Pédale douce sur les régimes

Pédale douce sur les régimes
Pédale douce sur les régimes

Chaque année, c’est la même histoire : à l’approche des beaux jours, les vêtements se font plus légers, les corps se dénudent et pour certains, c’est la panique : pour d’autres, simplement l’occasion de s’extraire de la gangue hivernale, de reprendre vie à l’image de la nature et, éventuellement, de perdre quelques kilos. « Se sentir bien dans son corps pour être bien dans sa tête. » Ça tombe bien, les jours rallongent, la météo est plus favorable, donc le temps d’activité sera, de facto, augmenté. Ce simple fait nous fera dépenser un peu plus d’énergie. Sur cette base, il nous suffirait donc, peut-être, de surveiller quelque peu nos prises alimentaires et la silhouette s’en trouverait « affinée ». La contrainte d’un régime saisonnier ne serait donc pas un passage obligé ?   

Par Daniel Jacob, professeur agrégé et instructeur FFCT

Un régime : pour quoi faire ? Se mettre au régime, c’est synonyme de privation, de contrôle, de rupture avec nos habitudes alimentaires. Sans doute nécessaire pour quelques bonnes raisons médicales, sur prescription de notre médecin : anti-cholestérol, régime sans sel, alimentation pour un diabétique… Mais qu’en est-il de ces automédications spontanées, impulsives ? La lecture d’un article de vulgarisation qui nous donne envie d’essayer : « J’ai quelques kilos à perdre ou mon voisin (ma voisine) m’a dit qu’après une semaine détox, il s’est senti beaucoup mieux… ».

Le tableau ci-dessous fait un rapide inventaire de ces régimes qui fleurissent chaque printemps, la saison des narcisses. Mais aucun lien avec le conte de la mythologie grecque. Puisque, à l’inverse de Narcisse, l’image que nous renvoie le miroir ne nous convient pas. Il nous faut, semble-t-il, retrouver, au plus vite, une silhouette plus aimable.

Pas de rupture, mais une simple inflexion

Cette motivation nous semble légitime, mais les moyens mis en œuvre de manière empirique peuvent avoir des conséquences délétères sur notre santé. Ne jouons pas aux apprentis sorciers avec notre propre corps. Nous ne pouvons que vous inciter à quitter la logique du régime… privatif pour une simple inflexion par rapport à nos habitudes hivernales.

De même, poussons notre balance dans un coin. Ne la laissons pas au milieu de notre salle de bains. Le poids global n’est qu’une indication, parmi d’autres plus importantes, plus signifiantes. Ce qu’il nous faut surveiller avant tout, c’est le rapport : Masse maigre/masse grasse. Bon nombre de régimes privatifs nous font  perdre du poids, certes, mais autant par perte de masse musculaire que par « fonte » de nos réserves de tissus adipeux.

Lorsque certains d’entre nous décidons de « faire quelque chose » à l’approche des beaux jours, c’est souvent avec l’idée de rupture. Changement plus ou moins radical avec l’alimentation des jours froids, avec parfois l’intention de sortir un peu plus souvent le vélo ou d’allonger les sorties.

Il faut d’abord « amorcer la pompe »

Très bonne idée que celle d’augmenter son activité physique quotidienne. En effet, une augmentation de 20 % de la dépense énergétique va, à elle seule, brûler à peu près 2 kg d’excédents de lipides en un mois. Et cela, sans entamer la masse musculaire (nécessaire à l’effort sportif). Peut-être même cette masse maigre se sera-t-elle renforcée.

En effet, en complément des sorties de type « endurance », quelques sollicitations plus qualitatives vont améliorer le capital musculo-tendineux et renforcer la structure osseuse. Par exemple : à vélo, quelques accélérations, brèves, si nous ne souhaitons pas faire monter la fréquence cardiaque. Mais aussi quelques séances de gym, de stretching postural. Une simple augmentation de notre dépense énergétique, comme amorce du processus de rééquilibrage. 200 kcal de plus par jour : c’est 6 000 par mois ! (Voir tableau ci-dessous)

À alimentation équivalente, notre organisme devra puiser 2 kg dans nos réserves de graisses entre avril et juillet, sans dégrader notre masse maigre. Mais il y a certainement quelques « retouches » nutritionnelles à apporter. Pour des motivations esthétiques, sans doute, mais surtout pour redonner un nouvel élan à notre capital santé.

Aucune raison de privilégier l’endurance 

Afin d’entamer notre masse grasse, la « littérature » nous conseille, depuis plus d’un demi-siècle, de donne la priorité absolue à des activités physiques de type endurance. Ces activités de basse intensité sollicitent, en effet, en direct un métabolisme survalorisant le processus aérobie « basique », à savoir la lipolyse (oxydation des graisses). C’est à la fois logique et incomplet. Incomplet tant les mécanismes mis en jeu sont complexes.

Effectivement, il est aisé de comprendre que, pendant l’effort d’intensité modérée, la filière énergétique qui utilise nos réserves adipeuses va fonctionner de manière optimale et permettre de fournir l’essentiel de l’énergie nécessaire au pédalage. Mais à l’arrêt de l’effort, le retour au calme se fera rapidement. Il n’y aura pas besoin d’un surcroît énergétique pour restaurer les réserves et réparer les « dégâts ».

En revanche, il en va tout autrement pour des efforts à haute (voire très haute) intensité. Lors de ce type d’efforts, la filière aérobie (lipolyse + glycolyse) ne suffira pas et il nous faudra faire appel à d’autres substrats que les graisses. Mais la différence importante est que la phase de récupération va être « active ». Les séances d’entraînement de type fractionné et en particulier de HIIT (entraînement par intervalles – courts, mais de très haute intensité) demandent beaucoup d’énergie et sont idéales pour favoriser la combustion des graisses.

Combustion différée. Pendant les phases de récupération ! Quelques recherches ont montré que des sollicitations de type HIIT de seulement 15 minutes entraînent un effet de postcombustion pouvant durer jusqu’à 3 jours. Nous ne voyons donc aucune raison de privilégier des efforts de longue durée à faible intensité. Un programme alternant endurance en continu et haute intensité par intervalles avec des temps de récupération adaptés serait donc à privilégier pour un rééquilibrage pondéral harmonieux. À ce programme il convient, bien entendu, d’associer une rationalisation de notre nutrition.

Pourquoi et comment modifier notre alimentation ?

Même si certains souhaitent rompre avec leurs mauvaises habitudes alimentaires et se « mettre au régime », nous développerons ici une autre logique. En effet, toute modification radicale se heurte au principe de l’homéostasie. Ce principe correspond à une  régulation naturelle de l’organisme pour maintenir constants les paramètres biologiques du corps humain. Et donc pour réagir à toute modification, surtout si elle est en rupture avec les équilibres antérieurs. Autrement dit, si nous provoquons un changement radical, nous déclenchons une réaction de ces différents processus de régulation.

Ces processus chercheront à contrarier toute déstabilisation et à retrouver au plus vite l’équilibre initial. Concrètement, lors de la mise en place d’un régime alimentaire qui se veut en rupture avec les habitudes installées depuis plusieurs années, la surprise sera totale. Sans doute avec notre motivation initiale pourrons-nous résister à cette « volonté » physiologique de revenir au « confort » d’avant. Mais la plupart du temps « Homéostasie » est le plus fort. Pire encore : au lieu de simplement compenser cette forme d’agression, le mécanisme va, en quelque sorte, surcompenser. C’est ce que certains appellent le phénomène de « yo-yo ». Après chaque privation, notre organisme va non seulement retrouver ses anciens équilibres, mais aussi aller au-delà… Il nous semble préférable d’éviter de déclencher ce mécanisme en adoptant une autre logique, celle qui consiste à apporter progressivement quelques modifications à notre équilibre alimentaire actuel.

Trouver, en douceur, un plus juste équilibre

Motivations esthétiques et santé semblent aller dans le même sens. Affiner sa silhouette, c’est gagner 1 (ou 2) cran sur sa ceinture, mais c’est aussi diminuer les réserves graisseuses, et en particulier au niveau de l’abdomen. Or un excès de graisse viscérale, ou graisse abdominale, stockée autour des organes, sous les abdominaux est un mauvais indicateur de santé. Une augmentation de notre tour de taille, c’est également une augmentation, entre autres, du risque d’hypertension artérielle, d’hyper-cholestérolémie, donc des facteurs de risques de maladies cardio-vasculaires.

Mais comment déstocker cette graisse abdominale tout en préservant les structures musculaires et osseuses ? Encore une question d’équilibres. Pour simplifier, nous en considérerons 2 : tout d’abord la balance entre l’activité physique au quotidien (calories dépensées) et les apports alimentaires (calories incorporées) ; ensuite, un juste rapport entre les 3 types de nutriments que l’alimentation doit nous apporter : glucides, protides, lipides (GPL). Beaucoup de régimes nous engagent dans des raisonnements simplistes. Du type : vous souhaitez perdre vos réserves adipeuses ? Il vous suffit de supprimer toute matière grasse.

Autre logique ignorant les principes de la physiologie humaine : vous voulez réduire votre apport calorique ? Prenez une calculette. Beaucoup se sont hasardés à suivre ces conseils, pour des résultats décevants à long terme. En effet, certains lipides sont indispensables à notre bon fonctionnement (voire vitaux). Pour ce qui concerne le calcul des calories, il s’agit d’un jeu très complexe. En effet, toutes les calories ne se valent pas. Certains aliments nécessitent, pour être assimilés (digérés), une quantité d’énergie importante, c’est le cas des protides, alors que d’autres passent rapidement dans le sang, tels les aliments à index glycémiques élevés. Et  pour le calcul des calories de certains plats de résistance, nous oublions souvent de tenir compte de « l’accompagnement » de type sauce !

Mettons donc de côté balance et calculette.

GPL : Glucides/Protides/Lipides. Un équilibre à reconsidérer !

Là encore nous fonctionnons sur des idées reçues. Le bon sens veut qu’un sportif veille à apporter à son organisme le carburant nécessaire. Les hydrates de carbone contenus dans certains aliments à notre disposition ont donc une place de choix dans nos assiettes. Nous pensons immédiatement aux sucres. À tous ces glucides plus ou moins apparents : riz, pâtes, pain, féculents de toutes sortes. Mais aussi boissons : lait, sodas, divers alcools.

Nous oublions souvent que les lipides nous sont tout aussi utiles, voire plus. La raison de cette dévalorisation vient sans doute du fait que certaines graisses ont mauvaise réputation. À juste titre, dans la mesure où elles favorisent, entre autres, l’apparition de pathologies cardio-vasculaires. Cependant, les « bonnes graisses » nous sont vitales. Pour, notamment, la production hormonale et la qualité de toutes nos membranes cellulaires en plus d’un excellent rendement énergétique. Réhabilitons donc les bonnes graisses. Ce qui importe, en réalité, c’est un apport suffisant en oméga-9 et un juste équilibre entre les lipides « oméga-3/oméga-6 ».

Dans notre alimentation nous surconsommons des oméga-6. Il nous faut absolument rééquilibrer ce rapport. Sans faire un inventaire, disons que ces précieux lipides se trouvent dans de bonnes proportions dans les fruits secs (amandes, noix, noisettes…), dans les poissons gras (sardines, maquereaux…), dans certaines huiles (lin, colza, olive…). Pour ce qui concerne les oméga9, ils sont présents dans de bonnes proportions dans les aliments cités ci-dessus (fruits secs et huiles) mais également dans l’avocat. Donc moins de sucres et donnons la juste place aux lipides, dans de bonnes proportions. Quant aux protides, tout sportif sait qu’ils apportent de quoi réparer le « moteur », restaurer les structures musculaires, fortement sollicitées à chaque sortie ou entraînement.

Mais là encore, il nous faut revisiter quelques idées reçues. Et en premier lieu celle que, pour faire du muscle, il nous faudrait manger de la viande, et rouge de surcroît. Il suffit de regarder ces vaches montagnardes brouter l’herbe à leur disposition pour en douter. Faire du muscle en mangeant de l’herbe, comment est-ce possible ? Riche de cette image, il serait profitable à la santé de tout sportif de varier ses sources de protéines : protéines végétales (légumineuses : lentilles, pois chiches, haricots secs…), soja, amandes, quinoa, spiruline.

Bien entendu, les protéines d’origine animale font partie de l’apport possible/souhaitable : œuf (protéine de référence), lait et laitage, poisson, viandes de différents animaux. Les protéines stimulent la combustion des graisses et diminuent la sensation de faim : autant de bonnes raisons de veiller à mettre à nos menus quotidiens ces protéines dont nous avons besoin.

Flexitarisme plutôt que régime privatif

Un régime ne peut être qu’autoritaire, dirigiste. Il va contraindre notre organisme à des ruptures avec son fonctionnement habituel. Il suffira donc d’un manque de vigilance pour un retour à la case départ. Et même au-delà. Mieux vaut ruser et infléchir progressivement notre équilibre alimentaire. Il nous faut user d’un peu de patience et de diplomatie.

Mieux que la contrainte, 4 principes fondamentaux à intégrer et à mettre en pratique :

  • Trouvons la juste place pour les protéines (avec un équilibre entre végétales et animales) ;
  • Réhabilitons les bonnes graisses (oméga-9 et un équilibre optimal oméga-3/oméga-6) ;
  • Des glucides de qualité (en menant la chasse aux sucres plus ou moins cachés) ;
  • Des légumes à volonté (en apprenant à les cuisiner et/ou à les assaisonner).

S’il fallait conclure

Si notre motivation est de retrouver une silhouette dans laquelle nous nous sentirons « bien dans notre corps », pas besoin de nous astreindre à un quelconque régime privatif. Il nous suffira d’amorcer la pompe en retrouvant le goût de l’activité physique (vélo ou/et autre) et d’y associer une légère mais progressive « inflexion » nutritionnelle. Ainsi, peu à peu, un nouvel équilibre durable va s’instaurer. Sorte de cercle vertueux, dans la mesure où un meilleur état de forme va se traduire par plus de plaisir à la pratique sportive et un moindre besoin de compenser par quelque excédent de nourriture (souvent sucrée)… Plus besoin de balance ou de calculette. Juste quelques principes et un peu de patience. 

Type de régimePrincipeIntérêt et limites
Sur prescription médicale (sans sel, anti-cholestérol, hypolipidique, diabétique…)Fait partie du traitement : suivre la prescription
Régime d’exclusionSupprimer 1 ou plusieurs alimentsOK en cas d’intolérances. Mais attention aux carences
HypocaloriqueRéduire l’apport globalEffet « yo-yo » garanti !
HyperprotéinéSurvaloriser l’apport en protéinesNécessité d’associer protéines végétales et animales. Haleine fétide !
Risque de carence en minéraux. Charge importante pour les reins
Végétarisme ou végétalismeRéduire totalement ou partiellement les protéines animalesGlobalement bon pour la santé… et pour la planète. Mais risque de carence en fer, zinc et vitamine B
CétogèneRéhabilite les bonnes graissesLes graisses ont un bon rendement calorique. Il faut donc en parallèle réduire l’apport en glucides. Risque d’effets secondaires à long terme, si excès
Chrono-nutritionL’alimentation doit se caler sur les rythmes biologiquesConcordance  entre apports alimentaires et présence des sucs digestifs pour les digérer
 60 kg80 kg
Sommeil4050
Position assise (devant ou… sans écran)80100
Vélo avec peu de dénivelé
Cyclotourisme (17 km/h)300400
Cyclisme (25 km/h)7001000
Fractionné6001000
Marche à pied
Promenade à 4 km/h et peu de dénivelé150200
Marche sportive (avec dénivelé)250350
Course à pied 1000 kcal pour 15 km
(quelle que soit l’allure)
Natation : brasse promenade/crawl performant300/800400/1000
Fitness (cardio)450600
Saut à la corde
(mais peut-on sauter pendant 1 h ?)
6001000
Ski de fondentre 500 et 1100 selon le niveau
Dépense énergétique selon l’activité et le poids corporel (en kcal et par heure)