Syndrome de l’essuie-glace: la blessure du coureur

Syndrome de l’essuie-glace: la pathologie du genou du coureur
Syndrome de l’essuie-glace: la pathologie du genou du coureur

Syndrome de l’essuie-glace,  syndrome de la bandelette de Maissiat, bursite du fascia lata et même « genou du coureur », voilà quelques-uns des noms donnés à cette douleur du genou. Le dernier cité vous indique qu’il s’agit de la première cause de douleur du genou chez le joggeur. Il vous faut donc absolument connaître cette lésion!

Comment attrape-t-on le syndrome de l’essuie-glace?

En courant, vous êtes alternativement en appui sur la jambe droite puis sur la jambe gauche et ce mouvement se répète au fil de kilomètres. Ces deux paramètres vous aident  à comprendre pourquoi cette blessure est si fréquente et si spécifique du running. Pour que votre bassin  ne bascule pas quand une seule jambe est en contact avec le sol, il existe un hauban latéral qui tire en sens inverse de votre poids de corps (DESSIN 1).

DESSIN 1: un hauban latéral tire en sens inverse de votre poids de corps et cause le syndrome de l’essuie-glace
DESSIN 1: un hauban latéral tire en sens inverse de votre poids de corps et cause le syndrome de l’essuie-glace

Un frottement sur la bourse séreuse

En haut, il est formé d’une grande nappe musculaire, le grand fessier en arrière et le tenseur du fascia lata en avant. L’association de ces deux structures contractiles porte le nom de « deltoïde fessier ». En effet, en anatomie comparée, ce dernier est l’équivalent du deltoïde de l’épaule.

Plus bas, le deltoïde fessier devient un long tendon plat qui rejoint la face externe du genou. Il s’agit de la fameuse bandelette de Maissiat appelée aussi « fascia lata » ! Et là, vous comprenez que le fascia lata est tendu par le tenseur du fascia lata. Alors ne me dites pas que l’anatomie est compliquée et incompréhensible !

Lorsque cet ensemble musculo-tendineux se met en tension, il vient au contact de l’extrémité inférieure du fémur. À cet endroit, il existe une petite poche très mince qui favorise le glissement, on parle de « bourse séreuse ».

Si vous multipliez les foulées, les mouvements de flexion-extension du genou font frotter le gros tendon sur le relief osseux du fémur, à la manière d’un essuie-glace. La bourse s’irrite, tente de s’adapter en sécrétant du liquide lubrifiant. De fait, elle se met à gonfler, on parle alors de « bursite ».

L’étymologie de ce terme est simple à comprendre. « Burs » vient de « bourse » et le suffixe « ite » signifie « inflammatoire » comme dans tendinite et appendicite.

Profitons de ce commentaire sémantique pour vous préciser que le syndrome n’est pas une tendinite ! En effet, il ne s’agit pas de microlésions au sein du tendon provoquées par des tractions répétées. Cette blessure correspond à une pathologie de frottement et son traitement n’a rien à voir avec celui des tendinites ! 

>> Lire aussi notre article “Tendinite et protocole de Stanish: des douleurs pour soigner vos tendons

Avez-vous le syndrome de l’essuie-glace ?

Une douleur du genou spécifique à la course à pied

Si vous souffrez d’une douleur du genou, notamment sur sa face externe, et que vous pratiquez la course à pied, vous avez 9 chances sur 10 d’être victime du syndrome de l’essuie-glace.

Bien sûr, cette probabilité ne suffit pas ! Il faut affiner le diagnostic pour éliminer les autres lésions de voisinage et vous proposer un traitement efficace.

Habituellement, vous n’avez pas mal dans les autres sports, cette lésion est vraiment inhérente à l’appui répété sur une seule jambe et au geste répétitif. Ainsi, vous n’avez ni mal à vélo, ni mal au rameur. Normal, votre bassin est posé sur un siège et n’a pas besoin d’être stabilisé par le deltoïde fessier. Même sur elliptique, il est rare que vous soyez gêné. Bien sûr, vous n’avez pas de selle mais l’autre pied reste posé sur la pédale et cela suffit pour réduire les contraintes mécaniques.

Plus typique encore, vous ne souffrez ni au foot, ni au tennis. Dans tous les sports ludiques incluant de la course et des déplacements latéraux, les mouvements ne sont pas suffisamment répétitifs pour provoquer des douleurs. Classiquement, on peut voir un footballeur jouer au foot aisément alors qu’il boite lors de sa préparation physique sur piste.

Blessure du débutant ou causée par l’augmentation du volume d’entraînement

Si je reprends plus finement votre interrogatoire, vous m’apprenez que vous courez depuis peu de temps, quelques semaines ou quelques mois. Dans le même contexte de surmenage, il se peut que vous pratiquiez depuis longtemps mais que vous ayez rapidement augmenté votre kilométrage en vue d’une compétition plus longue qu’à l’accoutumée. 

Dans ces conditions, le mécanisme traumatique n’est pas une accumulation de microlésions au sein du tendon. Il s’agit plus volontiers d’une altération par la fatigue des mécanismes subtils de coordination pendant votre phase d’appui. Nous y reviendrons à l’occasion du traitement et de la prévention.

Votre douleur au genou survient après quelques minutes de footing. Elle est d’autant plus précoce que la bursite est volumineuse. Plus vous courez, plus vous souffrez ! Vous avez tendance à garder le genou en extension. Parfois, vous préférez écourter votre sortie. De retour à la vie de tous les jours, la douleur disparaît rapidement.

La bursite

Cette chronologie caractérise une bursite, elle diffère de celle d’une tendinite. Si vous étiez victime de cette dernière, vous auriez alors mal au début de votre jogging. Avec l’échauffement, la douleur pourrait disparaître et parfois revenir en fin de séance et persister au quotidien. Souvent, vous avez les pieds creux et les jambes arquées, un peu comme un cow-boy sur son cheval.

Cette morphologie décale le genou vers l’extérieur et majore ainsi les frottements avec le fascia lata. Parfois, c’est l’inverse, vous avez les pieds plats et hypotoniques. Lors de la phase d’appui, ils s’étalent et pivotent en rotation externe. Dans ces circonstances, l’arrière du facia lata vient au contact du fémur et s’irrite (DESSIN 2).

Dessin 2: l’arrière du facia lata vient au contact du fémur et s’irrite
Dessin 2: l’arrière du facia lata vient au contact du fémur et s’irrite

Votre médecin dispose de deux tests pour faire le diagnostic. Le premier cherche à reproduire la douleur en réalisant un mini-squat sur une jambe, le second consiste à appuyer à l’endroit de la bursite. Ces deux signes ne sont pas très sensibles. En effet, ils sont souvent négatifs malgré une authentique bursite en courant. Pour faciliter votre examen, n’hésitez pas à faire votre footing le matin ou la veille au soir de votre consultation. Sachez néanmoins que le syndrome de l’essuie-glace est principalement  un diagnostic d’interrogatoire.

Syndrome de l’essuie-glace: quelles sont les douleurs du genou possibles chez un coureur?

Un médecin du sport expert fait rapidement le diagnostic de bursite du fascia lata. Cependant, il a discrètement mais efficacement recherché, puis éliminé ce que l’on nomme les « diagnostics différentiels ».

  1. Lésion du ménisque externe : une fissure, une usure ou un kyste de la petite cale cartilagineuse entre le fémur et le tibia
  2. Arthrose entre le tibia et le fémur sur le compartiment externe du genou
  3. Fracture de fatigue du fémur ou du tibia à proximité du genou
  4. Souffrance de la petite articulation entre le péroné et le tibia, juste sous le genou
  5. Tendinite du biceps de la cuisse sur son insertion au niveau du péroné
  6. Claquage du biceps à la jonction entre le muscle et le tendon
  7. Tendinite du fascia lata à son point d’accrochage sur le tibia … Eh oui, cette lésion existe mais elle est bien plus exceptionnelle que la bursite du facia lata et la douleur est 3 à 4 cm plus bas !
  8. Souffrance d’une branche du nerf sciatique
Les douleurs externes du genou possibles chez un coureur
Les douleurs externes du genou possibles chez un coureur

Lorsqu’il existe un doute diagnostique, votre médecin du sport prescrit des examens complémentaires : radiographie, échographie, test de conduction nerveuse (EMG) ou IRM. Il fait son choix en fonction des autres hypothèses envisagées. Le plus souvent, c’est l’IRM qui se révèle nécessaire. En effet, il n’est pas rare que la bursite soit tellement volumineuse qu’elle descende en regard du ménisque externe et laisse penser à une lésion de ce dernier.

Comment soigner le syndrome de l’essuie-glace ?

Choisir les bonnes chaussures de running

Si vous avez des problèmes d’appui, les jambes arquées ou au contraire les pieds plats, une paire de semelles correctrices est indiquée. Elle est confectionnée pour vous par un podologue du sport. Attention, en fonction de vos défauts morphologiques ou fonctionnels, les reliefs sont complètement différents.

Toute confusion amène à une aggravation de vos symptômes. Ainsi, avant d’enclencher la procédure, il est bon de contrôler vos chaussures de course. En effet, trop usées ou inadaptées, elles accentuent vos anomalies d’appui. Il suffit alors de les changer ou de bien les choisir.

Pronateur ou supinateur?

Si vous avez les jambes arquées et les pieds creux, vous opterez alors volontiers pour un modèle dit « supinateur ». Si, à l’inverse, vous êtes porteur d’un pied plat hypotonique, vous vous orienterez préférentiellement vers une paire destinée aux « pronateurs ».

Quoi qu’il en soit, ces aménagements sont très souvent efficaces si vous prenez soin de renouer progressivement avec la course. Le protocole type est très simple. De toute façon, vous avez gardé la forme en pédalant, en nageant ou en faisant du cardiotraining sur elliptique ou sur rameur.

Il vous reste alors à intégrer un peu de course à pied à vos entraînements. Après avoir posé votre vélo, allez trottiner. En descendant de votre elliptique, montez un peu sur le tapis. Commencez par 5 minutes, ajoutez 5 minutes par séance. A raison de 3 cessions hebdomadaires, vous faites un vrai footing de 30 minutes après 2 semaines.

>> A lire: Blessure: arrêtez de vous arrêter!

Des séances de kinésithérapie pour soigner votre syndrome de l’essuie-glace

Pendant la phase de reprise, quelques séances de kinésithérapie sont parfois les bienvenues. Elles ont pour objectif de décoller le tendon de l’extrémité inférieure du fémur. En théorie, les ultra-sons et le laser y contribuent. Mais attention aux massages trop énergiques qui peuvent aggraver la bursite. La rééducation a surtout pour mission de restaurer un appui plus tonique, sans contorsion du genou.

Le renforcement musculaire pour lutter contre le syndrome de l’essuie-glace

Le renforcement est vivement conseillé. Quelques mois plus tard, alors que vous avez oublié vos douleurs … vous oubliez aussi vos semelles dans votre ancienne paire de chaussures. Et la douleur ne récidive pas ! Vous avez encaissé l’accroissement de votre charge de travail. Même en fin de sortie, vos appuis sont mieux contrôlés et plus toniques, votre fascia lata ne frotte plus ! Ainsi, le syndrome de l’essuie-glace se soigne souvent avec une paire de semelles provisoires, il n’est pas toujours nécessaire de renouveler la prescription l’année suivante ! 

L’infiltration de corticoïdes anti-inflammatoires

À l’inverse, il arrive que la stratégie de chaussage ne suffise pas. La bursite est si grosse que le traitement de la cause ne suffit plus ! Un cercle vicieux s’est ainsi enclenché : plus le fascia lata frotte, plus la bourse grossit et plus elle grossit, plus le fascia lata vient à son contact. Dans ces circonstances, une infiltration de corticoïdes anti-inflammatoires se montre alors très souvent efficace. Elle est de préférence réalisée sous échographie afin d’injecter tangentiellement à la peau, juste entre le tendon et l’os, dans la zone de frottement irritée.

Comme vous pouvez le constater, la piqûre ne se fait pas dans la structure tendineuse et ne fragilise pas les fibres. Le produit sèche ainsi la bursite et vous pouvez reprendre progressivement la course. Ainsi, après 5 jours sans sport avec les jambes, suivez un protocole comparable à celui proposé pour les semelles. Infiltration et correction des appuis s’associent pour vous soulager. Il vous reste alors à vous concocter un programme empreint d’un peu plus d’humilité.

L’opération chirurgicale

Exceptionnellement, le cocktail semelles-infiltrations ne suffit pas à vous guérir. Une opération est nécessaire. Elle consiste principalement à nettoyer l’espace entre l’os et le tendon. Le chirurgien y trouve alors un tissu fibreux avec des adhérences qui gênent immanquablement le glissement. Si la lésion traîne depuis plusieurs mois, alors l’opérateur décrit souvent une bursite dure, épaisse et irrégulière. Cette structure, souvent comparée à un abricot sec, accroche le tendon à chaque passage. Plus rarement encore, la partie postérieure de la lame tendineuse est effilochée et votre chirurgien se doit de la régulariser. Moins large, elle ne frottera ainsi plus sur le relief du fémur.

À 1 mois de cette intervention, lorsque la cicatrice est bien fermée et que l’inflammation est apaisée, vous pouvez pédaler. 2 mois après l’intervention, vous grimpez sur un elliptique. À 3 mois, vous trottinez. À 4 mois, vous renouez avec un programme complet.

Comment éviter le syndrome de l’essuie-glace ?

Cette blessure est provoquée par un surmenage ponctuel. Soit vous êtes débutant en course à pied, soit vous augmentez votre kilométrage pour préparer une compétition d’une durée supérieure à vos habitudes.

Pourtant, ce n’est pas le tissu tendineux qui peine à s’adapter. Il s’agit plutôt de la fatigue musculaire induite par vos séances qui altère la tonicité de vos appuis. Votre genou bascule ou pivote et votre tendon vient frotter sur le relief osseux du fémur. En pratique, la progressivité s’impose. N’ajoutez pas plus de 10 minutes par séance chaque semaine.

Pour programmer un entraînement hebdomadaire de plus, attendez au moins 1 mois. En revanche, il est possible d’accroître le travail musculaire et cardio-vasculaire  grâce à des activités limitant les contraintes sur les articulations. Nagez, pédalez, faites de l’elliptique ou du rameur. D’ailleurs, un peu de fractionné est même envisageable. Pendant ce temps, votre appareil locomoteur s’adapte peu à peu au geste spécifique à l’occasion de vos footings.

Renforcement musculaire et progression

Il est même recommandé de faire du renforcement musculaire ciblé pour améliorer le « gainage de votre membre inférieur ». Les squats s’y prêtent bien mais la presse sur une jambe est encore plus bénéfique. À la maison, le mini-squat à un pied est aisément praticable. Fléchissez votre appui jusqu’à ce que votre genou cache votre pointe de pied. Ainsi, vous obtenez une amplitude correspondant à la course et votre membre inférieur reste tonique et bien axé. Insistez sur le freinage qui reproduit la réception de chaque foulée.

Faites de nombreuses répétitions, jusqu’à ressentir des brûlures dans les muscles. Ainsi, vous travaillez votre « force endurance ». Multipliez les séries dans la journée, le matin au réveil, sur le quai du métro et à la machine à café …


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Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef