Natation: éducatifs ou méditation?

Natation: éducatifs ou méditation?
Natation: éducatifs ou méditation?

En club de natation, les éducatifs sont beaucoup utilisés pour améliorer la technique. Mais pourrait-on envisager d’autres méthodes plus accessibles au nageur de loisir ?   

Richard a 53 ans. Il vient me voir car il souffre beaucoup de l’épaule. Il nage en club depuis l’enfance. Il pratique encore la compétition au niveau national pour sa catégorie d’âge. Il est passionné. Il se décrit même comme un obsessionnel de la technique : « Je peaufine tous les détails. Actuellement, je m’efforce de rapprocher mon auriculaire de mon annulaire afin de réduire les turbulences lorsque ma main prend son appui sur l’eau. » Il me raconte que sa douleur est survenue alors qu’il faisait un éducatif : du papillon à une main ! J’écarquille les yeux ! Sortir de l’eau avec les deux bras à 20 ans n’est déjà pas une mince affaire, les neurosciences et moi n’approuvons déjà pas beaucoup les éducatifs, me voilà courroucé ! D’autant que Richard ne s’est pas raté, il a rompu le tendon du sous-scapulaire, un muscle stabilisateur profond de l’épaule ! 

Des éducatifs pour le transfert et la pédagogie ! 

Les connaissances en neurosciences semblent indiquer qu’un mouvement différent du geste global se mémorise dans un réseau de neurones différent. Ainsi, les éducatifs seraient automatisés sans modifier le geste spécifique. La formule provocatrice consiste à dire que « bosser les éducatifs fait progresser les éducatifs ». En fait, ces exercices tiendraient leur efficacité d’un enchaînement rapide vers la nage complète. De cette façon, le pratiquant ne pourrait que transférer le message pédagogique récent vers le mouvement global. Cette étape jouerait alors directement sur l’ensemble de la gestuelle, permettant alors de la bonifier !

ÉDUCATIFS ET GESTE COMPLET SONT MÉMORISÉS DANS DES NEURONES DIFFÉRENTS 

Bien évidemment, les éducatifs en natation ont une autre raison d’être. Les triathlètes vous le diront, la natation ne ressemble ni à la course ni au vélo. Pas de balade à travers les monuments de la cité ou dans les dédales de la forêt avoisinante. Pas de promenade sur les petites routes de France agrémentées d’églises médiévales juchées au sommet des reliefs verdoyants ! Juste des carreaux bleus défilant à travers des lunettes embuées… vision parfois transcendée par une sensation de glisse source d’un grand bonheur hydrodynamique, à moins qu’il ne s’agisse d’un balancement aquatique proche d’une quiétude intra-utérine !  

LES ÉDUCATIFS SONT INTÉRESSANTS EN CLUB 

Bref, au sein d’une discipline parfois austère et répétitive, chacun trouve ses motivations et les éducatifs assurent une diversité pédagogique permettant de rompre avec la pénibilité apparente de la séance. C’est dans l’agencement de cette succession d’exercices menée en alternance avec une expression psychomotrice holistique et grisante que l’entraîneur distille toute son expertise ! Mais pourrait-on faire autrement ?

NEUROLOGIE DES GESTES VOLONTAIRES ET DES AUTOMATISMES

L’essentiel de nos activités motrices est automatique. On ne pense pas à dérouler le pas lorsqu’on marche dans le métro ! On ne réfléchit pas au pédalage à l’occasion d’une balade à vélo dans les Landes ! Et, dans la mer, vous pouvez nager sans vous concentrer sur votre geste.  Ce mode de fonctionnement soulage votre cerveau et vous autorise à réfléchir ou à discuter tout en vous déplaçant. Cette distribution des tâches permet aussi au sportif assidu d’assurer le geste global tout en l’adaptant finement à la feinte d’un adversaire. Mais cet ajustement volontaire peut également se produire dans des disciplines fermées pour régler avec précision un geste technique répétitif.  C’est dans ce contexte que la motricité volontaire interfère efficacement avec un mouvement automatisé.

LA VOLONTÉ CORRIGE INDÉPENDAMMENT CHAQUE AUTOMATISME

Les schémas moteurs automatiques s’engramment dans le système extrapyramidal ou « noyaux gris centraux ». Il s’agit de gros amas de neurones regroupés au milieu du cerveau. À contrario, les mouvements volontaires sont déclenchés par le cortex, la matière grise périphérique. L’influx descend vers le corps par la voie pyramidale. Cette structure doit son nom à sa forme de triangle inversé. Elle est évasée en haut en regard de la multitude de neurones programmateurs et superficiels. Elle s’affine vers le bas au niveau des câbles transmetteurs filant vers la moelle épinière. Cette anatomie simple se complexifie par de nombreux rameaux nerveux qui se dirigent vers les noyaux gris centraux afin de « modifier volontairement des gestes automatiques » ! C’est ainsi que fonctionne l’ajustement subtil du geste complet… en pensant à corriger un détail technique. Ce réglage fin peut aussi avoir lieu au sein d’un autre réseau neuronal des noyaux gris, celui de votre éducatif… pendant que vous faites votre éducatif…

Méditation pour la progression ! 

Vous allez de temps à autre et même souvent à la piscine. Vous adhérez à l’engouement du triathlon loisir et vous pratiquez la natation désormais régulièrement mais sans vouloir adhérer à un club. Vous aimeriez quand même vous améliorer dans cette discipline éminemment technique. La « progression méditation » est faite pour vous ! Afin de faire connaissance avec le geste efficace, quelques cours sont les bienvenus. De surcroît, il est possible d’avoir recours à de bons ouvrages techniques mais accessibles. Je pense notamment à la trilogie aux éditions Amphora : Nagez efficace. Plus tard, quels que soient le jour et l’heure, sans contrainte organisationnelle, vous serez autonome à la piscine.

NAGEZ, PENSEZ À PEAUFINER UN DÉTAIL TECHNIQUE

La méthode « progression méditation » est facile et cohérente avec les données des neurosciences. Vous nagez ! Et pendant une longueur, vous pensez et vous ajustez finement votre geste. Vous réglez ce détail à chaque cycle de mouvement. Votre esprit s’échappe ! Pas de drame, vous revenez sereinement au point technique à vérifier ! Cette démarche ressemble étrangement à la « méditation marchée », omniprésente dans les programmes de « pleine conscience ». Et ces derniers ont démontré leur efficacité pour modifier l’agencement neuronal, on parle de
« neuroplasticité » ! Voilà qui est gage d’efficacité !  À l’occasion de la longueur suivante, optez pour une autre étape du mouvement à contrôler, à subtilement corriger. Décalez-vous d’un cran dans l’écoute et l’analyse de vos segments corporels ou de vos articulations. Cette fois, la procédure est superposable au
« scanner corporel », un incontournable des séances méditatives.

NAGEZ, CHANGEZ RÉGULIÈREMENT DE SEGMENT CORPOREL à AJUSTER

Et si vous travaillez la technique de l’inspiration ou de l’expiration, vous glissez sur un autre grand classique de la « pleine conscience », l’accueil de la respiration. Comme un nageur de club, vous êtes désormais apte à vous occuper et à progresser tout au long de votre entraînement, autrefois si fastidieux ! Pour ne rien gâcher, cette méthode dérivée de la méditation potentialise l’effet apaisant de l’apesanteur et du balancement aquatique quasi fœtal. Les psychologues du sport se régalent en manipulant de tels concepts ! Les neurologues ne sont pas en reste, tant les corrections itératives du système volontaire cortical et pyramidal sont efficaces pour ajuster les automatismes globaux engrammés dans les noyaux gris centraux du système extrapyramidal !