30/30 sur elliptique: la séance anti-blessure

Séance anti-blessure: le 30/30 sur elliptique
Séance anti-blessure: le 30/30 sur elliptique

Vous connaissez le 30/30, la séance de fractionné au cours de laquelle vous enchaînez plusieurs fois 30 secondes de course rapide et 30 secondes plus lentement. Et si vous tentiez de la réaliser sur elliptique pour booster vos performances et limiter votre risque de blessure…

La VMA courte

Le 30/30 constitue un grand classique de l’entraînement du coureur. Vous connaissez bien cet enchaînement que vous pratiquez une fois tous les 15 jours, voire une fois par semaine, souvent à l’occasion d’un travail sur piste.

Cette séance porte aussi le nom de « VMA courte » où VMA signifie « vitesse maximale aérobie ». En effet, la portion rapide se court à la vitesse à laquelle vous atteignez vous fréquence cardiaque maximum. Déjà quelques subtilités s’imposent. Si vous courez plus vite pendant quelques minutes, vous plafonnez aussi à votre fréquence cardiaque maximum. Pour plus de rigueur, la VMA est donc la vitesse minimum à laquelle vous atteignez votre fréquence cardiaque maximum. Cette précision sous-entend des conséquences pratiques.

Lors du 30/30, l’accélération n’est pas un sprint ! La différence entre VMA et sprint est importante ! L’exemple du haut niveau peut vous aider à la quantifier. Un marathonien de l’élite possède une VMA de 25 km/h alors qu’un sprinteur avoisinant 10 secondes au 100 mètres atteint presque 40 km/h. Les phénomènes biologiques et les contraintes mécaniques n’ont rien à voir! 

Alors attention, si certains coachs vous demandent de « courir à fond » sur la portion rapide ! Proposez-leur de lire cet article! De surcroît, selon vos aptitudes et votre entraînement, cette vitesse varie considérablement. Elle est de 12 à 13 km/h si vous terminez vos 42 kilomètres aux alentours de 5 heures alors que, vous le savez, elle est environ deux fois plus élevée en tête du peloton.

Un entraînement bien conçu nécessite d’individualiser les vitesses ainsi que les distances à parcourir en 30 secondes sur la piste en tartan.

Autre point délicat mais essentiel : à l’occasion de ce 30/30 où vous courez à vitesse maximal aérobie, vous n’atteignez pas votre fréquence cardiaque maximum… car, en 30 secondes, votre fréquence cardiaque n’a pas le temps de monter autant!  Conséquence pratique capitale, le contrôle de votre fréquence cardiaque n’est pas pertinent pour doser votre effort!

Il pourrait même se montrer délétère en vous obligeant à accélérer dangereusement… Néanmoins, lorsque vous multipliez les 30/30, votre fréquence cardiaque de travail s’élève insidieusement. Cette constatation appelée « dérive cardiaque » s’explique par une dette en oxygène qui s’accumule au sein des muscles et par l’imprégnation de votre organisme en hormones de la stimulation comme l’adrénaline.  Si certaines études mentionnent que ce phénomène permet d’atteindre votre fréquence cardiaque maximum en fin de séance, les constatations de terrain indiquent que l’on plafonne souvent à 10 ou 20 battements en dessous !  

Le 30/30 pour quoi faire ?

Lors d’un 30/30 en courant, vous atteignez votre vitesse maximale aérobie mais pas votre fréquence cardiaque maximum.
Lors d’un 30/30 en courant, vous atteignez votre vitesse maximale aérobie mais pas votre fréquence cardiaque maximum.

Le 30/30 permet de courir à VMA, vitesse à laquelle vous atteignez votre VO2max ou « consommation maximum d’oxygène ». Cette unité détermine la puissance maximum de votre moteur, l’équivalent de votre cylindrée. On parle aussi de « puissance aérobie ». Votre VMA dépend également de votre poids car chaque foulée correspond à un petit bondissement qui soulève votre centre de gravité de 8 cm en moyenne.

En revanche, à vélo, sur terrain plat, votre corps se déplace sur une horizontale. Ainsi, c’est votre puissance aérobie « absolue » qui augure de votre performance. La notion de VO2max par kilo redevient déterminante dans les lacets d’un col. Voilà qui vous explique la différence de morphologie entre les « rouleurs » et les « grimpeurs » chez les cyclistes professionnels.

Parler de VMA ou de VO2max par kilo pour les coureurs revient à décrire l’efficacité d’une voiture en divisant sa cylindrée par son poids. Ces notions sont insuffisantes pour caractériser votre endurance qui dépend également de votre « capacité aérobie ». 

Cette dernière correspondant plus volontiers au volume du réservoir de votre voiture mesurant ainsi votre autonomie, à savoir la durée pendant laquelle vous parvenez à poursuivre votre activité. Néanmoins, la VMA reste déterminante pour estimer votre chrono sur longue distance. Même si une Renault Clio parvient à faire la jonction entre Paris et Lyon sans casser son moteur, le trajet sera réalisé plus rapidement et avec autant de fiabilité avec une Ferrari équipée de 12 cylindres en V.

Le 30/30, en programmant de la VMA, permet d’améliorer votre VMA. Tout se passe comme si votre organisme parvenait à optimiser son fonctionnement à cette intensité. Ainsi, si votre VMA augmente de 1 km/h, la totalité de vos vitesses d’entraînement et de compétition se décale de façon proportionnelle. Puisque vous courez votre marathon à 70 % de votre VMA, votre allure sur cette distance s’accroît de 0,7 x 1 km/h soit 0,7 km/h. De la même manière sur un 10 km couru à 80 % de votre VMA, votre moyenne s’élève de 0,8 x 1 km/h soit 0,8 km/h. La marge de progression de votre VMA est variable en fonction de vos aptitudes génétiques. On parle d’« entraînabilité » pour définir votre capacité à profiter des stimuli de l’entraînement.

En moyenne, votre VMA peut s’accroître de 20 % au-delà de votre niveau initial. Si votre VMA génétique est de 15 km/h, vous pouvez espérer 18 km/h. Ce coup de pouce vous propulse bien plus avant dans le peloton mais il reste notoirement insuffisant pour galoper en tête. Bref, le haut niveau n’est accessible qu’avec un double talent : la puissance initiale et l’entraînabilité.

De surcroît, la marge de progression de votre VO2max est encore plus limitée si vous faites du sport depuis de nombreuses années. Dans ces circonstances, pour grapiller encore quelques pourcents, il est impératif de surprendre votre corps en choisissant de nouvelles techniques de préparation. Le 30/30 sur elliptique s’intègre volontiers à cette stratégie.

Quelques notions de physiologie sont encore nécessaires pour comprendre le pouvoir et les limites du 30/30. Votre VO2max dépend de 2 facteurs : premièrement, le transport de l’oxygène fixé sur les globules rouges et propulsé par le cœur dans les vaisseaux. On parle de « composante centrale de la VO2max » ; deuxièmement, la consommation d’oxygène au sein des muscles, elle-même dépendante du nombre de capillaires sanguins qui les traversent et de la quantité de mitochondries, ces centrales énergétiques cellulaires qui utilisent l’oxygène pour produire l’énergie de la contraction musculaire.

On parle de « composante périphérique de la VO2max ». Puisque, à l’occasion d’un 30/30, les sessions de course rapide sont trop courtes pour que vous atteigniez votre fréquence cardiaque maximum, ce type de travail ne fait pas progresser la composante centrale de votre VO2max. Voilà qui affecte copieusement l’efficacité du 30/30. Pour booster la puissance de votre système cardio-vasculaire, la VMA longue se montre indispensable. Il faut courir à VMA plus de 2 à 3 minutes pour espérer accrocher votre fréquence cardiaque maximum.

De surcroît, il s’agit d’une bonne méthode pour entretenir une FC max élevée. Vous savez que cette dernière diminue avec l’âge et contribue à l’érosion de votre VO2max. Du coup, aller la chercher de temps à autre à l’entraînement concourt à préserver vos aptitudes physiologiques. Bien évidemment, notamment chez le quadra et plus, un bilan cardiologique incluant une épreuve d’effort se révèle opportun avant de chahuter ainsi votre système cardio-vasculaire.

Le 30/30 revêt un gros succès au sein des programmes d’entraînement car il est bien toléré par le coureur. En effet, au cours des 30 secondes d’effort intense, le taux d’acide lactique n’a pas le temps de monter énormément… et la récupération active qui suit a tôt fait de ramener sa concentration à des doses supportables. À l’inverse, lors d’une thématique VMA longue, pendant les 2 à 4 minutes de courses rapides, l’acide lactique s’accumule. Il finit par emballer votre rythme respiratoire et ne tarde pas à brûler vos muscles. La pénibilité de la séance est nettement accrue. Pourtant, vous l’avez compris, ces sessions sont nécessaires au sein d’un programme bien conçu.

Pourquoi faire et comment faire du 30/30 sur elliptique ?

Sur elliptique, le buste et les bras travaillent : le cœur s’entraîne davantage !
Sur elliptique, le buste et les bras travaillent : le cœur s’entraîne davantage !

Le 30/30 en courant revêt quelques inconvénients. Les vitesses élevées sont plus traumatisantes. L’appareil locomoteur y est d’ailleurs encore plus sollicité que sur des séances de VMA longues car les accélérations et les décélérations se succèdent à un rythme bien plus élevé.

Certains entraîneurs vous diront que ce travail à haute intensité peut faire office de renforcement musculaire. Cette remarque se montre pertinente mais il s’agit d’une stratégie à haut risque aisément substituable par d’autres méthodes. De plus, il est essentiel de noter que le gain de force et de rendement se produit dans des circonstances rigoureusement spécifiques.

Ainsi, lors d’une séance à VMA vous apprenez à courir à VMA mais pas à vitesse 10, 20 ou 42 km ! Bref, vous n’améliorez pas votre technique de course sur les distances qui vous tiennent à cœur et que vous pratiquez en compétition. À ces données scientifiques s’ajoute la réalisation fréquente d’éducatifs avant la séance de 30/30.

Ces exercices réclament réactivité et explosivité. Pour beaucoup d’entre eux, ils imposent à l’appareil locomoteur des contraintes souvent supérieures à celles induites par la VMA, surtout si cette dernière est modeste. De fait, ce rituel se révèle souvent traumatogène et n’a pas sa place au sein de la progressivité inhérente à un échauffement destiné à des athlètes de niveau moyen. 

Sur elliptique, le stress articulaire est minime alors que la sollicitation énergétique est majeure ! Voilà une bonne façon de progresser sans vous blesser ! Voyons cela en détail. Sur elliptique, le poids de votre corps est réparti sur vos deux jambes et votre bassin est en équilibre. Les pathologies des haubans musculaires et tendineux stabilisateurs disparaissent. Le fameux syndrome de l’essuie-glace situé à la face externe du genou ne vous fait plus mal. Sur cet appareil vous ne subissez aucun impact. Cartilage et os ne souffrent pas.

Il est hautement probable que vous puissiez vous entraîner intensément malgré une arthrose, une périostite, voire une fracture de fatigue. Dans le même registre, vous ne freinez aucune réception de foulée. C’est dans ces circonstances que les tendons et les membranes musculaires sont écartelés entre l’articulation qui part dans un sens et les fibres contractiles qui tirent dans l’autre.

Sur elliptique, vous vous contentez de pousser. L’ensemble de ces tissus se mobilisent dans le même sens. Alors, finis, les tendinites et les claquages ! Plus que limiter les blessures, l’elliptique est bénéfique pour votre appareil locomoteur. Il renforce les bras et surtout les abdominaux obliques qui assurent la transmission des forces diagonales entre les bras et les jambes. Ce léger mouvement de rotation vous apprend à mobiliser votre bassin pour gagner en rendement et en amplitude.

Avant tout, cet exercice agit comme une véritable activité de gainage fonctionnel dans une dynamique très proche de la course. Par cet aspect, il se transfert aisément vers votre discipline de prédilection et se montre probablement bien plus efficace que les sempiternelles postures horizontales, avant-bras au sol, qui vous défoncent les épaules plus qu’elles ne vous font travailler les abdominaux.

La sollicitation du buste et des bras recèle également un intérêt cardio-vasculaire. L’accroissement de la masse musculaire sollicitée réclame une augmentation du débit cardiaque et de la consommation d’oxygène de l’ordre de 5 à 15 %. C’est largement suffisant pour induire des adaptations intéressantes. Le cœur bat plus vite et surtout il aspire et propulse plus de sang à chaque battement. Il gagne en force et en élasticité ! Vous comprenez désormais pourquoi vous pouvez de temps à autre remplacer votre séance de 30/30 en courant par le même protocole sur elliptique !

Si votre appareil locomoteur est fragile, la démarche peut être systématique sans inconvénients sur vos performances ! Au contraire : surprendre et varier les stimuli font progresser ! J’accompagne bon nombre de mes patients blessés jusqu’aux compétitions qu’ils ont choisies en leur concoctant des programmes anti-blessure où le 30/30 sur elliptique est incontournable.

En pratique, pour doser vos fractions intensives, vous pouvez vous fier à votre « difficulté perçue ». Elle doit se montrer comparable à celle ressentie à l’occasion d’une session de course équivalente. Comme à vélo, prenez soin de « mouliner ». Optez pour une fréquence gestuelle élevée afin que votre force musculaire ne soit pas le facteur limitant de vos 30 secondes rapides.

Pour plus de précisions, il vous est possible de réaliser un test triangulaire. Augmentez progressivement la résistance et la fréquence gestuelle. Franchissez un palier toutes les minutes. Poussez-vous au maximum et notez la puissance en watts pour laquelle vous atteignez votre fréquence cardiaque maximum. Sur un modèle d’elliptique identique, vous réaliserez vos sessions de 30 secondes intenses à votre PMA… pour « puissance maximale aérobie »… et vos 30 secondes de récup active à environ 60 % de votre PMA.

Vous l’avez compris, dans ces circonstances, la PMA remplace la VMA.  Cette puissance vous permet de doser votre effort puisque, sur elliptique comme en courant, la fréquence n’a pas le temps de monter en 30 secondes. Mais bientôt, vous goûterez à la PMA longue sur elliptique… 

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef