Peut-on jouer au golf lorsque l’on est insuffisant cardiaque?

Peut-on jouer au golf quand on est insuffisant cardiaque?
Peut-on jouer au golf quand on est insuffisant cardiaque?

Le golf est souvent mal évalué par ceux qui ne le pratiquent pas. Certains médecins l’autorisent sans précautions, d’autres, heureusement de plus en plus rares, le contre-indiquent comme toute activité physique. Pendant longtemps, le repos (parfois même au lit !) était la première mesure recommandée chez tous les insuffisants cardiaques. Nous allons voir que, au contraire, l’activité physique est devenue
un véritable traitement de l’insuffisant cardiaque ! Quand elle est bien réalisée, elle est des plus profitables sur le plan physique et psychologique ! Comme le déclare le Club des Cardiologues du Sport : « le golf, absolument mais pas n’importe comment ».

Par les docteurs Laurie Fanon, Simon Lannou et Dany Michel Marcadet Cardiologues du sport Centre Cœur et Santé Bernoulli, Commission médicale de la FFG

Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque ?

L’insuffisance cardiaque est un état pathologique dans lequel le muscle cardiaque n’est plus capable d’assurer son rôle de pompe, c’est-à-dire de fournir un débit sanguin suffisant pour satisfaire les besoins de l’organisme.

Lorsque l’on fait un effort par exemple, le cœur va augmenter le débit cardiaque en éjectant plus de sang et plus vite, grâce à l’accélération de la fréquence cardiaque. Chacun l’a constaté. Lorsqu’une maladie cardiaque survient, le cœur ne va plus pouvoir fournir le débit suffisant. Il va alors se transformer dans un premier temps pour essayer de remplir sa mission en s’hypertrophiant (en se musclant, ses parois devenant plus épaisses) et/ou en se dilatant et en augmentant sa fréquence de battements. Mais ces adaptations vont elles-mêmes s’épuiser. Les symptômes apparaissent alors : fatigue, essoufflement à l’effort et tachycardie (fréquence cardiaque rapide > à 90/min au repos).

À ce stade, le cœur n’est plus capable d’assurer un débit de sang suffisant pour couvrir les besoins du corps en oxygène, d’abord à l’effort puis même au repos.

Contrairement aux idées reçues, l’insuffisance cardiaque n’est pas une maladie du vieillard, sans traitement efficace et toujours grave !

Elle peut aussi être une maladie de l’enfant, de la femme enceinte et du sujet jeune. Elle peut être chronique, apparaissant progressivement mais aussi aiguë, réalisant une urgence vitale lorsqu’elle survient brusquement (œdème aigu du poumon, les alvéoles pulmonaires se remplissent d’eau, partie aqueuse du sang fuyant au travers des vaisseaux, cela en lien avec une trop forte pression dans ces derniers). Beaucoup de causes à cette maladie : certaines génétiques et familiales, maladie de l’alimentation (alcool, déficit vitaminique…), infections virales (myocardite) et l’évolution de la plupart des maladies qui touchent les structures cardiaques, les valves, les artères coronaires (artères du cœur) ou le muscle lui-même.

Plus d’un million de personnes en France sont touchées.

Heureusement, l’arsenal thérapeutique mis à notre disposition s’est extraordinairement amélioré.

Il existe 2 types d’insuffisance cardiaque

L’insuffisance cardiaque diastolique (en lien avec un trouble de la relaxation
du muscle cardiaque)

Au moment de la diastole, le cœur se remplit de sang avant de pouvoir l’éjecter, aspirant le sang de l’oreillette grâce à la pression négative engendrée par sa relaxation. Lorsque le muscle cardiaque est épaissi ou rigide, le remplissage diminue et donc la quantité de sang avec l’oxygène et les autres substances vitales qu’il transporte sera diminuée.

La première cause de l’insuffisance cardiaque diastolique est l’hypertension artérielle, maladie extrêmement fréquente (65 % des gens de plus de 65 ans) souvent sans symptômes apparents. Mal ou non traitée, elle aboutit à la longue à un épaississement du muscle cardiaque, conduisant à la réduction de sa puissance.

L’insuffisance cardiaque systolique

Durant la systole, le cœur se contracte pour éjecter le sang, d’une part dans les poumons pour celui qui vient des cavités droites pour pouvoir être oxygéné, et dans l’organisme entier pour les cavités gauches. Toute diminution de la force d’éjection entraîne une diminution du débit cardiaque et donc, de l’oxygénation des organes.

Les causes de diminution de la force d’éjection sont nombreuses :

• Très souvent ischémique (« ischémique » veut dire diminution du flux sanguin liée à une atteinte des artères qui nourrissent le cœur, les artères coronaires. Si elles se bouchent totalement, cela provoque le tristement fameux infarctus du myocarde) ;

• Une atteinte des valves du cœur (notamment le rétrécissement de la valve aortique située entre le ventricule gauche et l’aorte, maladies congénitales, etc.) ;

• Une infection virale ou toxique (alcool, médicaments, par exemple certaines chimiothérapies utilisées dans le traitement des cancers) ;

• Si les coronaires sont saines, que les valves sont bien étanches, qu’il n’y a pas d’hypertension artérielle ou de malformation cardiaque, il s’agit d’un affaiblissement primitif du muscle cardiaque pour lequel on ne trouve pas d’explication, on parlera alors de « cardiomyopathie dilatée primitive ».

Les symptômes de l’insuffisance cardiaque

L’essoufflement est le premier symptôme. La difficulté à respirer est liée à l’engorgement d’eau dans les poumons, ressentie comme un simple inconfort respiratoire, puis un véritable essoufflement à l’effort, qui peut s’aggraver en se manifestant même au repos. Signe d’aggravation majeur, le fait d’être essoufflé quand on est allongé, plus encore que lorsqu’on est assis. Il s’agit là d’un signe nécessitant une consultation d’urgence, voire un appel au 15.

La fatigue est le deuxième symptôme, ressentie même pour un petit effort et qui est due au déficit d’irrigation sanguine des muscles.

Le gonflement de certaines parties du corps (foie, veines du cou, jambes), gorgées d’œdèmes, peut être également un signe d’insuffisance cardiaque. Enfin, une prise de poids importante et rapide, de l’ordre d’un kilo par jour, est un signe particulièrement alarmant. D’autres signes peuvent alerter, comme des palpitations, dues au travail excessif accompli par le cœur, ou une baisse de tension, concomitante à une réduction de la capacité d’éjection du muscle cardiaque, ainsi que des troubles de la mémoire ou de la libido.

Réagir dès les premiers symptômes

L’ensemble de ces signes nécessite de contacter immédiatement son médecin traitant ou son cardiologue. Une prise de poids inhabituelle, le gonflement des jambes, la difficulté à respirer ou l’essoufflement inhabituel pour des efforts minimes sont des symptômes devant faire penser à l’insuffisance cardiaque.

En cas de manifestation aiguë, d’essoufflement interdisant de s’allonger, il ne faut pas hésiter à appeler le SAMU.

Comment et pourquoi l’activité physique améliore-t-elle la vie des patients insuffisants cardiaques ?

L’insuffisance cardiaque gêne l’effort, en raison d’une part d’un fonctionnement moins efficace de la « pompe » cardiaque, et d’autre part à cause d’anomalies périphériques,  musculaires (perte de muscles, diminution des enzymes et des mitochondries qui servent à l’utilisation musculaire de l’oxygène et donc au fonctionnement musculaire) et vasculaires (fonctionnement des vaisseaux sanguins conditionnant l’apport du sang aux muscles, vaisseaux qui perdent leur capacité à se dilater, et donc à augmenter le flux sanguin à l’effort). Il existe également des troubles des systèmes énergétiques et des récepteurs articulaires à l’effort. Toutes ces anomalies combinées fatiguent et essoufflent les patients à l’effort.

En sollicitant régulièrement le système cardio-circulatoire et musculaire, la pratique régulière d’exercices physiques normalise progressivement ces anomalies, à condition que cette activité soit adaptée en termes de type et d’intensité.

Il est souvent bénéfique de proposer à ces patients, souvent très déconditionnés à l’effort, de passer par une phase de réadaptation cardiaque encadrée dans des services spécialisés. En effet, entre l’appréhension de « faire du sport » seul et d’encourir des incidents, et celle de ne pas savoir « quoi faire » ou « comment faire », sans compter la gêne importante à l’effort, décourageante, peu de patients se mettent spontanément à l’exercice seuls. La réadaptation permet de les initier à l’exercice physique, en toute sécurité, avec des coachs et une équipe médicale et paramédicale formée à la pathologie. Elle consiste en un réentraînement progressif en endurance (sur vélo ou sur tapis, en charge continue et si possible avec des exercices « fractionnés » en Interval Training), associé à une activité de renforcement musculaire qui améliore la force périphérique et l’utilisation musculaire de l’oxygène ainsi que leur vascularisation. Les bénéfices s’observent assez rapidement, en 6-8 semaines à raison de 2-3 entraînements par semaine.

L’activité physique constitue un médicament aussi important que les nombreuses pilules prescrites, et doit être prise comme telle : on ne doit pas l’oublier ou la négliger, au même titre que les médicaments. Elle devrait être prescrite à dose optimale pour chaque patient, tout comme les autres traitements !

Malheureusement, si cette activité physique n’est pas maintenue régulièrement (au moins 3 fois par semaine pendant au moins 30 minutes, avec idéalement une activité de renforcement musculaire en plus), les bénéfices de la réadaptation se perdent entièrement en moins de 2 mois, avec réapparition de l’essoufflement à l’effort et la perte d’autonomie liée à la gêne dans les activités quotidiennes (faire les courses, sortir de chez soi, prendre le métro…). L’activité physique étant également un des éléments clés pour diminuer les décompensations, les hospitalisations et les décès.

Il est donc indispensable de s’investir dans une activité physique motivante et adaptée à sa pathologie : le plaisir représente une part importante de la motivation et, en cela, le golf constitue une option très adaptée à la problématique, réunissant une activité d’endurance et de groupe, motivant par sa sociabilité sa pratique régulière. Plein air, paysages, bon moment entre joueurs ou long moment pour soi, tout concourt à conseiller ce sport aux insuffisants cardiaques.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que cette pratique sportive doit rester encadrée par le cardiologue référent. En effet, il n’est pas rare, sur des parcours exigeants, que la fréquence cardiaque puisse atteindre son maximum lors des déplacements (le swing lui-même ne demandant pas une dépense énergétique majeure) : la stabilité de la maladie, la connaissance des signes d’alerte et de la conduite à tenir, une bonne idée de ses capacités, déterminées lors de tests d’efforts, un suivi régulier de son état sont des éléments indispensables à la « bonne pratique » du golf par un insuffisant cardiaque.

Le patient signalera à son cardiologue tout symptôme inquiétant (essoufflement anormal, douleurs thoraciques lors de l’effort, en particulier si elles sont oppressives, « poids sur la poitrine », sensations de battements de cœur anormaux ou irréguliers, malaises, pertes de connaissance durant l’effort, perte de performance inexpliquée) et cessera immédiatement l’activité physique en cas de survenue de ces symptômes. Il devra être suivi et évalué régulièrement.

Le port d’un appareillage de type pacemaker ou défibrillateur implantable pose des questions particulières. En effet, ce dispositif sous-cutané (positionné en général sous la clavicule) relié à des sondes qui, via une veine sous la clavicule, rejoignent le cœur pour traiter les troubles rythmiques, peut être gênant physiquement lors de la pratique du golf.

Avant l’implantation, on peut signaler au cardiologue qui réalisera l’intervention sa pratique de ce sport : ainsi, il positionnera le boîtier de façon qu’il n’existe pas de conflit mécanique entre les mouvements d’épaule lors d’un swing, et le boîtier (donc, plutôt bas sous la clavicule).

Par ailleurs, après la pose, un délai de 2 mois pour respecter la cicatrisation devra être prescrit avant la reprise du golf, et cela après une visite de contrôle chez le rythmologue. On peut relire l’article traitant de ce sujet publié dans la revue les années précédentes.

Quelles sont les précautions particulières à prendre lorsque l’on est insuffisant cardiaque et que l’on désire soit reprendre le golf, soit s’y mettre pour la première fois, ce que les cardiologues recommandent?

1. Il est nécessaire d’avoir un bilan cardiaque avec son cardiologue avec au minimum un test d’effort pour évaluer la réponse de l’organisme à l’exercice physique et obtenir son feu vert.

2. Un passage en réadaptation cardiaque est hautement recommandé après que le diagnostic d’insuffisance cardiaque a été posé au moins une fois dans sa vie.

3. En fonction de la sévérité de la pathologie, on adaptera son jeu. Quelques trous seulement, voire du practice dans certains cas, jusqu’à un parcours complet. La voiturette est une solution provisoire, il faut en effet marcher absolument car le swing n’est pas suffisant pour que le cœur ait les bénéfices de l’exercice physique.

4. On respecte les recommandations du Club des Cardiologues du Sport (cf. encadré).

En conclusion

La pratique sportive régulière est aussi indispensable pour les patients insuffisants cardiaques que leur traitement médicamenteux.

Le golf est tout à fait indiqué car il remplit les caractéristiques des activités physiques préconisées aux cardiaques : endurance douce, mais aussi sociabilité et agréabilité, indispensables pour la motivation au long cours.

Un suivi régulier, un état stable, la connaissance de ses capacités à l’effort, estimées par le cardiologue, ainsi que des signes d’alerte devant amener à une consultation urgente, constituent les indispensables prérequis avant de se lancer sur son « 18 trous » préféré !

Alors, prêt ? Golfez !

Club des Cardiologues du sport

  1. Signaler à son médecin toute anomalie survenant pendant ou après l’effort : malaise, douleur thoracique, essoufflement anormal, palpitations
  2. Respecter toujours un échauffement et une récupération de 10 min
  3. Boire 3 à 4 gorgées d’eau toutes les 30 min d’exercice à l’entraînement comme en compétition
  4. Éviter les activités intenses par des températures extérieures < – 5° ou > + 30° et lors des pics de pollution
  5. Ne pas fumer
  6. Ne pas consommer de substance dopante et éviter l’automédication en général
  7. S’abstenir en cas de fièvre ou toute autre maladie aiguë
  8. Effectuer un bilan médical avant de reprendre une activité sportive pour les hommes de plus de 35 ans et pour les femmes de plus de 45 ans