Par le docteur Colette Nordmann, médecin du cyclisme-santé à la FFC
Quels sont les symptômes, la fréquence et la gravité des pathologies ostéoarticulaires chroniques ?
La douleur est le signe fonctionnel constant à toutes les pathologies ostéoarticulaires.
On peut parler de douleurs chroniques si les douleurs ostéoarticulaires excèdent trois mois. Sinon, il s’agit de douleurs aiguës.
Il n’est pas besoin d’être âgé pour souffrir d’articulations qui gonflent, deviennent chaudes et se déforment.
En France, un adulte sur deux souffre de douleurs ostéoarticulaires aiguës ou chroniques qui peuvent gêner leur quotidien personnel, professionnel ou sportif. Cette souffrance s’inscrit souvent dans un contexte personnel parfois complexe fait de :
Mouvements inadaptés qu’ils soient professionnels, familiaux ou sportifs;
D’inactivité et de sédentarité avec perte du tonus musculaire et de l’adaptation à l’effort;
De mauvaise hygiène de vie et d’obésité avec surcharge articulaire;
De tensions nerveuses professionnelles ou familiales…
Il faut aussi différencier :
Les douleurs mécaniques des douleurs inflammatoires ;
Celles qui génèrent une gêne ou une invalidité ;
Les douleurs qui sont fréquentes ou plus rares ;
Celles qui sont bénignes de celles dont le pronostic est plus grave.
La douleur mécanique est liée au mouvement, contrairement à la douleur inflammatoire qui va réveiller la nuit. On peut bien sûr souffrir de douleurs à la fois mécaniques et inflammatoires.
La représentation la plus fréquente des douleurs ostéoarticulaires est l’arthrose : la gonarthrose qui touche le genou, la coxarthrose qui touche l’articulation de la hanche et les lombalgies pour la colonne vertébrale, mais toutes les articulations dont celles des mains peuvent être touchées.
Comme la fibromyalgie, autre pathologie invalidante qui impacte les nerfs et les muscles, l’arthrose (comme la fibromyalgie) ne présente pas de pronostic de gravité, si ce n’est l’évolution vers la chronicité, le handicap et la dépendance.
L’ostéoporose est susceptible de fragiliser l’os et de favoriser des micro-fractures douloureuses et des fractures invalidantes.
En termes de gravité :
– la polyarthrite rhumatoïde ou polyarthrite chronique évolutive est une forme immunitaire et inflammatoire de remaniements osseux avec déformations,
– la sclérose en plaques est une maladie neurologique invalidante qui touche les articulations et les muscles,
– la prise en charge de ces deux pathologies par une activité de vélo thérapeutique est limitée au sein d’un club de Cyclisme Santé aux bases fonctionnelles minimes.
1) Voyons tout d’abord l’arthrose et comment l’activité régulière de vélo est susceptible de la prévenir et d’en limiter l’évolution :
L’arthrose est un rhumatisme dégénératif chronique de l’articulation touchant principalement le cartilage articulaire qui se détruit plus qu’il ne se construit. L’os sous-chondral est alors atteint, associé à une inflammation de la membrane synoviale avec altération de la lubrification et destruction progressive de l’articulation.
La femme est plus prédisposée que l’homme, d’autant plus s’il existe des composantes familiales et génétiques, et l’avancée en âge des populations augmente le risque d’arthrose.
S’ajoutent à ces causes auxquelles on ne peut pas grand-chose, d’autres mécanismes d’aggravation dits « modifiables » : l’obésité, les efforts articulaires répétitifs surtout en période de croissance, les traumatismes professionnels ou sportifs, les malpositions articulaires, l’insuffisance musculaire liée à l’inactivité et à la sédentarité : en résumé, trop ou pas assez d’activités physiques.
Le meilleur traitement contre l’arthrose: la prévention
Il est important de comprendre que le meilleur traitement de l’arthrose est préventif :
Grâce à une activité régulière, même modérée et quelles que soient sa modalité statique ou dynamique, sa durée ou son intensité ;
Il est d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’une activité en décharge comme le vélo qui limite les microtraumatismes.
Pour mieux comprendre, on peut revenir au mode de vie de nos ancêtres:
la paléontologie confirme qu’avant l’agriculture, nos ancêtres étaient plus robustes que nous avec des insertions musculaires qui étaient le reflet de sollicitations squelettiques plus importantes liées à l’activité intermittente de chasseur-cueilleur,
avec la naissance de l’agriculture, l’activité physique s’est réduite, et davantage encore avec l’ère industrielle, robotique et informatique : l’Homme est devenu inactif mais surtout sédentaire : il reste assis plus de 8 heures par jour.
2) Comment le vélo peut-il avoir un impact positif sur les pathologies ostéoarticulaires chroniques et l’arthrose en particulier ?
Pour qu’il y ait plus de cartilage fabriqué que détruit, il faut que des contraintes mécaniques modérées et régulières produites par l’activité physique s’exercent sur les articulations, et ce d’autant mieux s’il s’agit d’un sport porté comme le vélo.
Ces contraintes mécaniques modérées :
favorisent la régénération du cartilage par les chondrocytes.
stimulent la sécrétion du liquide synovial intra-articulaire et sa concentration en acide hyaluronique qui lubrifie l’articulation et nourrit le cartilage,
maintiennent la souplesse des ligaments et préviennent les raideurs articulaires,
entretiennent la puissance, l’endurance et la souplesse des muscles autour des articulations,
augmentent la réactivité neuromusculaire proprioceptive de reconnaissance de la position des membres dans l’espace même les yeux fermés,
induisent un effet anti-inflammatoire et antalgique.
Bénéfices de l’activité de vélo sur l’arthrose
Les sports « portés » à décharge pondérale sont plus efficaces et mieux tolérés que les sports aérobies en charges ;
Le vélo est l’activité physique portée la plus pratiquée et la plus recommandée, après la marche, par le monde médical dans le cadre d’une prescription de vélo sur ordonnance :
participe à la protection du cartilage articulaire par effet de glissement grâce à la décharge pondérale,
renforce l’adresse et l’équilibre statural,
entretient et augmente les capacités de force, d’endurance et de réactivité musculaire en évitant l’enraidissement,
réduit les impacts et torsions articulaires,
permet au niveau physiologique des variations d’intensité dans la progressivité pour mobiliser les différentes fibres musculaires aérobies et anaérobies,
développe le muscle du cœur, et l’augmentation de l’activité cardiaque permet de distribuer davantage de sang, d’oxygène et de nutriments au niveau des organes,
renforce les muscles squelettiques qui utilisent plus d’énergie, se tonifient, soutiennent mieux, et utilisent la graisse comme substrat énergétique favorisant le mouvement dans un cercle vertueux de réduction de la masse grasse,
augmente les capacités respiratoires et l’oxygénation des tissus,
développe la vascularisation et les échanges gazeux et nutritifs au niveau articulaire.
Les activités de vélo sont à pratiquer en endurance foncière et en fractionné en dehors des périodes douloureuses et permettent :
Le renforcement de la force musculaire des quadriceps et des ischio-jambiers : les cuisses sont plus fortes, plus souples, plus coordonnées, plus endurantes ;
La décoaptation et la protection articulaire ;
La stabilisation de la rotule qui limite les laxités et le pincement articulaire ;
Le rééquilibrage musculaire et le travail isométrique du muscle vaste interne par rapport au vaste externe grâce au bon positionnement du pied sur la pédale ;
La réduction de la masse grasse en masse maigre musculaire susceptible de favoriser la perte de poids.
Activités de vélo conseillées ou déconseillées aux arthrosiques :
Presque toutes les disciplines du cyclisme sont possibles si elles ne déclenchent pas de douleurs ou de gonflement articulaire : route, VTC, piste…
Pour une remise à l’activité de vélo :
privilégier la cadence de pédalage en moulinant plutôt que l’utilisation de gros braquets,
préférer la pratique sur terrains plats plutôt que pentus,
alterner les activités aérobies, de renforcement musculaire, de proprioception et d’équilibre,
préférer le VAE (vélo à assistance électrique),
conseiller un cadre « sloping » avec tube horizontal abaissé ou un cadre « femme » afin de faciliter la montée sur le vélo
proscrire la position dite « en danseuse »,
monter légèrement la hauteur de la selle en cas de gonarthrose, en évitant la pratique du vélo en cas d’arthrose douloureuse touchant la rotule ou arthrose fémoro-patellaire où on pourra proposer le vélo-couché tricycle VAE à bras.
Les efforts à contraintes modérées étant nécessaires à la régénération du cartilage, le vélo est particulièrement indiqué en cas de coxarthrose ;
Éviter les vélos trop lourds ou les charges sur le vélo.
Les lombalgies ou douleurs au niveau des vertèbres lombaires
Elles sont souvent le fait de lésions dégénératives des disques intervertébraux et d’arthrose au niveau des articulations intervertébrales chez l’adulte.
Le passage à la chronicité touche 10 % des lombalgies aiguës dans une spirale de déconditionnement à l’effort qui a modifié les recommandations de santé publique : « mon traitement, c’est le mouvement ».
Les facteurs généraux des lombalgies sont liés à l’âge, l’obésité, le déficit musculaire et proprioceptif abdomino-lombaire.
En cas de lombalgies liées à une arthrose du rachis :
privilégier le vélo couché, le tricycle couché et le tricycle couché VAE (vélo à assistance électrique),
adapter la hauteur de la selle et du guidon, la position sur la selle et le type de selle en fonction des douleurs pour éviter les contraintes de compression en cyphose dorsale et en hyperlordose lombaire,
redresser la position sur le vélo en gardant les épaules basses,
proposer un travail en endurance foncière progressive en moulinant et en utilisant un VAE (vélo à assistance électrique),
utiliser l’énergie cinétique plutôt que les contraintes lentes avec gros braquets,
varier la position sur le vélo mais en évitant les rotations,
combiner le tricycle couché à des renforcements musculaires, des gainages, des exercices de souplesse du rachis et d’équilibre,
modifier la technique de pédalage, augmenter la masse musculaire des membres inférieurs, réduire le travail des fléchisseurs, renforcer les muscles lombaires et la souplesse de la charnière lombosacrée,
éviter le VTT.
La fibromyalgie
C’est une maladie caractérisée par une altération de l’état de santé qui se manifeste par une atteinte neurologique avec trouble de la régulation de la douleur associée à un déconditionnement musculaire.
La fibromyalgie ou « douleur des fibres musculaires » se manifeste par :
Une sensation de fatigue permanente, généralisée ;
Des douleurs permanentes et diffuses à différents endroits du corps : épaules, cou, coudes, genoux, cuisses, zone lombaire… ;
Un état d’anxiété majeur ou syndrome dépressif avec conséquences sociales.
Cette pathologie touche 2 % de la population, essentiellement des femmes. C’est une maladie invalidante en raison de la spirale de déconditionnement à l’effort.
Les patients atteints de fibromyalgie, du fait des douleurs et de la fatigue, réduisent de façon importante leur niveau d’activité physique. Cette inactivité altère progressivement la tolérance globale à l’exercice musculaire.
On assiste alors à une perte des capacités de force, d’endurance, de souplesse, et au niveau psychologique, à une perte du bien-être, de l’estime et de confiance en soi.
Le cercle vicieux dépressif s’exprime donc sur l’humeur et peut entraîner une inaptitude à toute vie sociale.
Bienfaits de l’activité de vélo sur la fibromyalgie :
libération d’endomorphines avec diminution de la douleur et augmentation du seuil de sensibilité douloureuse,
régulation de la sécrétion de l’hormone de croissance, du cortisol ou hormone du stress, et de l’insuline,
amélioration de la force musculaire et du relâchement musculaire,
amélioration du maintien postural et de la souplesse,
augmentation du bien-être et de la confiance en soi,
amélioration de la qualité du sommeil,
meilleure connaissance corporelle,
amélioration des capacités d’endurance grâce aux bienfaits
cardio-vasculaires,
reprise d’une vie sociale.
Le traitement le plus efficace est non médicamenteux. La pratique du vélo est un axe essentiel du traitement de la fibromyalgie. Il n’y a pas d’amélioration possible sans la pratique d’une activité physique aussi faible soit-elle, graduée et adaptée à chaque pratiquant qu’il faut convaincre, car ces personnes douloureuses, fatiguées et dépressives redoutent de pratiquer une activité physique.
Le vélo améliore l’équilibre et la coordination. En cas de difficultés, préconiser l’utilisation d’ergocycles, de tricycles et l’aquabiking.
Utiliser préférentiellement des VAE (vélos à assistance électrique) sur circuits sécurisés plats et en programmes accompagnés et encadrés.
Privilégier la cadence de pédalage en évitant l’utilisation de trop gros braquets.
Augmenter progressivement la fréquence de l’activité de vélo plutôt que l’intensité.
Associer à des étirements après activités.
Choisir des moments de la journée où les douleurs et la fatigue sont moins intenses.
Tenir compte de l’augmentation de la douleur et de la fatigue après la séance.
L’ostéoporose
Il s’agit d’une pathologie systémique du squelette avec déminéralisation diffuse, remodelage de l’architecture osseuse avec diminution de la masse osseuse, sans trouble de la minéralisation.
L’ostéoporose est fréquente chez le sujet âgé, en particulier chez la femme après la ménopause : 90 % des cas d’ostéoporose touchent les femmes et 10 % seulement les hommes.
La maladie ostéoporotique se manifeste par :
Des douleurs osseuses des vertèbres et du bassin, dues à des micro-fractures sans signes radiologiques ;
Des tassements vertébraux avec réduction de la taille et une augmentation de la cyphose ou dos rond ;
Un risque fracturaire lors des chutes, génératrices de morbidité, de dépendance et de mortalité.
10 % des femmes de 50 ans présentent une ostéoporose. Ce nombre ne cesse d’augmenter avec l’âge pour atteindre 40 % des femmes de 75 ans. La baisse de l’équilibre croit avec l’âge et est responsable de chutes avec fracture ostéoporotique.
Bénéfices du vélo sur l’ostéoporose
L’activité physique augmente la densité minérale de l’os qui devient plus solide du fait de l’augmentation de la testostérone, de l’hormone de croissance et de la DHEA ;
Les sports avec impact favorisent la densité de l’os ;
Les activités physiques avec contraintes mécaniques même modérées permettent de prévenir et stopper la perte osseuse de la ménopause et de l’andropause ;
En cas de sport porté, il y aura donc lieu de complémenter l’activité de vélo par des exercices avec impacts ou de pratiquer le vélo en charge d’un sac à dos de 1 à 2 kilos, placé à la jonction du dos et des reins pour favoriser la densité vertébrale. Le sac à dos permet d’exercer une pression à partir des épaules sur l’ensemble du squelette, de favoriser la minéralisation osseuse des vertèbres et de redresser le dos ;
L’activité de vélo, en augmentant la masse musculaire, permet un meilleur haubanage musculo-osseux et favorise l’équilibre ;
La pratique du vélo augmente la vascularisation et la capacité d’échanges gazeux et nutritionnels au niveau de l’os ;
Selon les activités physiques pratiquées, il est possible d’augmenter le capital osseux de 10 à 15 %, des résultats largement supérieurs à ceux des médicaments.
La polyarthrite rhumatoïde ou PR ou « polyarthrite chronique évolutive »
La polyarthrite rhumatoïde ou PR ou « polyarthrite chronique évolutive » est une maladie auto-immune
C’est une maladie qui voit son système immunitaire s’attaquer aux protéines spécifiques des articulations. Au fur et à mesure, les articulations gonflent, s’enflamment, deviennent très douloureuses et se déforment progressivement ;
Les douleurs sont de type inflammatoire, souvent nocturnes, voire permanentes et très vives lors des poussées ;
Ce sont d’abord les petites articulations comme celles des mains, poignets et pieds qui sont touchées ;
Plus tardivement, les grosses articulations des épaules, des hanches et des genoux sont concernées par le phénomène douloureux et de déformation.
Bénéfices du vélo sur la polyarthrite rhumatoïde
Tous les bienfaits décrits pour l’arthrose s’appliquent à la polyarthrite :
Ils augmentent la réactivité neuro-musculaire proprioceptive ;
Ils induisent un effet anti-inflammatoire et antalgique ;
La pratique du vélo diminue également le stress, mécanisme important pour améliorer les maladies auto-immunes ;
Ils restaurent l’estime de soi et favorisent le reconditionnement à l’effort.
La SEP ou sclérose en plaques
C’est une maladie inflammatoire du système nerveux central comprenant l’atteinte du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs optiques.
La pratique du vélo adaptée aux déficiences du patient et par l’intermédiaire d’ergocycles et de vélos à assistance électrique :
Permet de diminuer l’inadaptation professionnelle et la décompensation psychologique induites par la fatigue parfois intense, les douleurs, les troubles anxieux et la dépression ;
Limite le déconditionnement du patient à l’effort ;
Permet d’augmenter la force musculaire et la mobilité ;
Réduit les sensations de fatigue et permet une meilleure qualité de vie ;
Possède un rôle facilitateur sur les troubles du sommeil et sur les modifications de la chaîne de transport et d’utilisation de l’oxygène responsable d’une altération du système nerveux central et de la perte de sensibilité des mécanorécepteurs.
Résumé
Qu’elles soient graves ou bénignes, invalidantes ou non, fréquentes ou rares, les pathologies ostéoarticulaire chroniques sont toutes améliorées par le mouvement et le vélo plus particulièrement, à condition d’être prises en charge de façon précoce et adaptée.
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