La diététique pour prévenir et lutter contre les aménorrhées?

La diététique pour prévenir et lutter contre les aménorrhées?
La diététique pour prévenir et lutter contre les aménorrhées?

Chères runneuses et ultra-traileuses, vous considérez parfois vos menstruations comme une contrainte. Et pourtant elles vous offrent une notion qui manque à l’homme et pourrait expliquer son manque de sagesse et donc de longévité : la notion de rythme, de calme avant la tempête, de renouveau, de (re)naissance. Rien que ça !

Les règles sont certes contraignantes en course à pied mais elles sont bien plus un signe d’équilibre que de déséquilibre. Le signe d’un corps féminin en bon état de marche. Et la garantie de pouvoir pratiquer votre passion durablement et de la transmettre à vos enfants !

Je vous propose de les concevoir autrement dans la logique du corps féminin.

Définitions et chiffres.

Les troubles menstruels ont plusieurs définitions et se différencient selon leur fréquence et/ou leur volume et/ou la présence de douleurs. Je me limiterai ici aux troubles liés à la fréquence des menstruations.

  • Il y a « polyménorrhée » lorsque la fréquence de vos règles est trop haute (cycle inférieur à 21 jours).
  • Il y a « oligoménorrhée » lorsque la fréquence de vos règles est trop longue (cycle supérieur à 35 jours).
  • On parle de « spanioménorrhée » lorsqu’il y a un espacement de vos cycles de plus de 6 à 8 semaines. Enfin, à partir du 3e mois d’absence de règles, on parle « d’aménorrhée ».

Chez les coureuses, la fréquence des polyménorrhées ou des oligoménorrhées est très variable. En 1998 la fréquence fut estimée à 40 % pour Rosetta et al. (1998), à 21 % pour Burrows et al. (2003), et à 78 % pour Redman et Loucks (2005) contre 9 % dans la population de femmes sédentaires.

Pour ce qui est de l’aménorrhée, la fréquence moyenne en sport d’endurance (incluant trail et ultra-trail) est de 30,9 % ! 1 sportive sur 3 tout de même.

L’aménorrhée chez la coureuse

Ici, je n’aborde que l’aménorrhée secondaire, c’est-à-dire survenant chez une femme réglée.

Les étiologies des troubles menstruels dont l’aménorrhée sont multiples et ont lieu à différents « étages » physiologiques (vaginale, utérine, ovarienne, hypophysaire, hypothalamique, supra-hypothalamique).

Cependant, chez la sportive d’endurance, comme le souligne le professeur Martine DUCLOS du Service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles de Clermont-Ferrand, « les troubles du cycle, témoins de modifications de la fonction ovarienne d’origine hypothalamique, sont en rapport avec le métabolisme énergétique et non pas avec le stress de l’exercice (hyperthermie, sécrétion prolongée et répétée de cortisol…).

Les adaptations neuroendocrines associées à une prise alimentaire insuffisante – et non pas à l’exercice musculaire régulier – sont la clé du problème ovarien chez les femmes pratiquant l’exercice musculaire régulier ».

Ainsi, on voit que l’aménorrhée de la coureuse régulière est généralement d’origine hypothalamo-hypophysaire due à des apports caloriques insuffisants.

C’est ici que la diététique a un rôle majeur dans la prévention des troubles menstruels. Car, même avec 17 h d’entraînement hebdomadaire, une coureuse n’a pas de raison de connaître un bilan hormonal déséquilibré aussi longtemps que son bilan énergétique est équilibré (calories dépensées = calories consommées) et que sa masse adipeuse reste raisonnable.

Une vision (toujours plus simple) de la Médecine Traditionnelle Chinoise

En médecine traditionnelle chinoise, les fluides (sang, lymphe, synovie, sueur, sperme, etc…) sont générés par le rein (maître des moelles = on retrouve ici l’érythropoïèse mais aussi la santé osseuse/ il gouverne la reproduction également !) et complétés par la rate en charge de séparer le pur (nutriments) de l’impur (fibres et autres substances non biodisponibles). Autrement dit la rate est en charge de la phase d’assimilation.

Ainsi, votre corps féminin ne pourra produire d’ovule et de règles (perte de sang) si vous produisez en excès d’autres fluides comme la sueur et la synovie des articulations et/ou que votre apport alimentaire est insuffisant, de mauvaise qualité ou peu digeste. À noter qu’une rate affaiblie induit une mauvaise assimilation avec perte d’appétence ( = insuffisance des apports alimentaires).

Et un rein qui s’épuise induit un risque d’aménorrhée (troubles menstruels), d’infertilité et d’ostéoporose (densité minérale osseuse basse avec risque de fracture de fatigue et de tassements vertébraux). Sans oublier le risque de dépression.

On retrouve ici la triade de l’athlète féminine !

La diététique peut-elle prévenir et lutter contre les aménorrhées ?

Vous l’aurez compris, vous assurer un apport alimentaire suffisant en quantité (calories) mais aussi et surtout en qualité (assimilation, répartition, vitamines et minéraux) est un atout majeur pour maintenir ou retrouver un cycle menstruel et tous les bénéfices qui vont avec : fertilité, santé cardio-vasculaire, prévention de l’ostéopénie et de l’ostéoporose, de la dépression.

Cela doit se vérifier cliniquement avec, en plus du retour des règles, une prise de poids d’origine lipidique avec une augmentation de la masse grasse de +2 kg à +3 kg, gain adipeux qui semble suffisant pour relancer le processus menstruel.

Comprenez que votre tissu adipeux est indispensable pour produire suffisamment de « leptine », hormone du tissu adipeux qui est comme le marqueur de votre niveau de réserves énergétiques. Et sans réserve adipeuse, donc sans leptine, votre corps s’interdira la possibilité de reproduction puisque votre capital survie sera faible ! Ainsi, le corps ne sera pas en mesure d’assurer correctement la gestion d’un bébé.

Je tente humblement ici de vous donner des clés diététiques générales à tester sur vous. Mais je vous recommande vivement d’être accompagnée individuellement par un(e) diététicien(ne) en cas de troubles menstruels déclarés. 

Lipides1,5 g à 2 g/kg/j soit 20 à 28 % AETSur l’aspect qualitatif, se faire accompagner par un(e) diététicien(ne)
Protéines1,2 à 1,4 g/kg/j soit 7  à 10 % AET
Glucides5 g à 10 g max/kg/j soit le complément à 100 de la ration énergétique
digestion
Boire peu lors des repas150 ml max jamais glacéRenforcer votre rate et faciliter la production de sang.
Mâcher soigneusement chaque bouchée30 mastications pour le cuit 80 mastications pour le cru
Fractionner vos apports caloriques sur la journée en 3 repas et 2 collationsExemple des besoins théoriques totaux d’une coureuse de 35 ans
d’1 m 65 pour 51 kg avec 17 h de sport/semaine soit un NAP estimé
à 2,9 : 3562 kcal/j
Manger au calme et jamais sous le coup d’une émotion forte ou d’un stressCf. article nutrition numéro de juillet
Cycliste amateur, vélotafeur et passionné de courses d’obstacles Diététicien, diplômé en nutrition du sportif, auteur et créateur culinaire