Vous suivez rigoureusement un programme d’entraînement structuré. Vous progressez rapidement. Vous êtes satisfait … Et soudain, une blessure sonne le glas de vos ambitions ! C’est très fréquent ! Vous êtes victime du syndrome du dragster ! Explications ! Prévention !
Les dragsters ! Vous connaissez ces bolides qui s’affrontent sur 400 mètres. Ils sont équipés d’énormes moteurs surpuissants. Les volumineux cylindres se dressent vers le ciel à l’arrière du véhicule.
LE DRAGSTER : UN ENORME MOTEUR, UNE FRELE CARROSSERIIE
La carrosserie ultrafine et légère fuse vers l’avant et se termine par deux petites roues très étroites … comparable à celle de votre vélo ! On comprend alors que ces machines peu fiables se décomposent si la distance parcourue se prolonge au-delà des sprints compétitifs… En pleine préparation, votre corps ressemble étrangement à un dragster.
Vos muscles et votre cœur sont rouges. Ils sont pleins de sang. Ils bénéficient d’un réseau vasculaire abondant qui apporte l’oxygène et les nutriments nécessaires à leur adaptation. Votre moteur progresse vite ! Vous courez de plus en plus vite. Vous courez de plus en plus longtemps. Votre appareil locomoteur dit passif, les os, le cartilage, les tendons, les membranes musculaires, sont blancs. Ils sont traversés par un nombre restreint de vaisseaux sanguins.
LE CŒUR, LES MUSCLES PROGRESSENT PLUS VITE QUE LES OS ET LES TENDONS
Ils reçoivent peu d’oxygène et de nutriments. Ils peinent à s’adapter ! Au cours de votre programme de préparation, votre carrosserie est fragile ! Et souvent, elle se brise en quelques semaines d’entraînement ! Les blessures provoquées par cette distorsion entre adaptation énergétique et mécanique constituent le syndrome du dragster !
Les patients victimes du syndrome du dragster ont envahi mes consultations ces dernières années. La cause de cet emballement est simple à comprendre : la banalisation des 42 kilomètres ! L’engouement pour le trail a été à l’origine d’une surenchère concernant les distances à parcourir. L’Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB) compte 180 kilomètres dans la montagne, les cailloux, les ornières et les racines. Vous avez même entendu parler du Tor des Géants qui se déroule sur 330 kilomètres et 24 000 mètres de dénivelé positif !
UN MARATHON N’EST PAS UNE FORMALITE
Alors 42 kilomètres sur sol régulier peuvent paraître dérisoires. C’est même devenu le minimum pour être classé comme sportif dans l’open-space ! Erreur ! Le marathon est un vrai chemin de vie qui impose une pratique assidue de longue date, une hygiène de vie et la construction d’un projet qui nécessite l’adhésion de toute la famille ! Soyons clair, la mercantilisation des dossards surfe sur l’accessibilité de la distance !
LES PLANS D’ENTRAINEMENT DISPONIBLES SONT INADAPATES AUX NOVICES
De fait, on voit fleurir sur internet des programmes types conçus par des entraîneurs voire des coaches autoproclamés n’ayant pas de formation en traumatologie du sport. Et, même si les séances s’établissent dans une cohérence physiologique source de réelles améliorations énergétiques, la construction globale omet l’inertie tissulaire à l’origine de trop nombreuses blessures !
C’est la destruction de votre organisme qui initie vos progrès. C’est le fameux rythme décompensation / surcompensation ! Chaque réception de foulée est à l’origine d’un freinage et d’un impact. A l’occasion du premier phénomène, votre os est victime de micro fractures. La membrane qui l’entoure, le périoste, se vrille et subit de micro déchirures quand vous écrasez votre appui. Les tendons et enveloppes musculaires partent avec les articulations qui se fléchissent ; les fibres musculaires tirent en sens inverse pour contrôler le mouvement. A la jonction, il se produit des micro ruptures.
CHAQUE FOULEE ABIME UN APPAREIL LOCOMOTEUR ENCORE INADAPTE
Si, empreints de bonnes résolutions, vous courez trop souvent, ces microlésions n’ont pas le temps de cicatriser, elles finissent par se cumuler et se rejoindre. Voilà qui provoque respectivement des fractures de fatigue, des périostites, des tendinites, des courbatures voire des claquages. Le processus de dégradation insidieux menant à la blessure est d’autant plus rapide que vos tissus manquent de solidité. C’est le cas si votre pratique de la course à pied est récente et que votre appareil locomoteur n’a pas eu le temps de s’adapter !
A l’inverse, si vous laissez le temps à votre organisme de récupérer, vous profitez du phénomène de surcompensation ! Les organes abîmés se réparent et se reconstituent plus fort comme pour anticiper une agression mécanique plus importante. Vous connaissez bien ce phénomène à l’échelle du muscle. Les courbatures ou les microlésions indolores initient une reconstruction plus volumineuse et une prise de masse musculaire. Ce processus d’adaptation et de renforcement se décline pour tout votre appareil locomoteur.
VOTRE APPAREIL LOCOMOTEUR DEVIENT PLUS RESISTANT SI VOUS LUI DONNEZ DU TEMPS
Vos os deviennent plus denses, votre périoste plus épais et vos tendons plus résistants. Mais attention ! Pour que ce processus se déroule efficacement, il faut du temps et de la patience. Pendant 3 mois, il est vivement conseillé de ne courir que deux fois par semaine. En effet, deux séances hebdomadaires provoquent moins de blessure qu’un unique footing dominical.
Les études montrent que vos tissus perdent leur surcompensation si vos entraînements sont espacés d’une semaine. Vous ne progressez pas, vous ne créez pas d’adaptation ! Voilà pourquoi, cette fréquence de pratique ne constitue pas une base suffisante pour attaquer un programme de préparation assidu !
1 AN D’ASSIDUITE AVANT LE MARATHON
Trois mois plus tard, vous pouvez caler une troisième séance hebdomadaire. Trois mois plus tard une quatrième. Et encore, trois mois plus tard, vous enchainez avec une préparation marathon. Vous l’avez compris, il est indispensable d’être un coureur assidu depuis un an avant d’envisager la distance reine ! Notons aussi, que 3 séances hebdomadaires semblent suffire pour s’acheter un dossard mais nettement insuffisantes pour terminer l’épreuve dans de bonnes conditions !
Vous l’avez compris, votre système cardiovasculaire progresse plus vite que votre appareil locomoteur. Alors, pour profitez de l’évolution rapide de vos talents énergétiques, pour capitaliser de la forme, l’entraînement croisé s’impose comme une évidence ! Le cardiotraining en salle sans impact constitue une bonne solution, notamment pour les séances de fractionné. Vélo, rameur, stepper, escalator et parfois Skierg ou Assaut bike sont à votre disposition.
SALLE ET VELO POUR ACCOMPAGNER VOTRE PROGRESSION CARDIO
Les sessions de Biking en musique appelées aussi RPM, comme Rotation Par Minute, se révèlent une bonne option pour mettre de l’intensité dans votre programme sans malmener votre squelette. Cependant, c’est l’elliptique qui remporte la palme du transfert vers la course à pied du fait d’une gestuelle voisine et d’un effet gainage lorsque vous engagez vigoureusement les bras. Sur cet appareil, il est possible de réaliser les fractionnés enregistrés ou de décliner un travail intermittent identique à celui que vous feriez sur piste.
FRACTIONNE SUR ELLIPTIQUE
Pédaler à l’extérieur, que ce soit sur un vélo de route, sur un VTT ou même sur un VTC, est idéal pour s’initier aux sorties longues en endurance. Vos métabolismes s’améliorent, vous apprenez notamment à brûler des graisses et à stocker du sucre, sans agresser votre appareil locomoteur. Deux courses en endurance, un fractionné sur elliptique, une grande balade à vélo, voilà le cocktail pour bien commencer et progresser sans se casser ! A l’inverse, débuter d’emblée par un programme de course traditionnel est très risqué ! Chez le débutant, l’association hebdomadaire incluant footing de récupération, une sortie longue et deux fractionnés sur piste, un long et un court, remplit mon cabinet ! Si vous le souhaitez, vous vous inscrirez dans un club d’athlétisme l’année prochaine. Vous profiterez de l’ambiance conviviale quand votre appareil locomoteur sera solide ! Même dans ces conditions, l’entraînement croisé reste opportun !
SORTIE LONGUE A VELO
N’hésitez à garder une alternance dans vos pratiques notamment si vous optez pour un entraînement quasi quotidien ! Evitez deux jours de course consécutifs. Intégrez du fractionné sur elliptique ou en RPM, mettez des sorties longues à vélo et pensez à des séances de récupération à la piscine ! Votre corps encaissera sans souci une charge de travail plus élevée. Vous serez plus performant et moins blessé !
SYNDROME DU DRAGSTER : LES CHEVAUX AUSSI
L’endurance équestre ressemble étrangement au trail. Les chevaux s’affrontent sur des distances variant de 40 à 160 kilomètres. Ces animaux ont une VMA au voisinage de 45 km/h alors qu’un humain moyen tourne autour de 15 km/h. En anatomie comparée, leurs sabots correspondent à notre dernière phalange. Ils courent en appui sur les doigts ! Cette distorsion entre puissance cardiovasculaire et résistance de l’appareil locomoteur est omniprésente dans la préparation de ces équidés. Les meilleurs chevaux d’endurance équestre sont les pur-sangs arabes. Les pays du Golfe élèvent et entraînent la majorité des champions. La préparation physique de ces athlètes est emblématique de la prévention du syndrome du dragster ! A 3 ans, ils apprennent à accepter un cavalier, on dit qu’ils sont « débourrés ». Entre 3 et 5 ans, ils ne font que marcher dans le sable ! Ce n’est qu’au-delà qu’ils commencent à trotter et à galoper … après s’être forgé un appareil locomoteur musclé et solide !
SYNDROME DU DRASTER : LES SURDOUES AUSSI
Les sportifs de longue date et talentueux sont parfois victimes du syndrome du dragster.
Premier cas de figure. Un coureur qui dispose d’une grosse VMA présente un fusible articulaire : un tendon d’Achille tout fin, une rotule un peu instable, etc. Alors que cet appareil locomoteur aurait résisté chez un sportif qui court le 10 kilomètres en 1 heure, il lâche chez celui qui fait 32 minutes … trop de contraintes mécaniques à l’entraînement et en compétition ! Comme disent les entraîneurs, c’est le plus petit défaut qui détermine le niveau ! A moins qu’on utilise une préparation physique croisée …
Deuxième cas de figure. Un cycliste, plus rarement un spécialiste de l’aviron, bénéficie d’une grosse VO2max. Il est doué et continue de progresser avec des activités sans impact et relativement indépendantes du poids. Alors, le jour où un copain le sollicite pour participer à un marathon dans 3 mois, il se met à courir ! Vite grâce à ses qualités cardiovasculaires, trop vite pour son appareil locomoteur inadapté ! Lui aussi finit dans mon bureau avec une fracture de fatigue ou une tendinite ! Lui aussi aurait bénéficié d’un entraînement croisé… avec cette fois un peu de course à pied. Le genre deux petits footings par semaine !
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