Quels renforcements pour quel type de golfeur?

Quels renforcements pour quel type de golfeur
Quels renforcements pour quel type de golfeur

Nous avons tous en tête la transformation physique opérée par Bryson DeChambeau sur l’année 2019. Que l’on aime ou que l’on déteste, il n’a laissé personne indifférent : des admirateurs face à la taille de son tour de bras aux détracteurs de son swing si peu esthétique… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a mis les bouchées double dans la salle de musculation et su clairement prendre le virage opéré dans le golf depuis ces dix dernières années, avec la préparation physique comme élément prépondérant de la performance golfique. Il a été établi un lien proportionnel clair entre la distance au drive et le prize money engrangé par un joueur dans le monde professionnel. Cependant, tout le monde ne joue pas au golf en professionnel. Il y aurait plus de 60 millions de golfeurs dans le monde qui s’adonneraient à leur loisir sur environ 32 000 parcours à travers le globe. Un bien large public dans lequel, pour certains, la préparation physique demeure la dernière des préoccupations. Ont-ils tort ou raison ? Nous allons essayer d’apporter quelques éléments de réponse à travers cet article.

Par Khélil Baba-Aïssa, kinésithérapeute FFGOLF

Qu’est-ce que la préparation physique ?

La préparation physique (PP) désigne une activité par laquelle un sportif, professionnel ou amateur, développe des qualités athlétiques (force, vitesse, mobilité, endurance…) dans le but d’améliorer ses performances ou de limiter les blessures inhérentes au sport pratiqué. À chacune des qualités athlétiques que le sportif vise à développer correspond une ou plusieurs activités en particulier. Par exemple, pour développer des qualités aérobies, il sera judicieux de réaliser des activités en endurance dites de « cardio », qui mettront en action préférentiellement le système cardio-pulmonaire, et ainsi favoriseront une surcompensation (ou amélioration) de ce système. Un autre exemple serait de décrire comment, en musculation, il est possible de réaliser des mouvements avec des poids afin de stimuler le système musculo-squelettique dans le but de créer, cette fois-ci, une surcompensation en force. À vrai dire, il existe un éventail infini d’activité en PP, avec des vertus différentes ou similaires, plus ou moins ludiques, à l’extérieur ou à l’intérieur, plutôt globales ou très spécifiques au sport pratiqué… Bref, il est impossible d’être exhaustif à ce sujet. C’est pourquoi nous avons choisi de traiter un des aspects les plus connus de la préparation physique : le renforcement musculaire (RM).

Ce qu’il faut savoir sur le renforcement musculaire

Le renforcement musculaire peut être pratiqué selon plusieurs méthodes afin de viser une des 4 qualités de base du muscle : force, vitesse, endurance et extensibilité. En fonction des objectifs du sujet, il faudra adopter le bon programme, c’est-à-dire les bonnes charges (poids), avec le bon nombre de répétitions, pendant la bonne durée, sur le bon groupe musculaire lors du bon mouvement. Eh oui, mieux vaut être bien entouré.

Les 4 qualités de base du muscle

Ces 4 qualités, citées ci-dessus, mettent en jeu à chaque fois un type de fibre particulier à l’intérieur du muscle. En effet, le muscle est constitué de fibres différentes qui possèdent des qualités de contraction qui leur sont propres : les fibres de type I dites « lentes » sont plutôt endurantes avec une vitesse de contraction lente ; les fibres de type II dites « rapides » sont peu endurantes mais avec une vitesse de contraction élevée. Il existe d’autres types de fibres dont le rôle est surtout voué à l’adaptation du muscle et à sa réparation.

La force : C’est la faculté du muscle à soulever une charge la plus lourde possible. Généralement, la force se produit à une vitesse lente. Il faut que le système ostéoligamentaire ait lui aussi une solidité assez importante afin de pouvoir s’adonner à ce genre de travail. Elle est l’apanage des fibres rapides dites « de type II ».

La vitesse : C’est la faculté du muscle à déplacer une charge sur une distance dans le temps le plus court possible. Généralement, plus la charge est légère et plus le déplacement se fera de manière rapide. Elle concerne plutôt les fibres de type II.

L’endurance : C’est la faculté du muscle à reproduire un effort dans le temps de manière répétée le plus de fois possible. Elle met en jeu surtout les fibres de type I.

L’extensibilité : C’est la faculté du muscle à s’étirer, s’étendre puis à reprendre sa forme initiale. Elle met en jeu les fibres musculaires mais aussi (et surtout) les tendons, l’aponévrose musculaire (enveloppe du muscle) et le tissu conjonctif du muscle (muscle qui comble l’espace entre les fibres musculaires).

Comment fonctionne le renforcement musculaire ?

Dans son ouvrage très complet sur le renforcement musculaire, Brad Schoenfeld décrit avec précision les mécanismes de l’adaptation musculaire à l’exercice ou renforcement. Ce qu’il faut retenir de ce mécanisme, c’est qu’un muscle pour s’adapter (donc se renforcer ou se développer) doit obligatoirement subir un « stress », c’est-à-dire une contrainte. Cette contrainte peut être de plusieurs types : une tension mécanique, un stress métabolique ou une lésion musculaire. Un dernier mécanisme réside, non pas dans l’adaptation du muscle par sa taille mais dans l’utilisation de la commande par le nerf : l’adaptation neuromotrice.

La tension mécanique

Lorsque l’on applique une charge mécanique sur un muscle (en soulevant un poids par exemple), les capteurs situés dans le muscle détectent la mise en tension sur le muscle et déclenchent une cascade à l’intérieur de la cellule musculaire pour mettre en route une production de fibres musculaires supplémentaire. Cet accroissement du nombre de cellules augmente la taille du muscle et donc ses capacités.

Le stress métabolique

Pour comprendre le stress métabolique, il faut comprendre le mécanisme de la contraction musculaire. Lors d’une contraction, la cellule musculaire casse une molécule contenant de l’énergie, qu’elle extrait afin de pouvoir transformer cette énergie chimique en énergie mécanique à l’origine du mouvement. Le résultat de cette opération produit des déchets appelés « métabolites ». L’accumulation de ces derniers dans le muscle entraîne une réaction en chaîne qui active la construction de masse musculaire supplémentaire.

La lésion musculaire

La lésion musculaire induite par l’exercice est un phénomène normal lorsque nous réalisons un exercice d’intensité importante ou lorsque nous ne sommes pas habitués à un type d’exercice. L’importance de cette lésion dépend de la fréquence et de l’intensité de l’activité exercée. Lors de l’apparition de ces lésions (qui s’exprime généralement par la sensation de courbatures), le corps enclenche un mécanisme de réparation du muscle mais pas complètement à l’identique. Le message est clair pour le muscle : celui-ci était clairement trop faible pour faire face à l’activité proposée et doit devenir plus solide afin d’être capable de gérer ce genre de charge si elle venait à se représenter.

L’adaptation neuromotrice

Lorsque l’on demande à un muscle de se contracter, le cerveau envoie une commande à ce dernier par l’intermédiaire d’un nerf. Celui-ci qui est connecté au muscle transmet l’information. Il est important de savoir que la connexion entre le muscle et le nerf ainsi que la manière dont le nerf transmet l’information au muscle revêtent une importance. Cette connexion conditionnera l’efficacité de recrutement des fibres en nombre mais aussi en fréquence de contraction. C’est-à-dire que l’on peut entraîner le nerf à déclencher un plus grand nombre de fibres musculaires par contraction, mais aussi on à effectuer plus de contractions de fibres en une seconde, avec une meilleure synchronisation de l’effort. Cela tend à augmenter l’efficacité du muscle. Cette adaptation neuromotrice est la première responsable des progrès que fait un muscle en termes d’efficacité lors d’un entraînement. Elle peut s’exprimer dès les premiers jours d’un programme d’entraînement.

Quel intérêt ai-je à faire du renforcement dans ma pratique du golf ?

Soyons clair tout de suite : tous les golfeurs ont un intérêt à faire du renforcement pour améliorer leur pratique !! Le renforcement n’est pas l’apanage des professionnels du PGA ou de L’European Tour. Et quels que soient votre niveau, votre âge, vos objectifs, vous tirerez un grand bénéfice à inclure dans votre pratique un programme de renforcement musculaire.

Renforcement musculaire et performance

Dans une revue de littérature scientifique très sérieuse parue récemment (Alex Ehlert, Journal of Sports Sciences, 2020), des scientifiques ont analysé la relation entre la préparation physique (les protocoles sont multiples mais la plupart comportent une majeure partie de renforcement musculaire) et de potentiels gains dans le jeu de golf. Leur étude rapporte qu’un joueur de bon niveau peut augmenter sa distance totale au drive de près de 11 % en effectuant un programme de PP.

Ce phénomène s’expliquerait par le fait que le renforcement permettrait d’augmenter la variable de vitesse de tête de club et par conséquent la vitesse de balle et donc la distance totale au drive. Plusieurs explications sont données dans la littérature pour expliquer ce phénomène : meilleur recrutement neuro-musculaire ; amélioration de la flexibilité et du facteur X ; augmentation de la force ; augmentation de la masse maigre donnant une plus grande inertie lors du swing ; amélioration de la coordination des membres inférieurs, du tronc et des membres supérieurs ; meilleur transfert de poids dans la latéralité…

Renforcement musculaire et prévention des blessures

Bien entendu lorsque l’on parle de sport, on pense au plaisir et au bien-être que cela procure mais on pense aussi aux pépins physiques que cela engendre. Avant de voir comment on peut les prévenir, essayons d’étudier les blessures liées à la pratique du golf. Une revue de littérature (représentant un niveau de preuve scientifique de bonne qualité) datant de 2006 a étudié les blessures survenant chez les golfeurs. On note que les localisations et le nombre de blessures diffèrent selon le niveau de golf. En effet, les blessures sont plus fréquentes à mesure que le niveau de golf augmente. Ce qui paraît logique car la pratique est plus intensive et donc l’exposition aux blessures plus importante. Le professionnel a aussi plus de chances d’aggraver ses blessures car il ne s’arrête généralement pas lorsqu’il est blessé. En ce qui concerne les localisations, elles diffèrent selon le niveau et le sexe mais sur la globalité des données étudiées, la localisation principale pour les blessures reste les lombaires.

Depuis plusieurs années, les travaux de Tim Gabbett (un kinésithérapeute australien) ont prouvé que la blessure avait plus de chances de survenir lorsqu’il y avait création d’un gros décalage entre les habitudes d’entraînement et les contraintes lors des compétitions. Pour résumer : les blessures arrivent quond on en fait trop, trop vite, alors que l’on n’en avait pas fait assez pendant trop longtemps. En d’autres termes, si vous voulez éviter un maximum de blessures, il faudra habituer votre corps à emmagasiner des contraintes mécaniques de manière régulière et à une bonne intensité. Ainsi, tous les tissus tels que les os, les ligaments, les muscles, les disques intervertébraux et le cartilage vont s’adapter car ce sont des tissus qui « aiment » la contrainte mécanique. En effet, toutes les structures citées auparavant ont besoin d’être mis sous stress pour se solidifier ! C’est pourquoi il sera très intéressant de se mettre au renforcement de manière intelligente pour ne pas avoir à déplorer de blessures.

Quel renforcement pour les 20-45 ans ?

À cet âge, les bases techniques de la musculation sont normalement posées et il faut à partir de là augmenter ses capacités (ou les maintenir). Si toutefois vous commencez la musculation (ou que vous n’avez pas fait de renforcement depuis un moment), il est bon de passer par une période de réadaptation tant sur le plan technique que sur le plan tissulaire afin d’éviter de déclencher une blessure directement en début de programme. Cette adaptation se fera sur une période de renforcement doux (environ 50 % de la résistance maximale théorique possible ou 1RM) sur une durée de 15 jours à raison de 3 fois au minimum par semaine en plus des entraînements de golf et des parties. Les mouvements à effectuer seront les mêmes que dans les parties suivantes avec un nombre de répéritions de 2 x 10 répétitions sur chaque mouvement avec une vitesse modérée à lente. Nous conseillons pendant cette phase de réaliser un renforcement global de tout le corps (train supérieur, inférieur et tronc).

Une base commune pour tous les sports : l’haltérophilie

Lorsque l’on parle de préparation physique, quels que soient la discipline, le pays, le niveau de performance, vient à l’esprit un incontournable : l’haltérophilie. Ce nom peut faire peur. En effet, nous imaginons aussitôt un colosse en combinaison moulante éructant pour soulever une barre bardée de poids. Il ne s’agit pas dans le cas du renforcement musculaire appliqué au golf d’atteindre un tel niveau de contrainte, qui serait bien entendu délétère, mais bien de s’inspirer de ces mouvements de base aux vertus plus qu’intéressantes dans le développement des qualités athlétiques nécessaires au golf.

Renforcement et golf : les exercices spécifiques

Comme pour chaque discipline, le golf présente des spécificités qui doivent être prises en compte dans la construction d’un programme de renforcement. Les blessures liées à la pratique du golf ainsi que les qualités nécessaires à cette pratique doivent être analysées. Dans un article datant de 2019, W.B. Sheehan et al. reprennent un à un les éléments physiques déterminants dans la performance du swing de golf.

Ce qu’il faut en retenir :

  • la force maximale n’est pas un élément à rechercher de manière systématique et la puissance (produit de la force et de la vitesse) est un élément bien plus pertinent à travailler ;
  • le gain en masse musculaire a pour effet pervers de limiter les amplitudes articulaires ; cependant, les bénéfices apportés par le renforcement musculaire sembleraient combler ce déficit ;
  • pour le train inférieur, les programmes de renforcement, d’équilibre et de puissance sont synonymes d’augmentation de CHS et donc de Carry Distance ;
  • pour le train supérieur, le renforcement (en particulier du grand pectoral, des biceps brachiaux et du triceps brachial) a été associé à une augmentation de la vitesse de tête de club ;
  • l’amélioration du gainage abdominal est important non seulement sur les coups à longue distance, mais aussi sur les coups autour des greens (meilleurs contrôles de la rotation) ;
  • il est important de réaliser des exercices de renforcement spécifiques au golf pour améliorer ses performances, compte tenu des exigences de mouvement de swing ;
  • 1 session de renforcement par semaine ne montre pas de grand intérêt. 2 ou 3 séances montrent une bonne efficacité.