Le golf est un sport qui nécessite une très bonne stabilité. Pour les golfeurs notamment professionnels, le golf exige un équilibre parfait.
Par Bernard Fraysse, Clémence Pierroux, Sébastien Merriaud, Marie-José Estève-Fraysse
Notre stabilité dans l’espace dépend de l’intégration d’informations sensorielles provenant de 3 systèmes sensoriels : le système vestibulaire, le système visuel et le système somato-sensoriel communément appelé la « proprioception ». Ces 3 entités fonctionnent en même temps et informent le système nerveux central sur la position de notre corps dans l’espace ; en réponse les centres nerveux donnent des ordres aux muscles du corps pour se contracter. Le système vestibulaire encore appelé le « labyrinthe postérieur » comprend des canaux semi-circulaires au nombre de 3 et les organes otolithiques utricule et saccule. Ces organes récepteurs ont des innervations propres ; ainsi, les canaux semi-circulaires détectent les accélérations rotatoires et les organes otolithiques, les accélérations liées à la force de gravité (voir figure 1). Le système visuel : la vision est l’une des sources d’information les plus fiables pour le cerveau. Lorsqu’une information visuelle est en contradiction avec une information d’une autre nature, nous avons plutôt tendance à croire nos yeux. Le système proprioceptif nous donne la perception que nous avons de notre corps et notamment de l’importance de la force musculaire nécessaire à l’exécution d’un mouvement ou au maintien de la position de l’articulation.
Les troubles de l’équilibre secondaires à une atteinte vestibulaire peuvent être provoqués soit par une atteinte des liquides de l’oreille interne, « l’hydrops », soit par une atteinte des récepteurs de l’organe de l’équilibre, les canaux semi-circulaires ou les otolithes, soit à une atteinte du nerf vestibulaire ou des voies vestibulaires centrales. Sur le plan clinique, le trouble de l’équilibre se manifeste par un vertige, une sensation de rotation des objets par rapport au sujet ou inversement ou une instabilité chronique. Ces vertiges sont évidemment d’une intensité et d’une durée variables en fonction de l’étiologie. L’examen clinique consiste à rechercher un nystagmus, c’est-à-dire un mouvement oculaire des yeux caractérisé par une phase lente puis une secousse rapide. L’analyse du nystagmus, de son déclenchement, de sa direction, de ses modifications positionnelles, permet de différencier en principe les causes centrales des causes périphériques de vertiges. L’examen clinique est complété par une manœuvre de Romberg qui consiste à mesurer la déviation axiale du corps lors de la marche aveugle sur place. Les examens complémentaires ORL comprennent : la vidéoscopie qui recherche sous lunettes (diminuant la fixation oculaire) à visualiser le nystagmus, la vidéonystagmographie qui permet l’enregistrement informatique des mouvements oculaires, les potentiels évoqués myogéniques vestibulaires qui permettent d’évaluer le fonctionnement des organes otolithiques. Il existe de nombreuses causes de vertiges : le vertige paroxystique positionnel bénin, la maladie de Ménière, les névrites vestibulaires, les labyrinthites, les causes tumorales dont les neurinomes de l’acoustique. Il existe aussi des causes centrales, notamment vasculaires.
L’analyse des troubles de l’équilibre chez le golfeur a été faite chez des golfeurs professionnels ayant consulté à plusieurs reprises pour des troubles de l’équilibre, ce qui a fait l’objet d’une première thèse par Clémence Pierroux(1) pour mettre en évidence une technique d’exploration du fonctionnement des canaux semi-circulaires verticaux, pouvant être utilisée en pratique courante afin d’évaluer de manière spécifique la pathologie du golfeur. Une deuxième thèse par Sébastien Merriaud(2) a eu pour objectif d’évaluer sur un échantillon de golfeurs professionnels évoluant sur le Tour européen la fréquence de la pathologie vertigineuse et des troubles de l’équilibre. Dans la première thèse concernant l’analyse des troubles de l’équilibre chez le golfeur, il s’agit classiquement de vertiges rotatoires pendant quelques minutes suivis d’une instabilité durant la journée puis les jours suivants. L’examen clinique retrouve un nystagmus vertical supérieur présent dans toutes les positions avec une asymétrie du fonctionnement des canaux semi-circulaires verticaux. Plus précisément, l’examen clinique consiste à positionner la tête pour permettre d’horizontaliser les canaux semi-circulaires verticaux et donc de les stimuler par des accélérations ou décélérations horizontales et non pas antéropostérieures. Aucun effet indésirable n’est à signaler. Aucun sujet ne s’est vu contraint de stopper les enregistrements. Nous considérons cette technique d’exploration comme réalisable en toute innocuité.
L’hypothèse la plus vraisemblablement reconnue est celle d’une prépondérance du canal semi-circulaire postérieur droit sur le canal antérieur gauche ; la thérapeutique proposée a été une rééducation vestibulaire adaptée. Sur le plan physiopathologique, il est probable que les mouvements répétés de très nombreuses fois, jusqu’à 1 000 fois/jour, de mouvement angulaire de la tête peuvent être responsables d’habituation des canaux semi-circulaires verticaux et une asymétrie identique a pu être décrite chez les danseurs professionnels. À l’examen clinique, ces patients présentent un dysfonctionnement des canaux semi-circulaires verticaux et très précisément des canaux postérieurs.
La deuxième thèse a consisté à évaluer dans un échantillon de golfeurs professionnels évoluant sur le Tour européen l’existence d’une pathologie vertigineuse, de troubles de l’équilibre. Les golfeurs sélectionnés devaient être inscrits en 2009 sur le Tour Européen. Le questionnaire a été adressé soit par messagerie, soit donné directement aux joueurs à l’occasion d’un tournoi professionnel en Europe ou aux États-Unis. Le questionnaire a été traduit en anglais, en espagnol et en portugais. Une première partie concernait la pratique du golf : nombre d’heures de practice, nombre de tournois, vitesse d’atteinte du club à l’impact.
Une deuxième partie portait sur les antécédents médicaux du patient et une troisième, plus spécifiquement sur les troubles de l’équilibre et la pathologie du golfeur. Parallèlement, un groupe témoin de volontaires non exposés à un entraînement intensif du golf a été sélectionné. Une comparaison des 2 groupes a été faite à partir des données statistiques utilisant le test de Student. L’analyse des différentes variables et leur rapport avec la présence de vertige révèlent chez le golfeur professionnel comme chez les golfeurs semi-professionnels que le risque croît en partie avec le nombre d’années de pratique. Cela permet de penser que les variables âge, nombre d’heures de practice, nombre de tournois et durée sont des facteurs de risques indépendants et que, probablement, le dysfonctionnement du système vestibulaire chez les golfeurs professionnels peut être dû à une pratique du golf non seulement intense, mais aussi prolongée. Il n’a pas été mis en évidence de relation entre l’existence de troubles de l’équilibre et la vitesse de swing à l’impact. Comme toujours, il faut tenir compte des limites de l’étude liées à la population relativement faible de golfeurs inclus dans l’étude (75 réponses), du caractère pas toujours exhaustif de la réponse. Ces deux études ont pu mettre en évidence, d’une part sur le plan physiopathologique la responsabilité des canaux semi-circulaires verticaux et d’autre part, les relations de cette pathologie avec la durée et l’intensité de la pratique du golf au niveau professionnel.
C’est la raison pour laquelle, en présence de troubles de l’équilibre chez le golfeur professionnel qui se caractérisent par un vertige d’apparition brutale avec une instabilité chronique associée, essentiellement positionnelle, il est essentiel d’évaluer le fonctionnement des canaux semi-circulaires verticaux et d’entreprendre une rééducation vestibulaire visant à rétablir des réponses symétriques entre les canaux et de proposer à titre préventif des conseils d’entraînement basés sur des séances de swing en sens contraire de temps en temps.
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