Ski Santé: le ski dans la prévention santé

Ski santé: le ski en prévention santé
Ski santé: le ski en prévention santé

Concernant l’évolution des activités physiques quotidiennes en France, une étude dirigée par Jean-François Toussaint de l’IRMES (2016) a mis en avant qu’au cours des deux derniers siècles, la quantité d’activité physique a été divisée par dix mais à l’opposé, le volume d’entraînement de l’élite sportive a décuplé depuis le début du XXe siècle. Le sport devient un média culturel pour se dépasser, mais l’évolution des comportements tend à diminuer la dépense énergétique.

Par Nicolas Coulmy, docteur en sciences, directeur du département sportif et scientifique de la FFS

Compétition et santé

L’évolution des motivations et des modes de pratique sportive a fait la part belle à la compétition de haut niveau au détriment parfois d’une activité de pratique axée sur la santé. Dans ce contexte sociologique, la Fédération Française de Ski (FFS), qui a su développer une très forte pratique de compétition en étant reconnue pour les performances de ses athlètes à l’international, met désormais également en avant les atouts de la pratique de la glisse sur neige dans une optique de bien-être et de santé.

En effet, les disciplines de glisse sur neige se pratiquent dans un environnement de pleine nature, source de bien-être, de détente et de découverte. La glisse sur neige fait référence à de multiples disciplines sportives (ski de fond, biathlon, randonnée à ski, ski alpin, télémark, snowboard, freestyle, ski à roulettes, etc.) dont chacune a des particularités propices à la prévention de la santé.

Le ski comme facteur de santé : que disent les études scientifiques ?

Dans la littérature scientifique, les effets positifs de la pratique du ski sur la santé sont assez bien étayés, même si le potentiel d’exploration reste encore important du fait de la multitude des situations sportives possibles dans le domaine de la glisse sur neige.

Le ski alpin est l’un des sports d’hiver les plus populaires au monde. Plus de 2 000 stations de ski alpin sont réparties dans 67 pays, avec environ 400 millions de journées de ski par an (Vanat, 2018). Alors que la majorité des études scientifiques a porté sur le risque de blessure en ski alpin (Hagel, 2005 ; Burtscher et Ponchia, 2010), des études récentes portant sur les aspects sanitaires sont maintenant plus nombreuses (Burtscher et al., 2019).

Parmi les millions de personnes qui pratiquent le ski alpin pendant la saison hivernale et malgré le réchauffement de la planète (sic), le ski alpin fait partie des activités physiques pratiquées avec une certaine régularité. Le ski alpin peut contribuer à atteindre les recommandations minimales d’activité physique telles que proposées par Thornton (2016) soit 150 min d’activité modérée ou 75 min d’activité vigoureuse par semaine.

L’activité physique contre la mortalité

Il est maintenant admis que l’activité physique régulière détermine le niveau individuel de capacité qui à son tour est inversement lié à la mortalité. Ainsi, le risque de mortalité prématurée est inférieur d’environ 50 % chez les sujets ayant une capacité d’exercice de 7 à 10 équivalents métaboliques (MET ; 1 MET = 3,5 ml O2/min/kg) par rapport à ceux qui n’atteignent pas cinq MET (Kokkinos et al., 2008). Le niveau de performance cardio-respiratoire est même un prédicteur de mortalité plus important que les facteurs de risque cardio-vasculaire, tels ceux bien établis comme la dyslipidémie, l’hypertension systémique, le diabète ou le tabagisme (Kokkinos, 2008, Myers et al., 2002).

Au cours des dernières années, différentes campagnes ont été déployées pour prévenir les décès traumatiques tant chez les skieurs de compétition que chez le skieur loisir, par exemple en changeant le profil des skis de compétition pour diminuer la vitesse, en recommandant le port d’un casque en pratique loisir ou de gilets airbag qui se déclenchent lors de situations à risque.

Toutefois, des évaluations récentes faites sur des bases de données autrichiennes et françaises ont révélé que plus de la moitié de tous les décès sont d’origine non traumatique, les événements cardiaques étant la principale cause de décès (Faulhaber et al. 2007, Viglino et al. 2017).

>> Lire notre article sur la pratique du ski et la commotion cérébrale

Par conséquent, la prévention des accidents non traumatiques comme l’infarctus du myocarde ou la mort cardiaque subite est justifiée dans cette pratique sportive. Le ski alpin est une activité récréative qui développe les qualités aérobies du pratiquant et permet de prévenir les risques de maladies cardio-vasculaires.

Des pratiquants de ski, sédentaires le reste de l’année: des sujets à risque

Cependant, de nombreuses personnes pratiquent cette activité en ayant le reste de l’année un mode de vie sédentaire. La combinaison de l’hypoxie relative liée à l’altitude, du froid et de l’effort physique sous-maximal chez les pratiquants loisir souvent non entraînés et atteints de maladies
cardio-vasculaires non détectées, entraîne une activation inhabituelle du système nerveux sympathique avec des augmentations brusques du rythme cardiaque, de la tension artérielle et donc un stress hémodynamique et une demande en oxygène du muscle cardiaque.

Cela peut entraîner la rupture des plaques d’athérosclérose et, par conséquent, des événements cardio-vasculaires indésirables. La prévention primaire et secondaire prend ici toute son importance, en faisant l’objet d’une pratique adaptée et d’un dépistage approprié avant de commencer ou de reprendre le ski alpin.

Si l’environnement de pratique peut être un facteur de risque pour le pratiquant atteint d’une pathologie non détectée, des expositions contrôlées et intermittentes à des stress d’altitude (hypoxie) ou de froid peuvent néanmoins provoquer des adaptations et avoir ainsi des effets bénéfiques (Burtscher et Ruedl, 2015 ; Burtscher et al., 2018).

Une revue de littérature scientifique récente (Burtscher et al., 2019) montre que le ski alpin, surtout lorsqu’il est pratiqué régulièrement, peut contribuer à un maintien de la santé chez les seniors en étant associé à un mode de vie plus sain avec des niveaux plus élevés d’activité physique. Un cycle de pratique du ski de quelques semaines permettra ainsi de diminuer les triglycérides sériques et d’augmenter le cholestérol HDL diminuant ainsi le risque de formation de plaques d’athérome dans les vaisseaux sanguins. Encore faut-il éviter la tartiflette quotidienne !!

 Il permet également de diminuer la résistance à l’insuline qui engendre une moins bonne captation du sucre au niveau des cellules (Aigner et al. 2014).

Le ski santé: une stimulation musculaire intense avec une charge cardio-vasculaire légère

Le fonctionnement excentrique du muscle en ski alpin ou en télémark (le muscle absorbe la charge de la gravité et les vibrations) est particulièrement bénéfique pour le maintien d’un bon contrôle moteur et il est notamment bien adapté aux personnes âgées pour deux raisons majeures : il demande une stimulation musculaire relativement intense sans forcément imposer de charge élevée au système cardio-vasculaire si la pratique est en altitude moyenne et avec une fréquence de virage faible ; il exige des participants des capacités de coordination élevées. Le ski alpin est donc intéressant pour garder une autonomie le plus longtemps possible en permettant le développement et la conservation des capacités de gestion de déséquilibre. Le ski est au service du quotidien.

Outre les adaptations des systèmes de contrôle cardio-respiratoire, musculo-squelettique et posturaux, plusieurs autres mécanismes suggèrent des effets favorables sur le bien-être de par les adaptations aux effets émotionnels et sociaux des loisirs de plein air (Muller et al. 2011) et ce, quel que soit l’âge.

La glisse: des activités variées pour tous les goûts

Il est à noter que si les références citées jusqu’alors concernent souvent le ski alpin, la pratique des autres disciplines du ski comme le ski de fond, le télémark, la randonnée alpine ou nordique, le snowboard, le freestyle permettra de moduler à souhait la stimulation de manière variée et surtout adaptée au public encadré. Ces disciplines permettent, dans une situation commune de glisse, de faire varier l’altitude, le type de préparation de neige, la participation du bas du corps et du haut du corps, la vitesse, le niveau d’immersion dans la nature, le degré de contrainte cardiovasculaire et musculaire, le niveau d’émotion, etc.

Le ski de fond: un sport « stimulant »

Un grand nombre d’études ont d’ailleurs montré l’intérêt notable de la pratique du ski de fond comme facteur de développement et de maintien des capacités cardio-vasculaires et de baisse de taux de mortalité (Laukkanen et al. 2017). Comparativement aux activités aérobies courantes, comme la marche, la course à pied et le vélo, le ski de fond stimule davantage le métabolisme des systèmes cardio-vasculaire et respiratoire.

Tout comme ces autres activités sportives intenses, le ski de fond peut réduire le risque d’infarctus du myocarde par de multiples voies et notamment : l’amélioration des facteurs de risque cardio-vasculaire, en particuler le poids corporel, la tension artérielle, la tolérance au glucose et le profil lipidique ; et b) les effets anti-inflammatoires de la pratique. Le volume total annuel de pratique du ski de fond représente un déterminant important des bienfaits pour la santé. Une intensité, une fréquence et une durée appropriées sont essentielles pour tirer le meilleur parti de la discipline (Setor et al. 2019).

Un encadrement professionnel formé au ski santé

Exercices lors d’une séance de Ski de Fond pour séniors
Exercices lors d’une séance de Ski de Fond pour séniors

Un encadrement formé devient essentiel pour pouvoir bénéficier de ces disciplines de glisse sur neige.

La Fédération Française de Ski implique ses clubs aux problématiques de santé publique et développe leur capacité à agir, par la proposition d’activités variées, sur les habitudes de vie, le bien-être et la santé de la population. Plusieurs actions de prévention sont mises en place au sein de la FFS. Celle-ci peut s’orienter selon plusieurs objectifs :

  • empêcher l’apparition de la blessure, de l’accident, de la maladie, du mal-être, de troubles psychologiques, sensibiliser l’individu avant qu’il n’adopte des comportements auto-dommageables (prévention primaire) ;
  • détecter précocement pour réduire la prévalence et la gravité des maladies, des accidents, des troubles psychologiques (prévention secondaire) ;
  • réduire les conséquences sur la santé d’une pathologie, d’un trouble psychologique ou d’un accident par une pratique orientée d’une ou plusieurs disciplines de glisse sur neige (prévention tertiaire).

Un comité sport-santé à la FFS

Dans ce cadre, la Fédération Française de Ski a initié dès 2014 un comité sport-santé composé du Département sportif et scientifique de la fédération, d’experts du monde médical et de clubs de la fédération. 

Ce comité sport-santé a mené une année d’expérimentation en 2015 avec une quinzaine de clubs, afin de permettre d’identifier les besoins des profils de publics cibles et de faire le lien entre nos activités et la santé pour apporter des réponses adaptées.

Cette expérimentation a permis de créer le dispositif sport-santé appelé « Ski Forme ». Ce dispositif s’appuie sur la conception de contenus dénommés « Parcours Ski Forme » permettant d’évaluer les pratiquants sur des capacités physiques fondamentales au travers de tests ludiques et spécifiques, mais aussi sur la création d’un cursus de formation diplômante: « coach Ski Forme » qui développe les compétences d’accompagnement dans le domaine du sport-santé.

Des parcours ski-forme ouverts à tous

Ses parcours, ouverts à tous (âge et niveaux), s’appuient sur :

  • une approche ludique et coopérative des sports d’hiver ;
  • une complémentarité des glisses fondée sur la recherche de nouvelles sensations et d’efforts adaptés ;
  • la découverte de nouvelles disciplines, sur la neige et en dehors (pratique sportive spécifique toute l’année) ;
  •  l’introduction des bonnes pratiques au service de la santé et de sa prévention : échauffement, étirements, préparation physique… ;
  • des contenus privilégiant la convivialité toute l’année.

Les parcours proposent également d’évaluer les capacités des pratiquants et leur progression grâce à 5 tests « Ski Forme » sur une application smartphone dédiée (voir chapitre sur l’évaluation).

Une journée nationale Ski-Forme

La fédération a également initié une « journée nationale Ski Forme », dans le cadre de la semaine « Sentez-vous Sport » pour faire connaitre et valoriser ce dispositif.

Le cursus de formation « sport-santé » de la fédération, et plus particulièrement le « COACH SKI FORME », vient d’être reconnu par arrêté ministériel du 08/11/2018, paru au JO, relatif à la liste des certifications fédérales autorisant la dispensation d’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée.

Cette reconnaissance permet au titulaire du diplôme de faire de la prévention primaire, mais aussi d’encadrer des patients atteints d’une affection de longue durée sans aucune limitation physique ou souffrant de limitation minime .

Les coachs « Ski Forme » ont ainsi la possibilité de se former dans cinq spécialisations : diabète, obésité, maladie cardio-vasculaire, cancer, troubles psychologiques.

Pour l’encadrant « coach Ski Forme », deux types d’actions sont possibles dans ses interventions par les activités liées à la glisse sur neige (activités de préparation hors neige comprises) :

  • actions directes et à court terme sur les déterminants physiques, psychologiques et sociaux du bien-être,
  • actions indirectes et à moyen/long terme,
  • action sur les habitudes de vie corporelle,
  • un mode de vie physiquement actif,
  • le goût de la pratique physique,
  • l’éducation à la santé.

Nous l’avons vu, l’activité Ski Forme/sport-santé doit être adaptée à chacun, en prenant compte l’état de santé de chaque individu. Certaines disciplines nécessitent également des précautions particulières. Les documents et les formations développés par la FFS peuvent ainsi contribuer à optimiser une pratique variée et motivante.

Références bibliographiques

  • Aigner Elmar, David Niederseer, Wolfgang Patsch, Christian Datz, Erich Müller and  Josef Niedbauer (2014) Alpine Skiing Improves Copper Imbalance in Untrained Middle-aged Subjects: a Randomized Controlled Trial/ /Exp Clin Cardiol Vol 20 Issue1 pages 428-438
  • Burtscher M, Federolf PA, Nachbauer W and Kopp M (2019) Potential Health Benefits From Downhill Skiing. Front. Physiol. 9:1924
  • Burtscher, M., and Ponchia, A. (2010). The risk of cardiovascular events during leisure time activities at altitude. Prog. Cardiovasc. Dis. 52, 507–511.
  • Burtscher, M., and Ruedl, G. (2015). Favourable changes of the risk-benefit ratio in alpine skiing. Int. J. Environ. Res. Public Health 12, 6092–6097
  • Burtscher, M., Gatterer, H., Burtscher, J., and Mairbäurl, H. (2018). Extreme terrestrial environments: life in thermal stress and hypoxia. a narrative review. Front. Physiol. 9:572.
  • Faulhaber M, Flatz M, Gatterer H et al. (2007) Prevalence of cardiovascular diseases among alpine skiers and hikers in the Austrian Alps. High Alt Med Biol; 8(3):245–252.
  • Hagel, B. (2005). Skiing and snowboarding injuries. Med. Sport Sci. 48, 74–119.
  • Kokkinos, P. (2008). Physical activity and cardiovascular disease prevention: current recommendations. Angiology 59, 26S–9S.

MédicoSport santé :

  • Myers, J., Prakash, M., Froelicher, V., Do, D., Partington, S., Atwood, J., et al. (2002). Exercise capacity and mortality among men referred for exercise testing. N. Engl. J. Med. 346, 793–801.
  • Thornton, J. S., Frémont, P., Khan, K., Poirier, P., Fowles, J., Wells, G. D., et al. (2016). Physical activity prescription: a critical opportunity to address a modifiable risk factor for the prevention and management of chronic disease: a position statement by the Canadian Academy of Sport and Exercise Medicine. Br. J. Sports Med. 50, 1109–1114.
  • V.A. Rossi, C. Schmied, J. Niebauer, et al.. (2019) Cardiovascular effects and risks of recreational alpine skiing in the elderly. J Sci Med Sport
  • Vanat, L. (2018). 2018 International Report on Snow and Mountain Tourism. Available online at: http://vanat.ch/RM-world-report-2018.pdf
  • Laukkanen JA, Laukkanen T, Kunutsor SK. Cross-country skiing is associated with lower all-cause mortality: A population-based follow-up study. Scand J Med Sci Sports. 2017;00: 1–9.
  • Setor K. Kunutsor, Timo H. Mäkikallio, Jussi Kauhanen, Ari Voutilainen, Sae Y. Jae, Sudhir Kurl and Jari A. Laukkanen, (2019) Leisure-time cross-country skiing is associated with lower incidence of hypertension, Journal of Hypertension, 10.1097/HJH.0000000000002110, 37, 8, (1624-1632)

© Jean-Michel hytte