Le vélo ne suffit pas!

Le vélo ne suffit pas!
Le vélo ne suffit pas!

Pédaler, c’est formidable pour la santé ! Le cœur travaille tout en ménageant l’appareil locomoteur. Mais la médaille a son revers ! Cette sollicitation spécifique dans une position assise et fléchie ne prépare pas le corps à assumer les contraintes du quotidien. Alors, complétez votre entraînement !  

En cyclisme, vos jambes ne portent pas votre poids. Elles poussent la résistance imposée par les pédales et votre buste est posé sur la selle. De surcroît, vos membres inférieurs ne subissent aucun impact. Conséquences : votre squelette se déconditionne et vos os ne se renforcent pas. Une étude menée chez les cyclistes professionnels met en évidence que 50 % d’entre eux ont une densité osseuse inférieure à celle d’un sédentaire. À force de pédaler 5 heures par jour en apesanteur, ils sont presque victimes du « syndrome de Thomas PESQUET » après 6 mois dans la station orbitale…

Le footing est indispensable !

En quantité raisonnable, les chocs endurés par le squelette à chaque foulée sont bénéfiques. Les fissures microscopiques se réparent plus solidement qu’auparavant comme les courbatures favorisent la prise de masse musculaire. C’est le fameux rythme « décompensation/surcompensation » indissociable du concept de progression sportive. Bien sûr, les excès provoquent l’aggravation des microlésions osseuses et mènent à la fracture de fatigue ! Mais les conseils du jour ne glisseront pas dans cet écueil. De plus, en courant, le muscle assure un freinage inhérent à la réception de vos pieds.

UN FOOTING HEBDO POUR LA SOLIDITÉ DES OS

Les fibres contractiles tirent dans un sens alors que le sac musculaire part en direction opposée, emmené par les articulations qui se fléchissent. On parle de contractions
« excentriques ». Ces contraintes mécaniques renforcent les membranes des muscles et leur apprennent à restituer l’énergie élastique. Rien de cela à vélo puisque le membre inférieur se contente de pousser ! il s’agit d’un travail exclusivement
« concentrique ». Les muscles volumineux des cyclistes sont plus fragiles et rapidement perclus de courbatures après un footing inhabituel… ou même une randonnée familiale qui se termine par une belle descente ! Il en est de même pour les disques intervertébraux contraints à une compression antérieure prolongée, imposée par l’attitude penchée en avant. La gélatine amortissante diffuse alors insidieusement vers l’arrière, tire sur les ligaments postérieurs sensibles à la douleur. Et un cintre placé trop bas, sous prétexte d’aérodynamisme, provoque parfois des hernies discales. Les articulations sont faites pour s’articuler ! Les souffrances retrouvées dans les attitudes immobiles de bureautique l’illustrent parfaitement. En cyclisme, la situation est pire encore puisque la position est extrême et non physiologique. Le bipède a besoin de creuser le dos… comme en course à pied !

UN FOOTING HEBDO POUR L’ÉLASTICITÉ DES DISQUES VERTÉBRAUX

De surcroît, une étude a été menée chez des prisonniers américains en l’échange d’une remise de peine. On leur a placé des capteurs dans les disques intervertébraux. Il a été constaté que la pression moyenne au cours d’un footing était inférieure à celle notée en position debout. Cette bonne nouvelle se justifie par l’alternance d’impact et de propulsion qui constitue un véritable massage discal ! On est loin du tiraillement postérieur permanent retrouvé à vélo de route, surtout dans une ergonomie trop engagée ! De la même manière, les variations de pression sont bénéfiques à la santé du cartilage. Elles permettent à ce tissu dépourvu de vaisseaux sanguins de pomper l’oxygène et les aliments venus de l’os sous-jacent. On parle de « nutrition par imbibition ». Alors, si vous êtes passé au vélo pour cause d’arthrose, sachez qu’une grande étude menée par ZARTARIAN sur 1 500 personnes a mis en évidence que la course à pied n’augmentait pas l’usure des articulations… à condition de ne pas dépasser 30 à 40 kilomètres par semaine. Bref, un cycliste assidu soucieux de sa santé et de sa forme devrait s’octroyer un petit footing hebdomadaire, en aisance respiratoire, de 30 à 45 minutes !

Étirements incontournables

Le cyclisme impose de rester assis et penché en avant. Cette attitude maintenue de longues heures pour les plus passionnés n’est pas naturelle. L’état de contraction des muscles – on parle de « tonus musculaire de repos » – s’adapte à la distance maintenue entre les points d’accrochage. Peu à peu, il en est de même pour la taille des muscles, de leurs membranes et des grandes enveloppes fibreuses du corps appelées « fascias ». En pratique, les chaînes tissulaires antérieures se rétractent chez le pratiquant assidu. Il s’agit d’un processus comparable à celui décrié au sujet de la posture de bureau ! Ainsi, le professionnel travaillant devant un ordinateur toute la journée ne profite pas de sa séance de vélo pour harmoniser ses tensions musculaires et membranaires… bien au contraire !  De fait, il est indispensable de maintenir l’élasticité et la taille des fascias. Si la rétraction antérieure se révèle délétère, il en est de même pour la mise en tension postérieure prolongée.

ÉTIREMENTS ANTÉRIEURS DE COMPENSATION

ÉTIREMENTS POSTÉRIEURS D’ADAPTATION

À la longue, cette dernière peut même se montrer douloureuse si les tissus manquent de souplesse. Ainsi, vous comprenez que des étirements de toutes les chaînes musculaires et de l’ensemble des fascias se montrent bénéfiques pour le cycliste. Il est bien sûr possible de réaliser des étirements analytiques, muscles par muscles. Cependant, l’entretien de la souplesse des fascias mis à rude épreuve par le vélo nécessite des techniques plus globales. C’est alors que des disciplines plus holistiques comme le yoga ou le Pilates revêtent toute leur pertinence.

UNE SÉANCE DE PILATES, DE YOGA OU DE STRETCHING CHAQUE SEMAINE

Les postures du sphinx et du cobra emblématiques de la pratique asiatique constituent une antidote à la rétraction fœtale du cycliste. Ainsi les mordus de vélo devraient-ils s’octroyer une séance complète d’assouplissements une fois par semaine à laquelle il serait opportun d’ajouter quelques postures d’étirements des chaînes antérieures après chaque longue sortie.

Renforcement bienvenu !

Le cyclisme fait peu travailler les bras et le buste. De la musculation se révèle nécessaire pour la santé… et la silhouette. Conformément aux résultats d’une méta-analyse récente, afin de ne pas trop prendre de poids, vous opterez pour des charges légères pouvant être mobilisées 30 à 40 fois. Si vous répétez le mouvement jusqu’à ce que la dernière répétition soit très difficile ou incomplète, une série suffit pour gagner en force. Privilégiez les grandes chaînes musculaires incluant le tirage horizontal et vertical, le développé nuque et couché.

TIRAGES ET DÉVELOPPÉS POUR LES BRAS ET LE DOS

Le premier sollicite aussi les muscles longeant la colonne vertébrale dont l’endurance est mise à rude épreuve à vélo. Le dernier reproduit les contraintes des membres supérieurs à vélo et vous assure une meilleure stabilité de votre position.  La flexion antérieure endort les abdominaux qui se réveillent à peine en danseuse. Des crunchs et surtout du gainage se montrent opportuns.

GAINAGE SUR BALLON EN MONTANT LES GENOUX

L’exercice de la planche décrié pour les coureurs retrouve une bonne spécificité posturale en cyclisme. Vous pouvez même travailler en instabilité avec les avant-bras posés sur un ballon de gym et soulever alternativement le genou droit et gauche comme si vous pédaliez. Bien sûr, la musculation participe aussi à la performance cycliste. Dans ce contexte, le travail des membres inférieurs retrouve une place essentielle. Pour gagner en endurance, sans prendre de masse, il est d’usage de soulever des charges dites « ultralégères » 70 à 100 fois. C’est ainsi que le manque d’oxygène caractérisé par les « brûlures musculaires » favorise la multiplication des capillaires et des mitochondries, les fameuses centrales énergétiques cellulaires. En revanche, les mécanorécepteurs ne détectent pas suffisamment de tension pour solliciter la synthèse de nouvelles fibres musculaires. Ces adaptations permettent d’accroître la composante périphérique de la VO2max ou consommation maximum d’oxygène.

RENFO DE COMPENSATION : 30 A 40

RÉP RENFO D’ADAPTATION : 70 A 100 RÉP

Le squat constitue alors une référence. Mais attention ! Inutile de plier le genou à plus de 110° car il s’agit de l’angle maximum de flexion à l’occasion du pédalage. Au-delà, le gain de force n’est pas transféré vers le geste et surtout vous abîmez vos rotules déjà très sollicitées quand vous envoyez du braquet. Pour accroître encore la spécificité, il a été démontré que les exercices sur une jambe, comme sur votre machine, se montrent bien plus utiles au cycliste.

SQUAT ET PRESSE SUR 1 JAMBE DOSSIER RELEVÉ

Ainsi, il est préférable de faire de la presse monopode. De surcroît, redresser le dossier permet de reproduire une flexion de buste comparable à celle retrouvée à vélo. Là encore, en sollicitant les bonnes courses musculaires, vous optimisez le transfert vers votre pratique. N’hésitez pas à ajouter à ce geste global quelques exercices en « surfatigue ».

QUADRI ET ISCHIO EN « SURFATIGUE »

Enchaînez avec du renforcement isolé du quadriceps qui constitue fréquemment le facteur limitant du mouvement de pédalage. Ajoutez aussi un travail des ischio-jambiers mis à contribution quand vous remontez activement la pédale. Terminez votre module « renfo membres inférieurs en salle » par du pédalage rond et fluide afin d’intégrer les acquis à la gestuelle complète. Chez le vététiste, la force des bras contribue à la prestation technique et physique. Cette fois, la musculation des membres supérieurs est incontournable, notamment avec des tirages lourds et rapides préparant aux franchissements d’obstacles.

Le triathlon : une complémentarité naturelle !

S’il fallait proposer un sport assurant une réelle complémentarité, le triple effort pourrait se révéler le candidat idéal. Vous le savez, contrairement au vélo, la course à pied densifie les os, travaille la force de freinage et masse les disques intervertébraux. La natation muscle les bras et le buste. Les différentes techniques sur le dos et sur le ventre contribuent à équilibrer la sollicitation des chaînes musculaires antérieures et postérieures.

LA NATATION POUR RENFORCER ET MOBILISER

La brasse bien ondulée ne doit pas être oubliée. Ce geste permet une mobilisation harmonieuse de toutes les vertèbres. « Aller chercher loin devant » étire et fait coulisser les fascias de tout le corps. Cette mise en tension fonctionnelle n’est pas sans ressemblance avec le yoga. Ainsi, une bonne préparation physique du cycliste pourrait lui permettre de goûter occasionnellement au plaisir du triathlon !  Et puisque cette discipline profite aussi de sessions de renforcement et de stretching, ces séances ciblées restent les bienvenues…

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef