Le risque cardiaque lors de la pratique du trail

Le risque cardiaque lors de la pratique du trail
Le risque cardiaque lors de la pratique du trail

Le système cardio-vasculaire (cœur et artères) doit s’adapter de façon majeure lors de la pratique sportive. Ainsi, la fréquence cardiaque, le volume de sang éjecté et donc le débit sanguin augmentent, dans des proportions parfois impressionnantes, pour satisfaire les besoins des muscles périphériques en activité. Le cœur lui-même (qui est aussi un muscle) pour faire ce supplément de travail va nécessiter un apport de sang important par les artères coronaires (artères qui nourrissent le cœur). Cette importante sollicitation du système cardio-vasculaire explique presque entièrement que la première cause d’accidents non traumatiques lors de la pratique du sport soit d’origine cardiaque. Cette stimulation du système cardio-vasculaire est toutefois variable et dépend à la fois du sportif (âge, niveau d’entraînement…), du type d’activité sportive (intensité et durée de l’exercice) et des conditions environnementales (chaleur, froid, vent, altitude…). Tous ces éléments sont souvent réunis dans les courses de trail.

Par le docteur Stéphane Doutreleau, cardiologue du sport, physiologiste de l’exercice et de l’entraînement, membre de la commission médicale de l’UTMB

Quel profil à risque ? Personne n’est à bas risque ! Il faut lutter contre cette idée car, même s’il n’y a pas de symptômes apparents, il faut faire attention et chercher à éliminer de potentielles pathologies grâce à des examens. L’évolution de notre mode de vie nous a rendu plus vulnérable sur le plan cardiaque et les maladies cardio-vasculaires constituent la principale cause de décès dans nos pays industrialisés.

Plusieurs facteurs de risque ont pu être mis en évidence et comprennent principalement l’âge, le tabagisme, l’excès de cholestérol, le diabète, le surpoids, la sédentarité et l’hypertension artérielle. Certains de ces facteurs peuvent être associés mais tous n’ont pas le même poids dans l’évaluation du risque. Nous ne parlerons pas ici du cas du sportif qui a déjà eu un accident cardiaque, qui est un sujet à risque et qui nécessite l’avis spécialisé d’un cardiologue. Les plus de 35 ans sont sujets à un risque de pathologie coronaire sans symptôme. Il faut faire des bilans cardio-vasculaires régulièrement pour connaître les maladies à facteur de risque.

Comment reduire le risque ?

Le sportif est par définition l’opposé du sédentaire et généralement en « bonne santé » apparente. Mais il peut quand même avoir un ou plusieurs facteurs de risque, connus ou méconnus et il peut présente des symptômes qui ne se révèlent que lors de la pratique du sport. Il s’agit essentiellement de douleurs dans la poitrine, d’un essoufflement anormal, de malaises ou de syncopes à l’effort, et plus rarement de
« ratés » ou d’emballement de la FC sur le cardiofréquencemètre. Il est donc particulièrement important de signaler tout symptôme apparu lors des séances d’entraînement et de faire régulièrement le point avec son médecin sur les facteurs de risque car certains d’entre eux ne donnent pas de symptômes. En général, leur présence ne constitue pas un obstacle à la pratique du sport mais nécessite néanmoins une prise en charge adaptée.

Régulièrement, la pratique d’un test d’effort peut aider au dépistage des sujets à risque. Mais il faut garder à l’esprit qu’un test normal ne peut pas tout éliminer et que cela ne dispense pas de signaler à son médecin toute anomalie constatée lors de la pratique du sport. Une fois le risque cerné, l’entraînement régulier (dans la semaine et dans l’année) et progressif est aussi un élément primordial pour réduire le risque. Un objectif raisonnable et une préparation adaptée sont donc indispensables.

La pratique du trail est-elle plus dangereuse ?

Le trail est un sport exigeant qui va solliciter de manière significative le système cardio-vasculaire et il peut donc représenter une situation à risque. Toutefois, dès lors que la durée de la course augmente (généralement plusieurs heures), la fatigue musculaire associée (quelle qu’en soit l’origine) qui apparaît impose une baisse de la vitesse de course et donc une moindre sollicitation cardiaque. De ce fait, la pratique des trails et a fortiori des ultra-trails n’est pas plus risquée que d’autres sports. Ces propos doivent quand même être nuancés car d’autres paramètres peuvent intervenir :

  • une déshydratation plus ou moins importante qui non seulement va altérer les performances, mais aussi rendre le sang plus épais et favoriser la formation de caillots possiblement à l’origine d’accidents cardiaques (par exemple, un infarctus du myocarde, c’est-à-dire une artère du cœur qui se bouche par un caillot) ; il est donc indispensable de boire régulièrement avant, pendant et après l’effort ;
  • les conditions environnementales peuvent aussi participer à une sollicitation plus importante du système cardio-vasculaire ; le manque d’oxygène en altitude, la chaleur ou le froid, le vent sont autant de facteurs qu’il faut prendre en compte.

L’ultra-trail est un engagement de tous les jours. Il ne faut pas négliger les changements d’humeur et d’état physique qui en découlent. Il ne faut pas hésiter à consulter en cas de ressenti bizarre, même pendant la course. Le personnel médical sur place est là pour aider, protéger et accompagner ; il ne faut pas craindre l’abandon, qui n’est pas systématique. C’est important de discuter du ressenti et de faire le point régulièrement.

Comment bien se préparer ?

Il faut se soumettre à un entraînement régulier avec un volume suffisant en fonction de l’objectif. Le risque est plus important si on en fait moins. Il faut au minimum 3 mois d’une préparation assidue et adaptée pour minimiser les risques cardio-vasculaires. Le dénivelé peut se révéler un gros challenge mais pas tant dans l’intensité, plutôt dans la descente avec une casse considérable de fibres musculaires. C’est pourquoi la préparation excentrique est recommandée. Niveau cardio, pas de spécificité, il suffit de ralentir naturellement sa vitesse pour ne pas se faire mal. Seul le niveau d’altitude peut provoquer un stress cardio-vasculaire. Quoi qu’il en soit, quand on pratique ce type de sport, il faut consulter pour ne pas prendre de risque.

Les trails, pratiqués régulièrement, sont bons pour la santé. Ces courses ne sont pas plus risquées mais, comme tous les sports, elles peuvent révéler et/ou précipiter un accident cardio-vasculaire éventuellement fatal. Le traileur ne doit donc pas se sentir à l’abri de tout accident. Une connaissance de ses facteurs de risque cardiaque, un signalement de symptômes à l’effort et un suivi régulier sont indispensables. Alors, il pourra s’élancer, serein mais toujours vigilant, sur les parcours ludiques que les organisateurs de trail savent nous offrir dans des paysages magnifiques. 


Cœur et sport, absolument, pas n’importe comment

Recommandations édictées par le Club des Cardiologues du Sport

  1. Je signale à mon médecin toute douleur dans la poitrine ou tout essoufflement anormal survenant à l’effort*
  2. Je signale à mon médecin toute palpitation cardiaque survenant à l’effort ou juste après l’effort*
  3. Je signale à mon médecin tout malaise survenant à l’effort ou juste après l’effort*
  4. Je respecte toujours un échauffement et une récupération de 10 min lors de mes activités sportives
  5. Je bois 3 à 4 gorgées d’eau toutes les 30 min d’exercice à l’entraînement comme en compétition
  6. J’évite les activités intenses par des températures extérieures < –5 °C ou > +30 °C et lors des pics de pollution
  7. Je ne fume pas, en tout cas jamais dans les 2 heures qui précèdent ou suivent ma pratique sportive
  8. Je ne consomme jamais de substance dopante et j’évite l’automédication en général
  9. Je ne fais pas de sport intense si j’ai de la fièvre, ni dans les 8 jours qui suivent un épisode grippal (fièvre + courbatures)
  10. Je pratique un bilan médical avant de reprendre une activité sportive intense si j’ai plus de 35 ans pour les hommes et 45 ans pour les femmes

*Quels que soient mon âge, mes niveaux d’entraînement et de performance,
ou les résultats d’un précédent bilan cardiologique.