Le club de randonnée, outil de lien social ?

Le club de randonnée, outil de lien social
Le club de randonnée, outil de lien social ?

L’intérêt de l’activité physique sur la santé a fait l’objet, depuis longtemps déjà, de nombreuses études et publications maintes fois confortées. Ses effets bénéfiques sont largement démontrés tant en prévention primaire(1) qu’en prévention tertiaire pour les personnes atteintes de maladies chroniques, diabète, maladies cardio-respiratoires, rhumatismales, etc.(2). Un peu moins connu et documenté est l’intérêt de la pratique en club sur le lien social.

Par le docteur Lise Grangeon, membre de la commission médicale de la FFRandonnée

Un engagement des pouvoirs publics

Le code du sport dans son article L 100-1, en vigueur depuis le 4 mars 2022, affirme que la pratique des activités physiques et sportives « fait partie intégrante de l’éducation et de la culture », qu’elle « contribue à l’intégration sociale, à la solidarité intergénérationnelle et à l’apprentissage de la citoyenneté et de la vie démocratique » en favorisant « un égal accès aux activités physiques et sportives, sans discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, l’appartenance, vraie ou supposée, à une nation ou à une ethnie, la religion, la langue, la condition sociale, les opinions politiques ou philosophiques ou tout autre statut ».

En 2019, un Pôle Ressources National Sport-Innovations a été créé au CREPS des Pays de la Loire situé à Nantes. Il « répond aux enjeux sociaux de développement de la pratique pour tous et d’adaptation à de nouveaux contextes sociétaux ». Une plate-forme permet de « partager les projets d’inclusion sociale par le sport » et d’accompagner les structures engagées dans le processus.

http://guides.prnsi.creps-pdl.fr/sport-inclusion-sociale/

L’accès aux sports et aux loisirs est un objectif spécifique du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013. Sont concernés à la fois « les services de l’État, les collectivités territoriales, les associations, les partenaires sociaux, les chercheurs et les experts ainsi que les personnes en situation de pauvreté elles-mêmes ».

Dans ce dispositif, quelle peut être la juste place d’un club de randonnée ?

Le rôle social du club de randonnée 

Le club de randonnée (comme les autres clubs) fait partie du réseau affinitaire des relations sociales d’une personne : des individus qui ne se connaissent pas forcément, issus de divers milieux se retrouvent pour pratiquer une activité en commun (randonnée, marche nordique, marche aquatique).

C’est un lieu de socialisation :

L’individu rencontre un groupe qui va, de façon explicite ou implicite, lui imposer des règles (heure de départ, consignes de sécurité, comportement amical…) et lui proposer un certain nombre de valeurs (goût de l’effort, respect de l’environnement, entraide…). Si la personne les partage, elle s’intègre au groupe, sinon elle est rejetée ou elle s’en va d’elle-même. Partageant ces mêmes codes, tous les membres du groupe vont avoir un sentiment d’appartenance qui peut être affiché par des insignes (par exemple, un T-shirt à l’enseigne de l’association). À l’intérieur du club, chacun se sent accepté et reconnu, ce qui le rassure et renforce l’estime de soi.

C’est un lieu d’échanges :

A travers l’activité se nouent des liens affectifs avec l’animateur ou l’animatrice ainsi qu’avec les autres participants, liens qui s’approfondissent au fur et à mesure de la participation. Au travers des expériences vécues en commun, il se développe au sein du groupe une écoute, une solidarité, un respect mutuel. Les traditions, du repas en commun au voyage exceptionnel, renforcent encore les liens interpersonnels. Chaque personne trouve dans ce collectif une identité et un statut.

C’est un lieu de plaisir :

Les endorphines, hormones sécrétées lors de la pratique sportive, déclenchent un bien-être tel qu’on les a qualifiées d’« hormones du bonheur ». Mais de plus, toutes les activités de marche se pratiquent en pleine nature, ce qui procure une détente, des sensations et des émotions esthétiques favorables au bien-être. Cette dimension a été démontrée par des études étrangères, notamment anglo-saxonnes(3) et développée dans un essai de Michel Le Van Quyen, chercheur à l’INSERM(4).

C’est un lieu d’apprentissage :

Ce peut être un apprentissage technique de la marche nordique, de la marche aquatique, de l’itinérance que la personne n’a jamais testée. Ce peut être aussi l’occasion,  grâce à la compétence et à la présence sécurisante de l’animateur.trice, d’aller dans des lieux où elle n’oserait pas aller toute seule. La pratique en club permet d’élargir son horizon, d’approfondir et d’organiser des connaissances déjà en partie acquises sur l’équipement, sur le fonctionnement de son corps, l’hydratation, l’alimentation, la sécurité. Ce peut être également l’occasion de mieux observer et de mieux connaître le milieu où l’on pratique ou bien les milieux que l’on traverse.

C’est un lieu de progrès :

La pratique régulière d’une activité physique apporte de l’aisance, la séance devient plus facile. Les efforts sont moins grands, les « performances » augmentent, les distances s’allongent. L’animateur.trice sollicite des compétences insoupçonnées. Grâce à ses réussites, le pratiquant se connaît mieux, améliore la perception qu’il a de sa condition physique et l’image de soi.

C’est un lieu de responsabilité :

La personne peut participer à la vie du club quelle que soit son orientation philosophique, politique ou religieuse. Si elle le désire, elle peut trouver au sein du groupe l’occasion d’être utile en soulageant les tâches de l’animateur.trice, ou prendre des responsabilités administratives ou d’animation au sein de l’association.

Il est acquis maintenant que la pratique de l’activité physique en groupe a des effets plus importants sur la santé mentale que l’activité physique individuelle (5). Les séances organisées par les animateurs.trices sont plus structurées. La compétence de l’animateur.trice permet d’en varier le contenu au fil de l’année sportive en les rendant plus intenses ou plus ludiques en privilégiant l’acquisition technique ou la condition physique ou encore le ressenti personnel.

La marche est l’activité physique de base de l’être humain, c’est aussi l’activité sportive la plus populaire et la plus pratiquée par les Français. Elle ne nécessite ni apprentissage, ni investissement onéreux, peut se pratiquer en tous lieux et en toutes saisons. C’est une activité à part entière ou bien ce peut être un tremplin vers des marches plus spécialisées (marche nordique, marche aquatique) ou vers d’autres sports. Elle contribue au bien-être de l’individu, elle diminue l’anxiété, le stress, la dépression, régule les émotions, élimine les pensées négatives, améliore l’estime de soi.

Les activités Santé de la Fédération Française de Randonnée permettent d’accueillir des personnes aux capacités physiques diminuées. La personne vieillissante qui ne peut plus faire de grandes distances, celle qui habituée au canapé veut se (re)mettre à l’activité physique, la personne cardiaque à qui son médecin a conseillé le sport, toutes trouveront un accueil convivial et un encadrement spécifiquement formé dans les clubs labellisés Santé. Ce label est accordé par la Fédération Française de Randonnée depuis 2010 pour la randonnée et depuis 2021 pour la marche nordique et le longe-côte/marche aquatique aux associations qui répondent à un cahier des charges précis.

L’offre est nécessaire mais pas suffisante

Un certain nombre de personnes font la démarche de rechercher une association qui corresponde à leurs goûts, leurs aspirations, leurs valeurs. Le club doit alors être présent et se faire connaître. C’est dire l’importance des canaux habituels d’information (affiches, presse, site Internet, inscription sur différentes plates-formes). L’organisation de journées découverte grand public fortement médiatisées où chacun pourra venir se tester est tout à fait pertinente. Les personnes qui sont dans une période fragile après un deuil, un divorce, un déménagement ou à l’âge de la retraite sont particulièrement réceptives. Ces journées peuvent viser un quartier, un village ou un public spécifique, par exemple les personnes âgées dans le cadre de la Semaine Bleue.

Il en va tout autrement des personnes isolées socialement. La personne isolée a souvent de mauvaises conditions économiques et a peu de contacts avec les lieux de socialisation, ce qui renforce le phénomène d’isolement dans un cercle vicieux délétère. Se sentant exclue, inutile, vulnérable, abandonnée, elle éprouve de la défiance envers autrui et envers les institutions (6), le recours aux soins est plus tardif, voire refusé. La perte de confiance est aggravée par des événements extérieurs inopinés (attentats, crises diverses, violences) qu’elle a plus de mal à maîtriser que les personnes bien insérées socialement. Dans ce cas, l’offre associative n’atteint pas les personnes concernées.

Le handicap et la maladie chronique constituent un facteur d’isolement social qui se potentialise avec la précarité économique accompagnant souvent cette situation. Les personnes atteintes de maladies chroniques stabilisées trouvent leur place dans les clubs labellisés Santé. C’est plus difficile pour les personnes handicapées physiques qui se heurtent à des questions d’infrastructures et de déplacement.

Un travail en réseau indispensable

Pour remplir son rôle social et toucher les personnes les plus isolées, le club se doit d’être au plus près de leur lieu de vie (le quartier, l’établissement de santé…) et s’inscrire dans une démarche globale déjà existante, initiée par les mairies, les CCAS, les CLIC, les Contrats locaux de santé, les missions locales, les écoles, etc, en fonction du public visé. Parfois, une médiation individuelle est indispensable et peut se faire grâce aux structures locales qui interviennent auprès des personnes : aides à domicile, DAPAP, GEM qui repose sur la pair-aidance, structures privées (La Poste et son action « veiller sur mes parents » par exemple).

Afin d’accueillir les personnes handicapées, la Fédération Française de Randonnée a établi un partenariat avec les fédérations Handisport et Sport Adapté pour apporter une compétence aux clubs volontaires grâce à des conseils, du prêt de matériel adapté, des actions communes. ✱

Conclusion

La cohésion sociale concerne la société tout entière, le citoyen dans le repérage des personnes isolées et l’aide individuelle, les pouvoirs publics dans l’action sur les déterminants de santé qui favorisent cet isolement (l’amélioration du cadre de vie, des conditions de logement, du cadre urbain, des conditions de travail, des déplacements) et tout le mouvement associatif qui maille le territoire. Le club de randonnée offre un lieu de socialisation et d’épanouissement à toute personne intéressée par l’activité. Mais pour toucher les personnes les plus vulnérables et les plus isolées, il se doit de s’inscrire dans un réseau de proximité.

Sigles utilisés

  • CCAS : Centre communal d’action sociale
  • CLIC : Centre local d’information et de coordination
  • CREPS : Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive
  • DAPAP : Dispositif d’accompagnement vers la pratique d’activité physique
  • GEM : Groupe d’entraide mutuelle
  • INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
  • MASSP : Mission analyse stratégique, synthèses et prospective

Bibliographie

  • Enquête INSERM 2007 Activité physique Contextes et effets sur la santé
  • Enquête INSERM 2019 Activité physique Prévention et traitement des maladies chroniques
  • The Journal of Positive Psychology volume 12 – 2017 – issue 6
  • Cerveau et nature. Pourquoi nous avons besoin de la beauté du monde – Flammarion 2022
  • Santé mentale au Québec vol. 42 numéro 1 : Bienfaits psychologiques de l’activité physique pour la santé mentale optimale
  • Notes d’analyse et de synthèse de la MASSP n°35 septembre 2017 de la Direction générale de la cohésion sociale