L’éveil aquatique

L'éveil aquatique
L’éveil aquatique

Dans les années 1970, des publications relatant les progrès des neurosciences se sont avérées contemporaines du développement des activités aquatiques d’éveil. À notre époque, un nouveau regard sur l’importance des sollicitations motrices dans le développement des individus s’impose à nous, sans que nous ayons les outils permettant de démontrer la pertinence de notre approche de la relation des jeunes enfants avec le milieu aquatique.

Par le docteur Jean-Jacques Chorrin, Fédération Française de Natation  avec le ministère chargé des sports

En nous appuyant sur les travaux de Jean Piaget, de Jean-Pierre Changeux, nous avons mieux compris pourquoi les capacités motrices du jeune enfant connaissent un développement très important pendant la 1re année de vie… C’est en quelques mois que le bébé acquiert un contrôle, une autonomie dans la réalisation des gestes moteurs, et passe d’une impotence motrice quasi totale à des compétences qui le conduiront très rapidement à une motricité de plus en plus performante. Le développement des technologies d’investigations médicales a permis de mettre en évidence et de venir confirmer les travaux de Piaget, qui avait envisagé que l’origine de la pensée humaine pouvait trouver une explication dans le développement de la «  Sensori-motricité  », liant de fait le psychisme au corporel. C’est l’action par les transformations qu’elle introduit dans l’objet et ses états qui constituerait le premier instrument dont dispose l’enfant pour découvrir le monde et construire ses connaissances.

Pour d’autres chercheurs, les liens entre mouvement et cognition apparaissent fort discutables et certains attribuent la construction de la cognition au réel déterminant de l’analyse des perceptions. Sans entrer dans cette polémique scientifique, il apparaît que la construction de l’enfant nécessite un champ d’expérimentation et d’interactions large et varié. Pour cela, l’enfant doit avoir la possibilité tout à la fois de découvrir et de créer dans un milieu à même de lui apporter une sécurité affective.

Les activités aquatiques proposées aux très jeunes enfants contribuent et s’attachent à faire développer les conditions de ce que nous pouvons appeler « l’éveil ».

Permettre au jeune enfant et à ses parents des expériences sensori-motrices, des expériences sociales, une découverte de soi et de l’autre, dans la découverte du milieu aquatique, c’est participer à la construction de l’enfant en lui apportant un temps d’activité original, un espace privilégié. C’est un objectif qui nous paraît important.

Au-delà de ce qu’on peut découvrir dans d’autres temps sociaux, la découverte du milieu aquatique, par l’appréhension motrice de l’espace, fait vivre à l’enfant des situations qui lui offrent des acquisitions et des constructions avec un repérage spatial tout à fait original en mesure de favoriser son adaptation future à des situations d’équilibre propres à d’autres activités.

La caresse de l’eau, la simple découverte d’un milieu hostile mais particulier, constitue un éveil aquatique permettant la mise en place de connaissances fondamentales qui vont participer à faciliter l’appréhension plus fine, plus culturelle de ce milieu, pour aboutir à une grande aisance aquatique.

L’éveil aux autres est aussi une richesse de ces activités qui permettent dès les premiers mois des rencontres sociales, sources de perceptions diverses à même d’aider à la construction de la sociabilité de l’enfant.

Une erreur serait de limiter l’intérêt de « l’éveil » aux seuls jeunes enfants. Les études de sociologie et de psychologie montrent que cette fonction d’éveil qu’on pourrait dénommer autrement « conscience » est fondamentale tout au long de l’existence. Le milieu aquatique s’avère depuis plusieurs années un lieu de découverte ou de redécouverte de soi. Des activités très différentes, telles que celles avec les futures mamans, avec les enfants handicapés, avec les adultes, les personnes âgées, existent aujourd’hui.

L’éveil aux activités physiques, c’est aussi avoir l’objectif de reculer ou d’empêcher l’apparition de ces limitations du mouvement qui conduisent à l’impotence et à la perte d’autonomie.

L’autonomie que nos principes pédagogiques nous amènent à valoriser dans l’éducation des enfants constitue tout au long de l’existence une valeur fondamentale. Être autonome : c’est être libre ; et l’éveil : c’est apprendre à découvrir cette liberté.

Dans la mouvance des « bébés nageurs » , les propositions d’accompagner les futures mamans dans leur grossesse avec des activités aquatiques adaptées ont fait naître une réflexion originale sur ce qui pouvait être proposé comme activité physique de maintien ou de mise en forme, à des adultes et dans ce cas aux futures mamans.

Jusqu’alors, essentiellement lieu d’activités physiques sportives, la piscine se transforme en un lieu, certes d’activités physiques, mais aussi de détente, de relaxation, d’échanges et d’informations médicales et sociales.

Le club de natation devient un lieu de vie, un lieu social

  • Ce bien-être, cette relaxation, cette détente conduisent à un vécu positif du milieu aquatique, vécu qui dans ces conditions sera d’autant plus facile à transmettre à ses enfants.
  • Cette perspective n’est qu’un faible aspect de la richesse pédagogique, inexploitée, offerte par le milieu aquatique.
  • Apporter aux personnes vieillissantes un lieu, un espace où les stimulations sensorielles, la mobilisation du corps permettent de conserver l’autonomie, l’indépendance, le plaisir de bouger et au bout du compte, une meilleure santé, un meilleur état physique et des économies de dépenses de santé pour la collectivité.
  • Mise en place des bases de l’autonomie aquatique chez l’enfant, conservation de l’autonomie chez l’adulte, naissance de propositions pédagogiques sociales environnementales adaptées, ce n’est là qu’un aperçu de ce que nous pouvons envisager quand nous nous occupons de développer l’éveil aquatique.
  • La Fédération Française de Natation souhaite s’inscrire dans une démarche novatrice, à même de répondre aux besoins de la population en redonnant aux activités sportives une dimension où l’éducation et la santé aient une part tout aussi importante que la pratique compétitive avec un souci permanent de recherche de l’excellence.