Vous faites de la natation et vous avez mal aux épaules. Si ce n’est pas vous, c’est votre compagnon de ligne d’eau qui souffre de cette articulation. Incontestablement, une stratégie préventive s’impose pour éviter cette blessure qui hante les bassins ! Explications et conseils !
a natation est considérée comme un sport peu traumatisant. Pourtant, lorsque le volume de l’entraînement augmente, quand le geste est défectueux et surtout dès que la préparation physique hors de l’eau est insuffisante, cette discipline provoque souvent des blessures. L’épaule est emblématique de ce constat. Une étude simple et amusante avait consisté à demander à des radiologues d’estimer l’âge des patients en observant les images échographiques des tendons de leurs épaules. Les nageurs de haut niveau inclus dans le groupe avaient 25 ans en moyenne. Les imageurs leur en avaient donné 50 !
Les grands singes parviennent à se déplacer de temps à autre sur les deux jambes. On dit qu’ils sont « bipèdes sporadiques ». Comme nous, l’évolution leur a conféré des membres supérieurs mobiles et des membres inférieurs stables. En effet, l’épaule ressemble à la hanche. L’humérus, l’os du bras, et le fémur, l’os de la cuisse, sont tous les deux porteurs d’un sommet sphérique.
L’omoplate et le bassin sont en forme d’ailes plates et accueillent la surface articulaire le long des membres. Mais il existe une énorme différence ! Pour assurer la stabilité de nos jambes des bipèdes, le haut du fémur s’emboîte dans une cavité creusée dans le bassin qui représente environ la moitié du volume d’une sphère. Cette anatomie permet de marcher en équilibre.
A l’inverse, l’omoplate propose à l’humérus une surface articulaire ressemblant à une assiette plate… devenant assiette à soupe si l’on tient compte du petit ménisque qui l’entoure ! C’est ainsi que l’épaule est devenue particulièrement mobile chez le bipède, au prix d’une grande instabilité !
Pour établir un compromis, Dame Nature a entouré la tête de l’humérus d’une nappe de tendons et de muscles, appelée « coiffe des rotateurs ». Cette terminologie vous aide à comprendre que cette structure ressemble à une chevelure bien peignée. Quand l’ensemble se contracte, la tête est fixée dans son logement. Elle peut servir de centre de rotation pour mobiliser l’épaule quand les grands muscles, les pectoraux et les dorsaux, se contractent puissamment.
Ainsi, les hommes et les singes ont pu utiliser des outils et booster leur intelligence ! Les premiers ont appris à nager, les seconds sont parvenus à se balancer de branche en branche, on dit qu’ils sont devenus « arboricoles ». Malheureusement, ces secteurs de mobilité n’ont rien à voir avec ceux de la quadrupédie.
Lorsque l’épaule bouge autant, il arrive que la tête de l’humérus vienne cogner sur les reliefs osseux situés en haut de l’omoplate. La coiffe des rotateurs est alors pincée puis rabotée. Irritée et abîmée, elle peine ensuite à centrer la tête de l’humérus ! Cette dernière pistonne d’autant plus et la coiffe cogne encore plus ! Un cercle vicieux lésionnel se met en place ! La coiffe ne parvient plus à s’auto-protéger !
La situation se révèle même moins délétère chez les grands singes que chez les nageurs ! Chez les premiers suspendus aux arbres, leurs bras se déplacent surtout en avant de leur buste. À ce niveau, la voûte osseuse se transforme en ligament souple qui laisse glisser l’humérus et la coiffe.
Les kinésithérapeutes qui enseignent ce secteur de mobilité à leurs patients parlent de « voie de passage ». C’est également le secteur de mobilité de la brasse, beaucoup moins agressive que les autres nages. En crawl, en dos et en papillon, lorsque l’humérus monte ou passe en arrière de votre buste, il vient frotter les reliefs osseux de l’omoplate. Nager se montre plus délétère pour l’épaule que se suspendre de branche en branche !
Vous l’avez compris, le geste de la natation se révèle intrinsèquement risqué pour l’épaule. À haut niveau, le plus souvent, c’est la multiplication des heures d’entraînement qui est responsable d’une éventuelle lésion. Les fautes techniques responsables de blessures concernent plus volontiers les pratiquants modestes.
On parle de « technopathie ». En crawl, la plus classique consiste à faire entrer la main dans l’eau en commençant par le pouce et au-dessus de la tête. Cette erreur vient du désir de glisser en tirant fort vers l’avant. Malheureusement, dans ces circonstances, le corps sort de son axe et la main croise la ligne de la colonne vertébrale au lieu d’avancer.
Dans cette posture, l’humérus pistonne et tourne vers les reliefs osseux de l’omoplate. La coiffe vient s’y impacter. Vous savez, la prévention passe par une entrée dans l’eau, la main glissant à plat dans l’axe de l’épaule. Une préparation physique insuffisante ou inadaptée est à l’origine de souffrance de l’épaule. La musculation « à sec » doit faire partie intégrante d’une pratique assidue. Cette stratégie vous concerne tout particulièrement si vous nagez pour votre plaisir ou si vous vous entraînez seul pour un triathlon.
Je vous propose deux exercices simples et efficaces car spécifiques et fonctionnels. Puisque la coiffe des rotateurs s’auto-protège, il faut la renforcer ! Prenez des haltères légers, penchez-vous légèrement en avant. Faites de petites rotations d’épaule sans monter jusqu’à l’horizontale. Dans cette posture dite « en pendulaire », le poids du bras et de la fonte éloigne l’humérus des reliefs osseux situés en haut de l’omoplate. On parle de « décoaptation ».
Ainsi, vous parvenez à muscler votre coiffe sans que jamais les tendons ne coincent. Elle acquiert plus de force et d’endurance. Malgré les longueurs de bassin qui s’enchaînent, elle reste efficace. Elle assure le centrage de la tête humérale lors de la mise en action des muscles puissants, responsables de la propulsion dans l’eau. Faites cet exercice au moins deux fois par semaine ou plus souvent à l’occasion d’un rituel matinal par exemple.
Choisissez une charge relativement légère pour ne pas malmener vos tissus et pour atteindre 30 à 50 répétitions. Ajustez le nombre de façon à ressentir des brûlures ou des tremblements musculaires dans le dos, au voisinage de l’omoplate.
Malgré l’approximation apparente, cette méthode est la plus rigoureuse sur le plan scientifique. Elle est d’ailleurs parfaitement validée. Elle permet de côtoyer à chaque fois vos limites et de progresser en augmentant le nombre de répétitions ou en accroissant la charge. L’autre versant du mécanisme lésionnel, c’est la traction du bras par les muscles puissants vers les reliefs osseux de l’omoplate. Leur action est alors insuffisamment compensée par le contrôle des muscles opposés freinateurs.
On parle d’équilibre « agoniste / antagoniste ». Lors de la natation, ce sont les muscles élévateurs et rotateurs internes qui sont trop forts, alors que les rotateurs externes et les abaisseurs sont trop faibles. Pour faire simple, il suffit de vous entraîner à ralentir le mouvement de retour. En salle, l’appareil à tirage vertical s’y prête parfaitement. Utilisez plus volontiers une double poignée avec les paumes de mains qui se font face.
Ainsi, vous évitez les positions de conflit entre la coiffe et l’omoplate. Tirez vers le bas en avant de votre buste et surtout freinez le retour en amenant lentement vos mains à la verticale de vos épaules. Là encore, enchaînez les répétitions jusqu’à ressentir des brûlures musculaires.
À la maison, il est possible de réaliser un geste équivalent. Genoux fléchis, penchez-vous en avant de façon à horizontaliser votre buste. Accrochez un élastique à un radiateur ou à une balustrade, à hauteur de vos épaules. Tirez dessus parallèlement à l’axe de votre colonne vertébrale et surtout ralentissez le retour.
Puisque ce geste ressemble au retour des bras, il renforce l’ensemble des chaînes musculaires contrôlant le mouvement. De surcroît, il peaufine une coordination très voisine. De fait, les acquis se transfèrent aisément vers le geste spécifique.
En cela, il semble préférable aux techniques de renforcement analytique qui travaillent chacun des muscles isolément à l’aide d’exercices très éloignés du sport pratiqué. En cela, il est probable que le classique mouvement de rotation externe de l’avant-bras, coude au corps ne bénéficie pas d’un bon transfert!
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