Bâtons de randonnée: effet de mode ou produit technique?

Bâtons de randonnée effet de mode ou produit technique
Bâtons de randonnée effet de mode ou produit technique

Avec l’engouement croissant pour la randonnée, on a vu apparaître sur les chemins de nouveaux quadrupèdes : « les randonneurs à bâtons ». Effet de mode, marketing ou véritable outil technique ? Faisons le point sur les bâtons de randonnée.

Par le docteur Lise Grangeon – membre de la Commission médicale de la FFRandonnée

l y a bâtons et bâtons. Si de loin, tous les bâtons paraissent identiques, il n’en est rien. Leurs caractéristiques et leurs objectifs sportifs sont bien différents. Parce que ce n’est pas notre propos, éliminons d’emblée les bâtons de marche nordique : ils ne comportent souvent qu’un brin*, ils sont souples et légers, ils s’accompagnent de gantelets que l’on fixe aux poignets et qu’on lâche au moment de la propulsion, principe de la technique de marche nordique.

Tout autres sont les bâtons de randonnée.

Fiche d’identité des bâtons de randonnée

Le marché présente de nombreux modèles parmi lesquels il est parfois difficile de choisir. Il en existe 3 grands types :

1- Les bâtons de randonnée télescopiques

Ce sont les plus courants et les plus polyvalents. Ils se composent généralement :

  • de 3 brins coulissants  (parfois 2) qui se serrent :
    • soit par des cônes de serrage, qui permettent de visser les morceaux les uns sur les autres. Ce sont les modèles anciens ou d’entrée de gamme. Il faut vérifier de temps en temps le serrage pour éviter l’affaissement du bâton en cours de route provoquant la chute,
    • soit par des clips plus sûrs et plus faciles à manipuler. S’ils sont trop lâches, une petite vis ou une molette sur le bâton permet de les resserrer ;
  • d’une poignée en différents matériaux :
    • en liège : c’est le matériau le plus confortable, notamment quand il fait chaud. Ses inconvénients sont sa fragilité et son coût,
    • en caoutchouc ou en plastique : ce sont des matériaux robustes. Leur inconvénient est qu’ils sont désagréables quand il fait chaud et qu’on transpire. Ils sont utilisables l’hiver, d’autant plus que les gants en améliorent le confort,
    • en mousse : c’est un matériau confortable même par temps chaud, plus solide et moins onéreux que le liège ;
  • d’un manchon qui prolonge la poignée, sur certains modèles seulement ;
  • d’une dragonne : elle peut être simple ou rembourrée  pour être plus confortable au poignet ;
  • d’une ou de plusieurs rondelles interchangeables : elles évitent que le bâton ne s’enfonce, entre deux rochers par exemple, et par effet de levier favorise la casse ou la chute. Les rondelles larges s’utilisent dans les randonnées à raquettes, elles ont une meilleure portance sur la neige ;
  • d’une pointe métallique (en acier ou en carbure de tungstène) qui s’agrippe au sol. Elle se complète d’un embout en caoutchouc pour les déplacements sur le bitume ou dans des zones réglementées qui interdisent l’usage des bâtons à cause de l’érosion qu’ils provoquent.

La taille des bâtons va de 70 à 140 cm pour s’adapter à tous les gabarits. Quand ils sont pliés, ils mesurent entre 60 et 65 cm et se rangent très facilement sur le sac à dos à l’aide de sangles dont sont équipés la plupart des sacs.

Ils pèsent entre 450 et 550 g.

Les bâtons de randonnée pliants

Ces bâtons ont été créés pour la pratique du trail, mais les randonneurs les utilisent de plus en plus. Ils sont également composés de trois brins qui se replient et se déploient très facilement.

Les avantages sont la légèreté (environ la moitié du poids des bâtons télescopiques) et leur faible encombrement.

L’inconvénient est qu’ils ne sont pas réglables. Ils sont gradués de 5 en 5 cm. Chaque personne doit choisir la taille qui lui convient et la garder tout au long de la randonnée.

La petite rondelle fixée aux bâtons convient pour les terrains secs, mais pas pour la neige.

Les bâtons de randonnée fixes

Ils sont peu utilisés en randonnée car ils ne se règlent pas, sont encombrants et ne se rangent pas sur un sac à dos. Ce sont des bâtons de dépannage.

Les bâtons « monobrins » sont essentiellement utilisés en marche nordique ou pour le ski de randonnée.

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Un bâton ou deux bâtons ?

Un seul bâton peut être utilisé sur des chemins faciles et si on est peu chargé. Mais il provoque une marche asymétrique qui risque de déclencher des douleurs si la randonnée se prolonge. Pour pallier cet inconvénient, il convient de changer régulièrement de main porteuse.

En revanche, si on est fortement chargé (sac à dos, porte-bébé…) ou si le terrain est difficile, les deux bâtons sont recommandés.

Les avantages de marcher avec des bâtons

Les avantages de marcher avec des bâtons
Les avantages de marcher avec des bâtons

Réduire l’effort

Avec des bâtons, le poids du randonneur et du sac à dos se répartit sur quatre appuis (réduction d’environ 15 à 25 %), ce qui soulage les articulations porteuses : hanches, genoux, chevilles. La marche se fait avec moins de fatigue et l’arrivée à l’étape est plus sereine.

Le trajet en montagne est facilité dans les montées, rendues plus accessibles et dans les descentes où les bâtons protègent les genoux en jouant le rôle d’amortisseurs.

Les randonneurs les plus sportifs peuvent allonger la longueur des étapes ou accélérer le rythme sans augmenter la fatigue.

Les randonneurs atteints d’arthrose du genou ou de la hanche trouvent un soulagement de leurs douleurs en utilisant des bâtons.

S’équilibrer

Les quatre appuis au sol agrandissent le polygone de sustentation et apportent une meilleure stabilité, évitant ainsi les chutes.

Cet avantage est particulièrement appréciable sur les terrains glissants, enneigés, humides, dans les descentes où les bâtons apportent sécurité et confort et plus globalement sur tous les terrains difficiles.

Par contre, si le terrain nécessite l’utilisation des mains, passage rocheux par exemple, les bâtons doivent impérativement être repliés et attachés au sac pour des raisons évidentes de sécurité.

Améliorer sa posture

Lorsqu’on est chargé, surtout dans les montées, on a tendance à marcher courbé en avant. Les bâtons, dont la taille est bien réglée, obligent à redresser le corps, ce qui soulage le rachis et ouvre la cage thoracique permettant une respiration plus ample.

Faciliter le franchissement d’obstacles

Le passage des obstacles rencontrés sur le chemin est facilité, qu’il s’agisse de troncs d’arbres, de rochers, de petits ruisseaux, de passages boueux.

Si des ronces ou des orties ont envahi le passage, les bâtons permettent de se protéger des piqûres.

S’assurer

En cas de doute, les bâtons permettent de sonder la solidité d’un passage incertain, la profondeur d’un gué, l’épaisseur de neige…

Ils permettent aussi de chasser un intrus encombrant, un chien agressif…

Jouer à MacGyver

C’est un avantage imprévu et indirect, mais les bâtons servent aussi à construire un abri de fortune, à installer une corde à linge ou à fabriquer une attelle…

Les risques et précautions à prendre avec les bâtons de randonnée

Les courbatures

L’utilisation de bâtons sollicite les muscles du haut du corps, dorsaux, pectoraux, muscles du bras et de l’avant-bras d’une façon différente de l’ordinaire. Il peut s’ensuivre des courbatures, qui vont disparaître au fur et à mesure de l’entraînement. Il s’agit là d’une conséquence bénigne.

Pour les prévenir, l’hydratation est fondamentale avant, pendant et après la randonnée (eau, tisanes, potages…).

Des assouplissements/étirements après la randonnée les limitent.

La chute

Par leur effet équilibrant, les bâtons évitent la majorité des chutes. Mais parfois, ils peuvent en être la cause si on se prend les pieds dedans. Les conséquences en sont des traumatismes des membres supérieurs, de la face, des membres inférieurs, du crâne, de gravité variable.

Une utilisation correcte des bâtons (voir ci-dessus) évite cet écueil.

La dépendance

L’utilisation systématique et massive des bâtons peut avoir à terme des effets délétères sur l’équilibre. L’équilibre est normalement assuré grâce à un système complexe dont le chef d’orchestre est le système nerveux central (cerveau, cervelet et moelle épinière).

Les informations lui sont données par 3 types d’organes :

  • La vue : pour se rendre compte de son rôle, il suffit de se tenir en équilibre sur 1 pied ou sur les 2 pieds bien serrés yeux ouverts et de faire le même exercice yeux fermés ;
  • L’oreille interne qui par son système vestibulaire renseigne sur la verticalité et les mouvements ;
  • La proprioception : dans tout le corps, muscles, articulations, il existe des « capteurs » qui renseignent en permanence le cerveau sur la situation de chaque partie du corps dans l’espace.

À partir des informations reçues, le système nerveux central donne de façon réflexe des ordres au système musculo-squelettique pour maintenir l’équilibre.

Au fur et à mesure de l’avancée en âge, tous ces systèmes s’émoussent, l’influx nerveux est plus lent et la masse musculaire diminue de façon inexorable. Tous ces phénomènes concourent à la perte relative de l’équilibre, d’où le problème de santé publique que constituent les chutes chez les personnes âgées. Pour limiter les dégâts, un entraînement de tous ces organes s’impose. Les bâtons les mettent à un repos relatif en agissant comme des « béquilles ».

Pour les personnes jeunes et celles qui sont en bonne santé, les bâtons peuvent être réservés aux randonnées longues, avec des charges lourdes, ou sur des terrains difficiles.

Pour les personnes âgées ou pour celles qui sont porteuses de pathologies altérant l’équilibre, les bâtons sont indispensables. Il faudra alors prévoir une activité physique parallèle sollicitant tous les organes de l’équilibre.

Les troubles musculo-squelettiques

Les troubles musculo-squelettiques recouvrent toute une série de pathologies qui affectent l’appareil locomoteur. Ils sont provoqués par la répétition des mêmes gestes et se rencontrent essentiellement dans le monde du travail. Néanmoins, ils peuvent apparaître dans les activités de loisir, même si c’est plus rare.

L’utilisation intensive des bâtons peut provoquer des douleurs des épaules, des coudes ou des poignets, surtout si l’organisme est déjà fragilisé par une sollicitation excessive de ces articulations dans le milieu professionnel.

Des règles de base peuvent les prévenir : le bon réglage des bâtons, des assouplissements/étirements après l’effort et un temps de récupération suffisant.

Les personnes fragiles peuvent utiliser des bâtons disposant d’un système anti-choc, qui réduit l’impact aux épaules et aux poignets (plus chers et plus lourds).

L’accident

Le mésusage des bâtons peut être une source d’accident. Les pointes d’un bâton placé à l’horizontale peuvent blesser (parfois sérieusement) un compagnon de route.

L’usage doit être strictement contrôlé, les pointes toujours dirigées vers le bas. Les bâtons ne doivent pas servir à montrer un élément de paysage, pas plus qu’à tracter un randonneur fatigué ! Quand ils ne servent plus, ils doivent être repliés et rangés sur le sac à dos.

Les risques environnementaux

La pointe des bâtons peut dégrader les sols fragiles et endommager la végétation. Dans ces cas-là, l’embout en caoutchouc qui recouvre la pointe devient indispensable. ✱

Comment utiliser ses bâtons de randonnée?

1-Régler la taille des bâtons

Le réglage de la taille des bâtons permet une adaptation parfaite à la taille de l’utilisateur ou de l’utilisatrice ainsi qu’au terrain.

Déplier les brins toujours de façon homogène : chaque brin a une règle graduée (parfois de centimètre en centimètre). Pour obtenir une taille de 110 cm par exemple, chaque brin doit être réglé sur le repère 110.

Pour augmenter la taille du bâton, chaque brin doit être allongé de la même longueur et inversement chaque brin doit être raccourci pour en diminuer la taille. Pour connaître la bonne longueur, poser les pieds bien à plat et mettre les bâtons devant soi ; la bonne longueur est celle qui permet d’avoir un angle de 90° entre le bras et l’avant-bras.

2- Régler la dragonne

La dragonne permet le transfert du poids du corps sur le bâton et soulage les poignets, les mains et les avant-bras.

On peut l’enfiler par le haut et attraper la poignée directement. La dragonne est alors plus près du poignet et elle est plus serrée. L’avantage est qu’on peut bien appuyer le poignet sur le bâton, l’inconvénient est qu’il est difficile de la laisser s’échapper en cas de chute. Si on l’enfile par le bas, la base de la sangle est entre le pouce et l’index, la main doit se trouver en face de la poignée, sans jeu excessif. Le bracelet est moins ajusté, c’est moins confortable, mais moins dangereux en cas de chute.

3- Marcher avec les bâtons

Il existe plusieurs techniques de marche, que chacun choisit en fonction de son confort personnel et du terrain ;

  • soit les bâtons prolongent le mouvement des bras et se déplacent à chaque pas de façon alternative : quand on avance le pied gauche on avance en même temps le bâton droit, puis le pied droit en même temps que le bâton gauche. C’est une marche plus tonique, mais plus fatigante. Pour pallier cet écueil, on peut n’avancer les bâtons que tous les deux ou trois pas, toujours de façon alternative ;
  • soit on déplace les deux bâtons en même temps et on les plante ensemble devant soi. Cette technique est très utilisée en montagne, en montée pour tirer sur les bâtons et faciliter le déplacement, en descente pour retenir le corps et ainsi se freiner. D’autres randonneurs, adoptant la technique de marche nordique, utilisent les bâtons en double planté non pour tirer, mais pour pousser.

Quelle que soit la technique utilisée, des règles de sécurité s’imposent

Toujours mettre les bâtons de part et d’autre du corps pour éviter de s’entraver dedans. À aucun moment, ils ne doivent traverser devant soi.

Dans une descente forte ou/et dangereuse, il est peut être utile d’enlever les dragonnes pour pouvoir lâcher les bâtons plus facilement en cas de chute. On tient alors les bâtons en mettant la paume de la main sur le dessus de la poignée.

En montagne, la longueur des bâtons doit être adaptée pour conserver à peu près l’angle de 90° entre le bras et l’avant-bras :

  • en montée, il convient de réduire légèrement la taille, ce qui évite de trop forcer sur les épaules. Soit on règle les brins des bâtons sur une longueur légèrement plus faible, soit on tient les bâtons sous la poignée, notamment au niveau des manchons pour les modèles qui en disposent. À l’inverse en descente, on allonge légèrement les bâtons;
  • sur un terrain fortement en dévers, on peut régler différemment le bâton en amont et le bâton en aval en respectant les mêmes principes.

En conclusion

Les bâtons font partie intégrante du bagage du randonneur, à condition que leur usage se fasse avec discernement.

La répartition des charges due aux quatre appuis permet de soulager les articulations, la stabilité qu’ils procurent fait gagner de la sécurité et de la confiance.

Ce sont donc des outils précieux dans les randonnées longues et/ou difficiles ainsi que pour les personnes âgées ou porteuses de pathologies, notamment d’arthrose.

Néanmoins, leur usage n’est pas forcément systématique dans une randonnée facile ou un milieu naturel particulièrement vulnérable.

Dans tous les cas, un bon réglage et une utilisation prudente des bâtons assurent la sécurité du pratiquant et des autres.

*On appelle « brin » le tube qui constitue le bâton. S’il n’y en a qu’un, le bâton est dit « monobrin ». Quand il y en a deux, le bâton est « bibrin », mais il existe aussi des bâtons à trois, même cinq brins.