Sylvothérapie : l’appel de la forêt

Sylvothérapie : l’appel de la forêt
Sylvothérapie : l’appel de la forêt

La sylvothérapie (bain de forêt) a émergé dans le public du bruit de fond New Age lors du confinement pandémique de 2020. Elle n’y retournera pas, la bascule climatique rendant nos arbres en sursis plus précieux que jamais.

Par le Dr Sophie DUMéRY, commission médicale Ffrandonnée

Cela commence au pays du Soleil-Levant ; le ministère japonais de l’Agriculture, de la Pêche et de la Forêt lance en 1982 une campagne de sensibilisation à la marche en forêt pour à la fois justifier la protection des espaces verts dans un pays très urbanisé et abaisser le stress des citadins japonais formant la très grande part de la population. La campagne Shinrin Yoku se traduit littéralement par « bain de forêt », mais la notion d’un bienfait thérapeutique de la nature est bien plus ancienne (encadré 1). La logique anthropologique le confirme.

En 2012, un livre auquel participe l’expert international du Shinrin Yoku, le Pr Qing Li (Nippon Medical School, Tokyo), rappelle que 5 millions d’années d’évolution ont fortement façonné l’espèce humaine puisqu’elle a vécu 99,9 % de son temps sur la Terre dans un environnement naturel, très éloigné du monde artificiel où nous vivons aujourd’hui1.

La rapidité avec laquelle notre environnement est devenu technique et bétonné provoque un stress adaptatif appelé « technostress » : nos cinq sens animaux déconcertés par l’urbanisation galopante sont immédiatement apaisés en milieu naturel, référence du corps et de ses besoins archaïques. De fait, depuis les années 2010, le besoin de fonder scientifiquement le ressenti physique et psychique positif des marcheurs en forêt (promenades ou randonnées) a produit une littérature assez dense qui surprend par l’ampleur des effets sanitaires mesurés. Pas de doute, la forêt est bénéfique à la santé ! Elle comporte aussi des dangers qu’il ne faut pas occulter pour mieux les éviter (encadré 2).

Les bienfaits prouvés, à remettre en contexte

Le Pr Qing Li s’est passionné pour les bienfaits du Shinrin Yoku au point d’être aujourd’hui le président de la Société internationale de la Nature et de la Médecine par les forêts (INFOM). Il a participé et participe toujours à de très nombreux travaux qui ont validé les effets de l’immersion forestière sur le système immunitaire et la prévention des maladies et des cancers. Son succès repose aussi sur l’urgence des besoins culturels et politiques (gestion des espaces urbains et ruraux) que ses travaux permettent d’étayer. Il y a maints enjeux sous le bain de forêt…

Il est dès lors un peu facile d’habiller ses convictions d’un vernis scientifique, comme l’évoquent Christian Barthod et Denis Zmirou-Navier dans la conclusion d’une publication dédiée au bain de forêt par la Société française de santé publique en commun avec la Revue forestière française2. Dans une revue de littérature publiée en 2019, des auteurs chinois ont compilé scrupuleusement les résultats du bain de forêt3. Les méthodes ne sont pas toujours impeccables mais l’ensemble va dans le même sens sanitairement positif.

Fonction cardiaque et pression artérielle

Le bain de forêt provoque une baisse de la pression artérielle, surtout systolique (chiffres du haut) mais aussi diastolique (chiffres du bas). Les résultats sont nombreux et concordent avec les effets sur des marqueurs sanguins de la pression artérielle. La variabilité de la fréquence cardiaque est aussi augmentée, ce qui prédispose à une meilleure santé cardio-vasculaire et une meilleure longévité, comme l’explique l’Académie de Médecine4.  L’adrénaline et ses multiples dérivés, ainsi que les hormones de la stimulation cérébrale sont abaissés. Le calme sanguin ! Ce qu’on espère d’une bonne méditation pas toujours facile à obtenir.

Tout aussi bénéfique pour les artères, il semble que les triglycérides sanguins soient abaissés après un bain de forêt. Les triglycérides sont le reflet de l’alimentation, ils augmentent avec sa richesse en énergie (sucres et graisses). Cela incite donc bien à marcher en forêt après un bon déjeuner dominical. Toutefois, il faut nuancer par l’impact de la simple marche lors du bain de forêt sur ce critère. L’activité physique régulière donne les mêmes résultats ! Difficile alors de distinguer ce qui revient à la forêt elle-même et à la randonnée.

Statut inflammatoire, oxydant et immunitaire

C’est un des mieux documentés, et creusés par le Pr Qing Li. La stimulation du système immunitaire ne fait plus vraiment débat. Les cellules anti-cancer sont en forme, les cellules inflammatoires en berne ainsi que les médiateurs de l’inflammation (interférons). Le système anti-oxydation en profite aussi : la glutathion peroxydase et la superoxyde dismutase s’élèvent pour mieux lutter contre le stress oxydant.

État neuropsychologique

Le ressenti du bain de forêt est extrêmement favorable, corroboré par quelques données sur l’électroencéphalogramme vigilant mais calme, et la relaxation corporelle. Les questionnaires sur l’état émotionnel ont été très explorés et donnent des résultats très satisfaisants en termes de baisse d’anxiété/tension, dépression, fatigue, colère/hostilité. La sensation de confort et de relaxation s’élève en contrepartie. Certaines publications donnent des résultats véritablement thérapeutiques contre la dépression et promoteurs de la santé mentale. L’estime et la confiance en soi sont même évaluées à la hausse, de quoi mieux affronter l’existence.

De la nuance dans l’enthousiasme

On l’a dit, marcher en forêt c’est toujours marcher : une activité en soi très bénéfique. Quelle part la forêt a-t-elle dans les bienfaits enregistrés ? Pour quels groupes de personnes en particulier ? Toutes les forêts ont-elles le même effet ? En outre, il y a quelques dangers qu’il ne faut pas occulter dans les études. Et que dire des conditions qu’on requiert habituellement en balade : extinction du Smartphone, habillement confortable, absence d’excitants et d’alcool, tous éléments qui favorisent à eux seuls la relaxation physique et psychique ? Autant de biais qui peuvent conduire à trop d’enthousiasme et à une exploitation commer­ciale aux allégations facilement abusives.

Dans la publication déjà citée de la Société française de santé publique, un article du Pr Qing Li fournit les résultats objectifs et détaillés obtenus (illustration A). Surtout, il aborde les facteurs atmosphériques qui expliquent ces effets biologiques : « Pour faire un bain de forêt, il faut se rendre en forêt dans un objectif de détente et de loisir tout en respirant des substances volatiles organiques nommées “phytoncides” comme l’a-pinène et le limonène provenant des arbres. »

Ces substances sont des huiles essentielles dégagées par les végétaux, mais pas toutes avec la même intensité. Les arbres ont leur carte d’identité en phytoncides, produits d’une chimie défensive contre les agresseurs bactériens, viraux, fongiques, et brouteurs de tout poil. Mais il est difficile à ce jour d’attribuer à ces phytoncides un ou plusieurs effets rapportés scientifiquement. Les méthodes à mettre en œuvre sont délicates et coûteuses. Si les phytoncides sont les acteurs directs des résultats biologiques, toutes les forêts se valent-elles ? Qing Li répond que ses études ont porté sur les forêts japonaises, en particulier de hêtres, de cryptomères et de Chamaecyparis et qu’il n’a pas observé de différence selon les peuplements. Mais en France, les sapinières, les pinèdes, les chênaies, etc. sont-elles aussi efficaces ?, s’interrogent C. Barthod et D. Zmirou-Navier.

La contribution récente

La pandémie de COVID-19 a marqué douloureusement le psychisme humain et favorisé une ruée dans la nature dont le chercheur Michel Le Van Quyen rappelle qu’elle est extrêmement domestiquée, donc rassurante et tranquillisante. Son livre grand public mais très documenté fait le tour du besoin que nous avons de la beauté du monde5. Les conclusions poussent clairement à la randonnée forestière, ou simplement de pleine nature. La stimulation des cinq sens y tient une grande place ; le cerveau redynamise  ainsi des circuits neuronaux en déshérence pour cause d’immobilité et d’horizon étroit, dans une population scotchée devant ses écrans de gré ou de force. Pour explorer plus avant ce sujet passionnant on peut aussi se référer au « Que sais-je ? » La Sylvothérapie publié en 2021 par Alix Cosquer, plus abordable pour le béotien que les articles académiques. 


Mère Nature – Mère Santé, dans les forêts

« L’influence de la nature sur la santé est historiquement au cœur de nombreuses réflexions qui dépassent les seuls enjeux médicaux, ou plutôt qui les mettent au service d’une vision plus globale des usages de la nature par les sociétés humaines. » Christian Barthod et Patrick Fournier commencent ainsi leur article très documenté sur le virage environnemental amorcé au XVIIIe siècle dans le monde occidental.

La nécessité de protéger, conserver, exploiter utilement les forêts se fonde sur les conceptions économiques et morales d’un courant de pensée très influent, la physiocratie, expliquent les deux auteurs. La richesse et la prospérité des nations reposent sur les activités rurales, agricoles et forestières. Cette conception physiocratique est confortée par la médecine de l’époque massivement hippocratique, qui relie les maladies humaines ou animales à l’état de l’air, des eaux et des sols  : en conséquence, la déforestation cause forcément un changement climatique nuisible aux équilibres naturels, source de la santé.

En France métropolitaine, la politique forestière de l’Ancien Régime se voit ainsi assortie de préoccupations sanitaires. « Les années 1820 et 1830 constituent un tournant avec la création de l’École forestière de Nancy en 1824 et la promulgation du code forestier le 1er août 1827 », précisent Barthod & Fournier. Lors des débats sur l’opportunité des déboisements qui agitent l’Assemblée nationale sous
la monarchie de Juillet, le mobile central de l’opposition à cette pratique réside dans la modification du climat, les enjeux liés aux dessèchements des lacs et des marais grâce à la forêt, empêchant le développement des « fièvres intermittentes » dues au paludisme autochtone.

La forêt préserve aussi la qualité des eaux de source et limite les « miasmes » et gaz délétères grâce à l’absorption par le feuillage des arbres. Cette vision est déjà « enseignée comme une vulgate aux propriétaires ruraux, aux officiers militaires et aux forestiers ». Rien de vraiment neuf sous le soleil…

Source : Christian Barthod, Patrick Fournier. Forêts et santé : discours et pratiques
du XVIIIe au XXIe siècle. Revue forestière française, 2018, 70 (2-3-4), pp.113-123.

Références

  1. 1 – Nature Therapy and Preventive Medicine. Juyoung Lee, Qing Li et coll. Chapitre 16 in Public Health – Social and Behavioral Health. Sous la direction de Pr Jay Maddock,  Éditions INTECH, mai 2012.
  2. « Forêts, espaces verts, biodiversité et santé publique : une recherche qu’il faut continuer à nourrir pour éclairer les politiques publiques. » Christian Barthod et Denis Zmirou-Navier. S.F.S.P. « Santé Publique » 2019, vol. 31, Hors Série S1.
  3. Medical empirical research on forest bathing (Shinrin-yoku): a systematic review. Ye Wen, Qi Yan, Yangliu Pan et coll. Environmental Health and Preventive Medicine 2019;24:70.
  4. Variabilité de la fréquence cardiaque : un marqueur de risque cardiométabolique en santé publique. Académie de Médecine, Bull. Acad. Natle Méd 2013 ; 197(1) :175-186. https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2014/02/pages-175-186.pdf
  5. Cerveau et nature. Michel Le Van Quyen. Éditions Flammarion, 2022.

Une confrontation pas idyllique !

Avec le stress thermique (canicule/chaleur) et hydrique (sécheresse) lié au changement climatique, les plantes de toutes natures augmentent leur production de graines pour mieux se reproduire avant de mourir. Ce sont autant d’allergènes largués plus vite et plus densément dans l’atmosphère, ce qui ne fait pas l’affaire des allergiques. Si c’est votre cas, soyez très prudents en pic pollinique, jusqu’à l’abstention de sortie si nécessaire. Suivez bien votre traitement de fond, augmentez-le en prévision selon les conseils de votre médecin. Ayez toujours sur vous le traitement d’une crise allergique (pulvérisateurs et injecteurs). La première crise sonne le repli à l’intérieur  ; inutile de persévérer  : qui a « crisé » « crisera » de nouveau tant que les circonstances seront identiques.

Les tiques sont une menace sanitaire prégnante. La hausse des températures a des effets ambivalents sur cet insecte vecteur de nombreux virus (encéphalite à tiques) et bactéries (borréliose de Lyme mais pas seulement). L’activité des tiques est stimulée par la chaleur mais la sécheresse la restreint. Leur population est alors nombreuse mais plus proche du sol humide, surtout les larves, très petites et fragiles.

Le tire-tique (petit et moyen modèles) est donc l’outil indispensable du randonneur avec une inspection journalière en fin de sortie pour extirper les intruses (dans les 12 heures pour éviter les contaminations). La douche est le moment privilégié pour sentir à la palpation une petite boule inopinée qui n’est pas vraiment visible à l’œil. Reste à espérer que le concours d’une seconde personne ne sera pas nécessaire ! Les tiques aiment la chaleur et l’humidité des plis  : arrière des oreilles pour les enfants, aisselles, creux des genoux, raie des fesses… Lieux qui n’incitent pas tous à l’exhibition.

Déclarez vos tiques avec l’appli de science participative Citique (App Store, Google Store). Toutes les informations sur la déclaration de piqûre, le suivi clinique et l’envoi de la tique en laboratoire sur le site : https://www.citique.fr/