Le ski de randonnée une pratique polymorphe pour des bienfaits multiples

Le ski de randonnée une pratique polymorphe pour des bienfaits multiples
Le ski de randonnée une pratique polymorphe pour des bienfaits multiples

Il y a des lustres, nous disent les historiens, que l’homme utilise le ski, pour se déplacer, pratiquer la chasse ou conquérir des territoires. Ce ski nommé nordique est une pratique qui va se développer en Europe dès le 20ème siècle. Aujourd’hui, décliné sous différentes formes, le ski est devenu un loisir qui se pratique sous différentes formes. Le ski de randonnée est une approche du milieu naturel, la plupart du temps hors des pistes, sportive mais aussi conviviale dès lors qu’elle se pratique à plusieurs. Doté d’un matériel spécifique, c’est un moyen de se ressourcer et de se maintenir en forme…

Directeur du Pôle Développement, Formation et Suivi Scientifique de la Fédération Française de Ski

Il n’existe pas qu’une manière de pratiquer la randonnée à ski. C’est bien toute une gamme d’activités qui permet d’adapter sa pratique à ses motivations, son niveau et ses capacités physiques. Son caractère « polymorphe » permet à chacun de trouver sa ou ses pratiques dans un objectif de santé/bien-être. Détaillons ici 3 façons de découvrir le ski de randonnée.

Le ski de randonnée de montagne ou « ski de montagne »

C’est l’activité la plus technique des activités de randonnée à ski mais aussi la manière la plus propice pour découvrir les différentes dimensions de la montagne. La notion de montagne inclut celles d’altitude et d’accessibilité de son relief. Le ski de randonnée permet de pratiquer en « moyenne montagne » (au-dessous de 2 000 m en général) avec la présence d’arbres mais aussi en « haute montagne » avec la présence de glaciers, de parois rocheuses nécessitant, alors, l’utilisation de techniques d’alpinisme (ski-alpinisme).

À noter que la pratique compétitive du ski-alpinisme existe avec une présence aux prochains Jeux olympiques de Milan en 2026 et dans un cadre assez standardisé avec des épreuves de sprint et de relais mixte. Les skis de randonnée de montagne sont équipés d’une fixation mobile, qui permet d’avoir le talon libre en montée et un pas qui s’apparente à la marche.

Pour ne pas glisser en arrière, le randonneur colle sur la semelle de ses skis des « peaux de phoque » qui sont maintenant des peluches synthétiques anti-recul. Dès que la montée est finie, le skieur randonneur enlève les peaux autocollantes, fixe le talon de sa fixation et descend en hors-piste comme en ski alpin. Il est toutefois possible de pratiquer avec des skis de télémark qui ont la particularité de laisser libre le talon à la montée comme à la descente grâce à une technique ancestrale du ski basée sur une fente où le ski extérieur au virage est en avant du ski intérieur.

Dans cette pratique, les degrés de liberté sont plus importants mais avec une contrainte musculaire plus élevée pour ceux qui recherchent une pratique encore plus sportive. Il est également possible de pratiquer en snowboard avec sa version randonnée, « le Splitboard » : à la montée, la planche se sépare en deux parties qui s’apparentent alors à deux skis sous lesquels il est possible de mettre des peaux autocollantes et à la descente, ces deux éléments se re-solidarisent pour reconstituer une planche complète de snowboard afin de « rider » la pente.

Le ski de randonnée sur piste balisée (Ski Touring Track)

Les itinéraires balisés de ski de randonnée en station se sont beaucoup développés ces dernières années et notamment pendant la période COVID avec la fermeture des remontées mécaniques. Cette forme du ski de randonnée permet d’avoir une pratique en station, à proximité des pistes de ski alpin et non pas en hors-piste. De nombreuses stations de ski ont développé leur propre réseau de parcours pour s’adonner à de la randonnée dans un cadre sécurisé : la montée s’effectue sur un chemin balisé et la descente se fait par les pistes de ski alpin.

C’est la pratique idéale pour l’initiation au ski de randonnée mais aussi pour une pratique orientée sur l’entraînement des capacités physiques quelles que soient les conditions météorologiques. Le ski de randonnée sur piste balisée se pratique avec sensiblement le même matériel que celui du ski de randonnée de montagne si ce n’est que, la plupart du temps, le matériel de recherche en avalanche n’est pas nécessaire et que l’activité est plus courte et correspond un peu au « footing de l’hiver ».

Il convient toutefois de rappeler que cette activité de touring track doit se faire dans le cadre des horaires d’ouverture du domaine skiable et que des arrêtés municipaux précisent les lieux et les conditions de pratique. La pratique de nuit est à proscrire (sauf organisation spécifique de la station) afin d’éviter la présence de dameuses sur les pistes qui utilisent des câbles de treuil très dangereux pour des personnes passant à proximité.

Le ski de randonnée nordique (SRN)

Il correspond à la pratique ancestrale du ski, quand il s’agissait de se déplacer en ski pour des raisons fonctionnelles ou d’exploration. Cette discipline, que les Anglo-Saxons appellent de manière un peu trop générale le backcountry, se pratique avec un matériel variable selon le type de terrain à parcourir. Le dénominateur commun du matériel est le « talon libre ». Du ski de fond à écailles jusqu’au ski de télémark, il existe une gamme très complète.

De manière générale, le ski de type « moyen » est assez large pour la stabilité et la portance, avec souvent une taille de guêpe pour faciliter le virage, plus court et plus léger qu’un ski alpin, muni de carres et d’un système anti-recul comme les écailles, le fart de retenue ou les peaux de phoque. Il est courant maintenant de pouvoir combiner une utilisation des écailles et des peaux anti-recul en fonction du degré de pente rencontré. La gamme des chaussures est presque aussi large que celle des skis. La stabilité, le maintien et le confort restent toutefois une caractéristique commune et ce, quelles que soient la taille et la rigidité de la tige.

À la descente et selon les qualités de neige, il est possible d’utiliser les techniques du télémark ou celles du ski alpin. Les chaussures sont conçues pour permettre de marcher dans les zones peu on non enneigées. Dans le cadre d’une pratique polyvalente en matière de pentes (faibles à fortes) à descendre ou à traverser, il s’agira d’opter pour une gamme suffisamment rigide en torsion pour un meilleur contrôle dans les dévers, les descentes et notamment en neige dure.

La pratique du SRN se fait sous forme de sortie à la journée, en raid de plusieurs jours, voire en expédition quand il s’agit de découvrir les montagnes scandinaves, les terres arctiques de Baffin, du Groenland, du Spitzberg, etc. Le SRN est un sport de glisse et un extraordinaire moyen de déplacement qui permet de monter, descendre, sauter dans des espaces naturels non aménagés et avec des terrains à pentes variables en excluant toutefois des pentes très raides. Le télémark sera alors la discipline qui fera la liaison entre la randonnée nordique et la randonnée alpine. Selon sa pratique et son besoin d’autonomie, le skieur portera un sac à dos ou une pulka qu’il traînera derrière lui.

La Fédération Française de Ski (FFS) s’appuie de manière croissante sur ces formes de randonnée comme discipline support pour ses activités de sport santé (« Ski Forme » et « Ski Santé »). Dans ce cadre, chaque type de pratique (ski de randonnée, ski touring track, ski de randonnée nordique) correspond à des encadrants brevetés, aptes à proposer des contenus variés et adaptés à chacun.

Si la présentation de ces disciplines met souvent en avant des arguments (véritables !) liés à l’intérêt d’une pratique de pleine nature, de contemplation, de faible coût carbone, les possibilités offertes par cette pratique en matière de développement du bien-être physique, mental et social sont aussi à faire valoir.

Activités de ski de randonnée : des bienfaits certifiés et approuvés

Si l’environnement des différentes pratiques du ski de randonnée peut être un facteur de risque pour le pratiquant sédentaire et/ou atteint d’une pathologie non détectée, des expositions contrôlées et intermittentes à des stress d’altitude (hypoxie) ou de froid peuvent néanmoins provoquer des adaptations et avoir ainsi des effets bénéfiques. Un cycle de pratique du ski de quelques semaines permettra ainsi de mieux gérer ses réserves de sucre et de graisse pour fournir de l’énergie.

Si ces bienfaits existent pour d’autres disciplines de glisse sur neige comme le ski alpin, le snowboard, etc., la pratique de toute la gamme de randonnées à ski offre la possibilité de moduler à souhait l’intensité de l’effort de manière diversifiée et surtout adaptée au public encadré. Ces disciplines permettent de faire varier l’altitude, le type de neige, la participation du bas et du haut du corps, la vitesse, le niveau d’immersion dans la nature, le degré de contrainte cardio-vasculaire et musculaire, le niveau d’émotion, etc.

Le programme « Ski Forme-Ski Santé » de la FFS, lancé en 2015, constitue un axe important de la politique sportive fédérale. Ce dispositif, qui connaît un grand succès dans les clubs ayant pu le mettre en place, prévoit une formation fédérale certifiante de « coach Ski Forme » fondée sur la multiglisse mais où les activités de randonnée ont pris une importance particulière.

Des pratiques qui développent des habiletés multiples

Loin de réduire les activités de randonnée à un sport énergétique, fusse-t-il de prévention, cette pratique est liée directement à un environnement naturel qui est sans cesse renouvelé. Face aux questions que pourrait se poser le néophyte quant à la difficulté technique et physique d’une pratique sur terrains de montagne avec le talon qui se soulève, la meilleure réponse se situe dans la variété des situations et des modes de pratique.

Progresser, c’est stimuler avec des contraintes croissantes. Or, les interactions qui existent entre le skieur et les terrains qu’il rencontre auto-organisent la motricité. Quelqu’un qui peut marcher pourra rapidement découvrir la promenade skis aux pieds sur piste damée, puis progressivement sur terrain damé varié, puis sur neige non damée, au milieu des arbres, etc. C’est par les sensations occasionnées dans des situations progressivement complexes (et notamment en proposant des situations pédagogiques stimulantes ou en variant les terrains) que les solutions émergent.

Les jambes… et la tête

Si les incidences de développement des activités de ski de randonnée paraissent évidentes sur des aspects énergétiques, voire techniques, le développement de certaines habiletés mentales est également particulièrement remarquable. Une habileté mentale est une ressource permettant de répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne.

Cette ressource contribue à maintenir un état de bien‑être subjectif et ainsi d’adopter un comportement approprié dans les situations d’interaction avec les autres, mais aussi avec son environnement (savoir construire un igloo, s’orienter, etc.). La montagne enneigée étant un espace incertain, la parcourir en skis permet de stimuler des ressources spécifiques qui sont réutilisables dans la vie quotidienne. Les techniques d’« intervention psychosociale par la nature et l’aventure » (IPNA) ou « Prescri-Nature », développées au Canada mais déployées plus largement dans d’autres pays comme la Belgique, sont un bon exemple des intérêts d’une pratique telle que le SNR.

Il s’agit d’avoir recours à l’immersion dans la nature et l’aventure à des fins d’éducation, de développement, de thérapie, de prévention et de réadaptation. Les expériences ont montré qu’une pratique de pleine nature comme les activités de ski de randonnée permet d’améliorer l’estime de soi, la confiance en soi ou encore la maîtrise de soi.

Les activités d’orientation et de recherche d’itinéraires par la lecture du terrain en fonction de la connaissance de ses propres capacités facilitent le développement de compétences cognitives comme la prise de décision et la résolution de problème ; la situation dans l’espace, la mémorisation, la stabilité et la durée de l’attention mais aussi la capacité d’acceptation et de résilience. Dans une pratique en groupe et notamment dans le cadre de raids de plusieurs jours, les compétences psychosociales ne sont pas en reste avec le développement des compétences d’empathie, de commu­nication positive, la capacité à formuler et recevoir des critiques, à savoir s’affirmer et résister à la pression sociale. 

En conclusion

Pratiquer le ski de randonnée sous toutes ses formes c’est adopter une activité plus large qu’un sport. Un art de vivre la montagne pour multiplier les occasions de faire du bien à son corps et à son esprit.