Par Julie Alignier, Clément Avrillaud, Nathalie Marie, Kinésithérapeutes FF Triathlon
Un cycle de nage commence dès lors qu’une main entre dans l’eau, et se termine juste avant que celle-ci s’apprête à, de nouveau, entrer dans l’eau. L’analyse du membre supérieur lors de la pratique du crawl peut être découpée en deux phases : une aquatique, appelée « phase de propulsion » et une aérienne, appelée « retour aérien ».
Nous distinguerons deux types de muscles : ceux qui permettent le mouvement et ceux qui participent au contrôle de ces mouvements. Par exemple, le grand dorsal et le grand pectoral constituent les deux principaux muscles permettant la phase de propulsion ; la coiffe des rotateurs et les fixateurs de l’omoplate, représentent, quant à eux, des ensembles de muscles participants au contrôle des mouvements. Cet équilibre est nécessaire au bon fonctionnement des différentes articulations lors de la pratique de la natation. Vous trouverez dans le tableau 1 un récapitulatif de l’ensemble des muscles en lien avec les différentes phases, qui ont un rôle dans la pratique du geste technique. Ce tableau est uniquement ciblé sur les muscles de l’épaule et de l’omoplate.
Les membres supérieurs sont à l’origine de 90 % de la force générée pour le déplacement dans l’eau. Le geste technique impose à l’épaule des amplitudes extrêmes afin d’être le plus efficace possible. La répétition des mouvements couplée aux forces et aux amplitudes demandées pour le mouvement, engendre une sursollicitation de cette articulation. Les triathlètes de haut niveau nagent environ 4,5 à 5 km par jour, ce qui correspond à environ 1 250 coups de bras par séance. L’épaule est donc naturellement l’articulation la plus à risque de blessure lors de la pratique du crawl. En natation, les douleurs d’épaule(s) concernent entre 40 et 91 % des pratiquants.
Les exigences des entraînements induisent des adaptations morphologiques du corps. Chez les nageurs, nous retrouvons fréquemment une majoration de la cyphose thoracique (bombement du haut du dos), un enroulement des épaules et une tête en avant. De plus, des changements adaptatifs liés à l’activité se mettent en place au niveau de la mobilité des épaules et l’on constate au niveau des bras une limitation de la rotation interne et une rotation externe plus importante que la normale. Ces changements d’amplitude articulaire peuvent mener à des syndromes douloureux de l’épaule. Autre exemple, une perte d’amplitude d’abduction horizontale prédisposerait à une manifestation de douleurs à l’épaule chez les jeunes nageurs.
Lors du crawl, les phases propulsives sollicitent de manière répétitive certains mouvements de bras comme l’extension, l’adduction et la rotation interne. La réitération de ces mêmes gestes au cours de l’entraînement génère une fatigue musculaire des membres supérieurs. Cette fatigue entraîne une perte d’efficacité que le corps va compenser en sollicitant de manière plus importante d’autres muscles. En conséquence, apparaissent des déséquilibres musculaires qui affectent la capacité de mouvement de l’épaule, menant secondairement à différentes pathologies.
De même, la laxité d’une articulation peut augmenter en raison d’une surutilisation de celle-ci. Par exemple, la position de la tête humérale, moins soutenue, peut être légèrement modifiée au sein de son articulation, provoquant une surcharge et une fatigue musculaire supplémentaire. Nous retrouvons ce problème de centrage de la tête humérale dans le « conflit sous-acromial ». L’espace sous-acromial est déjà diminué lors d’une élévation de bras de plus de 70°, amplitude de mouvement largement dépassée en natation ! L’incapacité du corps à maintenir la bonne position de la tête humérale peut impacter cet espace en y augmentant les pressions sur les structures avoisinantes et ainsi provoquer des douleurs.
Les diverses douleurs d’épaule résultent bien souvent de la combinaison de plusieurs facteurs : la modification de morphologie du corps, de sa mécanique dans les mouvements liées à la fatigue musculaire et à la laxité articulaire.
Mais malheureusement, il n’y a pas que des douleurs d’épaules. Les douleurs de dos sont également courantes chez les athlètes aquatiques.
Au niveau lombaire, elles sont généralement dues aux hyperextensions de la colonne afin de maintenir le corps droit pour nager, ce qui amène à des augmentations de pression sur les disques intervertébraux ou sur certaines surfaces articulaires.
La respiration en natation n’est pas habituelle : les nageurs doivent faire des rotations ou des extensions de tête fréquentes, qui mènent à des douleurs cervicales.
Un risque supplémentaire de développer ces diverses pathologies est induit par d’autres facteurs de risque comme l’âge, le sexe, le poids, les années de pratique compétitive, le nombre d’heures d’entraînement par semaine ou encore le niveau de compétition.
Afin d’éviter d’entrer dans ces cercles vicieux, la prévention reste fondamentale.
Afin de prévenir les blessures d’épaules, la littérature scientifique définit cinq axes de travail :
Quelques points importants :
Lors d’une séance de natation, il est intéressant de varier les nages. Cela permet de travailler différemment nos muscles et de ne pas les solliciter toujours de la même manière. La posture d’enroulement du haut du corps, retrouvée dans la brasse, le papillon et le crawl, peut être contrée par du dos, qui favorise plutôt l’allongement du corps.
Une respiration bilatérale est utile afin de travailler de manière uniforme les muscles de notre côté droit et de notre côté gauche. Un travail sur des exercices respiratoires peut être mis en place par le biais d’éducatifs, permettant d’alterner des phases de travail avec des phases plus légères. La respiration dans l’eau s’apprend, il faut la conscientiser. Par exemple, dans l’eau, l’athlète peut s’entraîner à bien vider ses poumons, afin d’obtenir ensuite une inspiration plus complète.
Un travail de jambes permet aussi de ménager les épaules et les bras en les mettant « au repos ».
D’autres éducatifs peuvent être mis en place pour couper ou récupérer entre deux phases de travail. Des exercices sur les appuis dans l’eau peuvent aider à développer une meilleure proprioception ou « sensation » afin de ne pas brûler inutilement son énergie.
« L’échauffement à l’entraînement s’envisage comme une routine prophylactique qui offre un temps de prévention des blessures tout au long de la saison (effet chronique). »
L’échauffement que nous proposons ici se décompose en trois parties : un travail de prise de conscience corporel, incluant un travail musculaire et enfin un travail proprioceptif et pliométrique.
L’échauffement est le moment idéal à l’apprentissage de la conscience corporelle globale, du schéma corporel, notamment chez les jeunes sportifs mais pas que… En effet, il nous arrive de recevoir en cabinet des sportifs et nageurs adultes ayant peu développé leur schéma corporel. Le développement de la conscience corporelle a un lien direct avec la performance, évite les blessures ou leurs récidives et mène le sportif vers une plus grande autonomie, il est donc dommage de s’en passer.
On peut se demander où est l’intérêt de nager des kilomètres si, par exemple, nous ne savons pas où se situent nos omoplates, ou comment elles glissent sur la cage thoracique. Ou encore comment s’articule la colonne vertébrale, où se situe le bassin, base de la stabilité…
Nous aimons parler de « situ-aliser » son corps, c’est-à-dire situer et localiser.
Il existe un panel d’exercices permettant de prendre conscience de son schéma corporel global En voici 2, simples à mettre en pratique dans votre échauffement.
La reprise de la natation, après une longue interruption, n’est pas quelque chose d’anodin. Comme nous avons pu le voir, une préparation, la prévention, avant le retour au bassin restent essentielles à une reprise sereine de l’entraînement quel que soit votre niveau. Par ailleurs, un travail intelligent en bassin est tout aussi fondamental car l’amélioration de la technique et la variété des exercices contribuent également à se prémunir des blessures. Vous voilà armé pour une reprise saine et durable de votre activité.
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