Idéalement les faire prétremper et prégermer pour en faciliter la digestion (le CUD donc). Ensuite les versions houmous et autres caviars permettent de concentrer leurs protéines. Devant être associées aux céréales pour les repas veggies, choisissez des céréales 1/2 complètes voir raffinées afin de ne pas surcharger votre ration alimentaire en fibres !
Céréales (riz, semoule, flocons…), pâtes, pain8 (Pour 100g cru)100g de céréales cuites = 30 à 40g crus (plus facile pour la pesée). Leur CUD dépendra de la teneur en fibres et donc du degré de transformation. La VB n’est pas bonne et exige une complémentarité avec les légumineuses, l’œuf, le pollen ou toutes protéines animales.   Seuls le quinoa et le sarrasin semblent ne pas avoir de FL.Pensez à découvrir le sarrasin en grain, le millet en bouillie et l’épeautre en remplacement du blé moderne qui a tendance à nuire aux organismes humains.    
Légumes verts1,8Nous avons très peu de données sur cette catégorie d’aliments.Ils sont la base de la pyramide alimentaire, une source de protéines faible mais sans risques collatéraux.
Les alguesEntre 11 et 28 (en déshydratée)Leur CUD est très faible tant elles sont riches en fibres (30 à 40% en moyenne).Seules les algues d’eau douce sont envisageables mais plus comme complément santé qu’apport protidique réel. En effet, pour exemple, les 60% de protéines de la spiruline c’est bien mais c’est impossible à consommer à cause du prix puis de l’effet détoxifiant de cette algues. Au mieux, 10g de spiruline (ce qui est déjà un gros volume) c’est donc 6g de protéines dans votre ration.
Levure maltée et germe de blé28Très bon CUD et excellente VB Un fort apport en éléments nutritionnelles (B,B2,B9,fer,zinc,magnésium, fibres). Le germe de blé apporte beaucoup de lysine et permet donc compenser le FL des céréales !Les levures sont à consommer crues uniquement afin de garder une action probiotique. De plus germe et levure sont riches en vitamines thermosensibles. Seul bémol : Les levures sont à éviter en cas d’intolérance à l’histamine, aux levures (en cas de candidose par exemple) et en cas d’hyperuricémie. Ler germe de blé est à éviter en cas d’hypersensibilités au gluten (cœliaque ou non).
Les poudres hyperprotéinées (PHP)80 à 100CUD excellent puisqu’il n’y a que la fraction protéinée des aliments choisis. VB très bonne.Je suis pour la consommation d’aliments bruts ou peu transformés conservant leur matrice. Mais on se rend vite compte qu’avec un besoin protidique de 1,3g à 1,5g de protéines/kg/j, selon les gabarits, l’apport uniquement alimentaire devient difficile, pour l’environnement (notre terrain de jeu) et/ou nos intestins avec un apport en fibres vite conséquent. Le recours aux PHP est donc envisageable. La version whey hydrolysée est à tester. Sinon, les versions veggie à base de riz complet germé, de chanvre, de pois sont délicieuses, très digestes et affichent un excellent aminogramme.
Choix protidiques avec leurs atouts et leurs limites.

*TPM = Teneur protidique moyenne selon la table de composition nutritionnelle des aliments CIQUAL

Journée type pour un runner

de 70 kg en entraînement régulier  (soit 1,3 à 1,5 g/kg/j)

Au petit déjeuner :

  • 100 g soit 3 à 4 tranches de pain complet au levain (10 g de protéines)
  • 2 c. à s. de purée d’amandes blanches (7 g de protéines)
  • 1 fruit frais de saison en tranches (1,5 g de protéines)
  • 5 g de spiruline (3 g de protéines)
  • 1 compote avec 1 cuillère à soupe de pollen (3,7 g de protéines)

Au déjeuner :

  • 100 g de crudités de saison (1,8 g de protéines)
  • 100 g de viande ou poisson ou 2 œufs (20,5 g de protéines)
  • 200 g de céréales cuites (5 g de protéines)
  • 200 g de légumes cuits al dente » (3,6 g de protéines)
  • 1 cuillère à soupe de levure ou germe de blé (2,8 g de protéines)
  • Mon « Carrot cake » (7,8 g de protéines)

En collation:

  • 1 à 2 fruits frais de saison ou 50 g de fruits secs bio (3 g de protéines)
  • 30 g de graines oléagineuses (5,25 g de protéines)

Au dîner :

  • 1 potage maison (1,8 g de protéines)
  • 100 g de légumineuses (9 g de protéines)
  • 200 g de céréales cuites (5 g de protéines)
  • 200 g de cuidités (3,6 g de protéines)
  • 1 cuillère à soupe de levure ou germe de blé (2,8 g de protéines)
  • 1 fruit cuit (1,5 g de protéines)

Nous sommes à 98,7 g de protéines soit 1,41 g de protéines/kg/jour. Cela sans produits laitiers, avec un dîner végétarien et sans PHP.

Cycliste amateur, vélotafeur et passionné de courses d’obstacles Diététicien, diplômé en nutrition du sportif, auteur et créateur culinaire