Le syndrome de loge: des solutions avant l’opération ? 

Le syndrome de loge: des solutions avant l’opération ? 
Le syndrome de loge: des solutions avant l’opération ? 

Vous faites de la course à pied. Au cours de votre footing, vous avez mal à l’avant des jambes. Vous avez l’impression que c’est tendu. Vous êtes probablement victime d’un syndrome de loge. Explications et solutions.

Les muscles qui relèvent le pied se situent devant le tibia et le péroné. On y trouve le tibial antérieur et le releveur des orteils et, un peu plus sur le côté, les fibulaires qui stabilisent la cheville et évitent les entorses. Lorsque vous courez, ils remontent la pointe du pied afin que vous puissiez allonger la foulée et vous réceptionner sur le talon. Ils habitent dans une loge étroite et peu extensible.

Des muscles coinces dans une loge rigide

Il y a de chaque côté les piliers osseux du tibia et du péroné. En arrière, il existe une grosse plaque fibreuse qui les relie, appelée « membrane interosseuse ». En avant, on retrouve la membrane musculaire nommée « aponévrose », souvent très épaisse comme pour parer aux différents chocs antérieurs.

Asphyxie musculaire !  

Plusieurs circonstances favorisent la prise de volume de ces muscles de la loge antéro-externe de la jambe : par exemple, vos débuts en course à pied ou l’augmentation du kilométrage, voire un engouement pour le relief en vue d’une transition vers le trail. Le plus souvent, si ces modifications sont progressives, la membrane antérieure va se distendre. À l’inverse, si vous enclenchez de brusques changements d’entraînement ou si vous êtes un peu raide de constitution, vos muscles prennent du volume et la loge devient trop étroite.

Le muscle mal oxygéné gonfle et écrase les vaisseaux : un cercle vicieux

À l’effort, lorsque les releveurs du pied se contractent et s’expandent, les vaisseaux qui les traversent n’ont plus de place pour se dilater et apporter de l’oxygène. Les masses muscu­laires souffrent, deviennent œdémateuses et se mettent à gonfler ! Un vrai cercle vicieux commence ! Plus les muscles gonflent, plus ils écrasent les vaisseaux ; plus les muscles souf­frent et plus ils gonflent ! La douleur augmente rapidement, imposant l’arrêt de l’activité. Parfois, vous remarquez même une faiblesse des releveurs étouffés, vous avez des difficultés à remonter votre pied et vous pouvez même trébucher !

Diagnostic classique mais parfois très tardif !

Vous l’avez compris, l’histoire de cette blessure est très caractéristique.  Mais il faut y penser et connaître l’existence de cette pathologie. Il est vrai qu’à l’examen, on trouve peu de chose. Le lendemain d’un footing douloureux, vous pouvez souffrir un peu en marchant sur les talons. Parfois, il existe de petites tuméfactions molles au voisinage de la zone douloureuse. Elles apparaissent ou augmentent lors de l’accroupissement. Il s’agit de petites hernies musculaires. Comme si la nature avait fait un bout du traitement, la membrane a craqué par endroits pour laisser le muscle sortir localement et respirer ! À la palpa­tion, vous avez un peu mal et votre médecin du sport ressent une réelle tension en regard de vos loges antéro-externes. Nombre de mes patients me consultent après des années d’errance médicale. Ils arrivent dans mon cabinet avec une radiographie, une échographie, une IRM, un écho-doppler à la recherche de problèmes veineux ou artériels et parfois avec un électro­myogramme explorant un éventuel coincement de nerf. 

La mesure de pression : l’examen indispensable !

Même si le tableau clinique oriente très fortement votre médecin du sport vers le diagnostic, un examen complémentaire se révèle nécessaire pour le confirmer et le quantifier. Il s’agit de la mesure de la pression dans la loge. Cette dernière est déterminée au repos dès votre arrivée, à l’aide d’une aiguille branchée sur un capteur. Le chiffre normal est inférieur à 15 millimètres de mercure. Parfois, il est plus élevé et l’examen est d’ores et déjà positif ! Si nécessaire, dans les minutes qui suivent, vous partez courir. Votre footing est poursuivi de préférence jusqu’à la survenue des douleurs. Certains centres de tests disposent d’un tapis de course sur lequel il est possible de mettre un peu de pente afin de majorer la sollicitation des muscles releveurs du pied. Dès l’arrêt de l’effort, une nouvelle mesure est réalisée. Un chiffre supérieur à 35 atteste du diagnostic. Très souvent, 5 minutes après votre retour, il reste supérieur à 25. Attention, ces niveaux de pression constituent des indications chirur­gicales ! Vous pouvez présenter une gêne caractéristique pour une élévation plus modérée ! Dans ce cas, une stratégie moins invasive pourrait bien vous soulager !

Un traitement sans chirurgie est parfois envisageable

La prise en charge bienveillante du syndrome de loge doit se faire de façon complémentaire. Il faut éviter que les muscles soient trop volumineux et il est nécessaire d’assouplir la membrane qui les entoure. Comme tout traitement en médecine du sport experte, la stratégie thérapeutique commence par quelques réglages au sein de votre pratique ! Là encore, l’entraînement croisé est à l’honneur. Sur vélo, sur elliptique et en crawl, il est inutile de relever la pointe de pied. Si des changements de discipline définitifs ne sont pas à l’ordre du jour, il s’agit là d’une bonne inspiration pour garder la forme à court terme et diversifier son programme sur le long terme. Concernant la course, l’attaque talon impose de remonter la pointe de pied à chaque réception. Cette technique constitue la cause principale du syndrome de loge. Ainsi, la modification du geste pourrait bien vous soulager. Il est opportun d’apprendre à réduire l’amplitude de la foulée et à augmenter la fréquence.

Entrainement croisé, pied relâché et foulée avant-pied

Pour laisser le pied relâché, il est important de monter les genoux et de réceptionner pied à plat… puis de tendre vers une foulée minimaliste. Moins sollicités, les muscles releveurs vont perdre du volume et seront plus au large ! En kinésithérapie ou en auto-rééducation, l’assouplissement de la membrane muscu­laire s’impose. L’utilisation du pistolet de massage est une bonne méthode. Il ne faut pas hésiter à balayer toute la loge et à insister à proximité du tibia où la raideur est souvent majeure. Cette technique se révèle quelque peu douloureuse : c’est normal ! L’application de ventouses se montre complémentaire en tractant la membrane. Essayez notamment de les placer sur les points faibles, au voisinage des hernies musculaires.

Pistolet de massage, ventouses, étirement assis sur les talons

Il est également bien utile d’étirer l’aponévrose en travaillant l’extension de cheville. Souvent, vous êtes très raide dans ce secteur articulaire ! L’exercice classique consiste à s’asseoir sur vos talons. Parfois, vous n’y parvenez même pas ! Il faut alors commencer en position allongé, genou plié, pied sur le côté, coincé sur le matelas. L’ensemble de ces stratégies sportives et médicales soulage bon nombre de syndromes de loge modérés ou limites.

Une chirurgie peu invasive et rapidement efficace

En cas d’échec des réglages sportifs et de la rééducation, une opération est nécessaire. Surtout, elle s’impose rapidement si les pressions sont déjà excessives au repos ou très élevées au moindre effort. Ce tableau correspond aussi à des douleurs présentes au quotidien et rapidement croissantes dès les premières foulées. Alors, soyez prudent ! En effet, il arrive qu’un cercle vicieux très dangereux s’enclenche au cours de l’exercice. Le muscle serré est mal oxygéné, il gonfle et finit par bloquer complètement la circulation sanguine. Les douleurs deviennent insoutenables, le pied ne parvient plus à remonter. Les releveurs peuvent se nécroser.

Douleur au quotidien ou dès les premières foulées : attention au syndrome de loge aigu

C’est le syndrome de loge aigu ! La libération chirurgicale est urgentissime ! Elle doit être réalisée dans les 4 heures sous peine d’une destruction irréversible des muscles et de handicap définitif ! En cas de syndrome chronique résistant au traitement médical, l’intervention consiste à passer sous la peau un petit scalpel guidé par une fibre optique. Le chirurgien constate souvent la présence d’une membrane dure, tendue, rigide et nacrée. Il coupe cette dernière de haut en bas en prenant soin d’éviter le nerf de la sensibilité cutanée qui passe dans le secteur. La loge s’ouvre alors largement à la manière d’une tente Quechua 😊 … selon l’expression consacrée.

LE CHIRURGIEN COUPE LA MEMBRANE ET LE MUSCLE S’OUVRE COMME UNE TENTE QUECHUA !

Les suites post-opératoires sont simples. Vous sortez le soir, vous bénéficiez de quelques soins infirmiers sur les petites cicatrices, vous enchaînez avec des massages doux et surtout vous repre­nez la course, rapidement guidé par la douleur, 2 à 3 semaines après l’intervention. On ne cherche pas la cicatrisation de la membrane, bien au contraire ! Il faut de l’activité physique pour que les deux pans du rideau ne se referment pas ! Les muscles s’étaleront alors sous la peau comme une grosse hernie parfois recouverte d’une pellicule souple dite « pellucide ». Exceptionnellement, en particulier si vous ne vous bougez pas assez préco­cement, l’aponévrose retrouve une continuité rigide et le syndrome de loge récidive. Il est alors nécessaire de renouveler l’opération. Cette fois, le chirurgien ne se contentera pas d’ouvrir le sac musculaire, il enlèvera une large bandelette… et l’efficacité sera certaine !

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef