TRAIL: logique digestive et alimentation

TRAIL: logique digestive et alimentation
TRAIL: logique digestive et alimentation

Un traumatisme grave, et le corps médical vous met à la diète hydrique ou à la diète avec une solution glucosée en perfusion si cela doit durer plus de 24 heures. Vous êtes momentanément l’hôte d’un virus ou la proie d’une bactérie intestinale et votre corps met toutes ses forces à combattre et anéantir l’ennemi. Pour ce faire, il vous invite fortement à ne pas manger. Dans ces deux situations extrêmes où votre organisme a besoin d’énergie et où il en produit beaucoup, le réflexe physiologique est paradoxal car il met en repos le travail digestif. Le trail et d’autant plus les ultra constituent des stress aussi violents pour votre organisme que les deux exemples précédents. Partons à la rencontre de notre formidable outil qu’est le corps humain.

Mécanismes simplifiés de la digestion

Pendant votre course, vous avez besoin de vos jambes, mais aussi de pouvoir assimiler des aliments afin qu’ils vous transmettent les nutriments nécessaires au maintien de votre effort (glucose, acides aminés, vitamines, magnésium, potassium, sodium, etc.). En effet, après 1 h à 1 h 30 d’efforts en aérobie, votre corps a besoin d’un relais énergétique, ou bien il vous imposera de réduire votre intensité d’effort afin de trouver un autre substrat au glucose, si ce n’est de vous stopper net.

Or, il y a un dilemme : d’une part, votre effort physique mobilise et concentre votre sang sur les muscles périphériques, les muscles en effort ayant besoin principalement de glucose, de calcium, de magnésium, de sodium et de potassium pour une contraction musculaire harmonieuse. Et d’autre part, le travail digestif (ingestion, transformation, assimilation) exige également beaucoup de sang autour du tractus digestif pour assurer la production d’enzymes, d’acide chlorhydrique, la contraction des muscles lisses des parois digestives qui, en synergie, permettent d’assimiler ce que vous ingérez.

Rappelons aussi que le travail digestif dépend du système nerveux autonome et plus précisément du système nerveux entérique. Celui-ci est relié au système nerveux central par l’intermédiaire du nerf vague et il est en interaction avec le système nerveux sympathique et son antagoniste, le parasympathique. Ainsi, en plein effort, donc en plein stress, votre tube digestif est soumis au système nerveux sympathique qui a pour effet de diminuer la motricité du tube digestif, de contracter ses sphincters et d’inhiber ses sécrétions digestives.

En résumé, votre digestion est stoppée ! Notre organisme nous murmure donc : « Il faut choisir : tu cours ou tu manges ?! » En effet, vous n’êtes pas une simple gourde qu’il suffit de remplir par la bouche pour la remplir d’énergie et continuer l’effort ! Ce qui entre dans votre bouche n’est assimilé qu’à la condition que le travail digestif puisse se faire. Et il est optimal dans des conditions apaisées, tout du moins hors stress, lorsque le système nerveux parasympathique prend le dessus sur le sympathique et permet d’augmenter la motricité du tube digestif, de relâcher ses sphincters, puis de stimuler les sécrétions digestives.

Ainsi, soit vous diminuez sérieusement l’intensité du travail physique (voire prendre une pause) afin de mobiliser du sang au niveau digestif, diminuer le stress et donc optimiser l’assimilation de ce que vous mangez. Soit vous ingérez des « aliments » prédigérés (sous forme de glucose, de fructose, d’acides aminés, acides gras) en texture modifiée afin de vous permettre d’assimiler sans travail digestif.

En effet, glucose, fructose et acides aminés s’absorbent par diffusion, facilitée via des transporteurs sodium-dépendant. Les acides gras s’absorbent, eux, par diffusion simple en phase lipidique en fonction du gradient de concentration. Autre point TRÈS IMPORTANT : votre température corporelle frôle les 38 °C en plein effort ! Et en votre centre se situe votre tube digestif qui fonctionne de façon optimale à +38 °C également.

Donc, fuyez les boissons glacées et froides. Votre corps ne pensera qu’à les expulser (reflux, vomissements, diarrhées) ou les réchauffer (jambes coupées pour ramener le sang chaud au centre) ou ne pourra les gérer et passera en mode alerte rouge avec une surstimulation du nerf vague produisant le cocktail suivant: malaise vagal, nausées, vomissements, jambes coupées et diarrhées.

Alimentation en conditions de trail

Vous l’avez compris, une course se prépare physiquement, mais aussi et surtout nutritionnellement et en amont. La performance est le résultat d’un entraînement physique, d’une alimentation équilibrée et adaptée et d’une bonne hygiène de vie. Il en est de même pour tout traileur. On se soigne, on se bichonne avant la compétition. Et pendant la course, on serre les dents et on devient fin stratège des compromis.

Les grands règles hors cours

  • S’assurer un bon apport en glucides sous forme de féculents demicomplets ou complets, de légumes et de fruits (frais, cuits et secs). Les stocks de glycogène sont proportionnels à la consommation journalière en glucides. Et plus vos stocks seront élevés, plus vous éloignerez le recours à l’alimentation.
  • Bien s’hydrater avec 15ml/kg/j en évitant les boissons excitantes et diurétiques. Arrêter de consommer des liquides glacés.
  • Mâcher parfaitement chaque bouchée.
  • Eviter l’alcool et les excès de café, de thé noir et d’Energy Drink.
  • Veiller à la qualité de votre sommeil afin d’équilibrer votre système nerveux central et de ne pas être en stress chronique. Sinon vous souffrirez psychiquement plus vite.

2 jours avant la course

  • Manger jusqu’à satiété en mâchant parfaitement chaque bouchée.
  • Retirer de son choix alimentaire les fritures, les charcuteries, les plats industriels, l’alcool et tout autre aliment ou plat compliqué et difficile à digérer.
  • Maintenir un bon volume de sucres complexes dans votre alimentation avec cette fois une priorité aux riz blancs à longs grains du type basmati ou thaï qui possèdent un indice glycémique moyen et pas de fibres ; les galettes de blé noir très riches en magnésium, l’indice glycémique moyen et des fibres douces ; les pommes de terre riches en potassium (si cuites à la vapeur) et si vous les tolérez, les pâtes. A savoir que chaque assiette sera accompagnée de 50 % de légumes de saison bio si possible et cuits al dente . Attention aux crudités, elles doivent être parfaitement mastiquées au risque de perturber votre digestion (le feu digestif).
  • Prioriser la détente, le calme, les massages et un bon sommeil.

Pendant la course

  • Priorité à la forme liquide avec les boissons isotoniques, les soupes et les bouillons. Rythme d’hydratation avec 2ml/kg/15 minutes et volume glucidique avec pas plus de 60 g de glucides par heure.
  • Textures molles sous condition : pâtes de fruits, compotes, gels et bananes doivent absolument être bien mâchés et insalivés avant d’être avalés. D’une part, cela évite les gaz ou les lourdeurs gastriques. D’autre part, le glucose peut être absorbé au niveau de la cavité buccale par diffusion passive facilitée. Mais son absorption est proportionnelle au temps de contact avec la muqueuse buccale.
  • Textures normales : elles exigent un travail digestif et peuvent donc vous mettre en péril ! Pourtant, ce sont elles qui nous apportent souvent le goût salé et nous réchauffent le cœur. Il n’y a qu’une solution : se les autoriser sur une pause où vous pourrez récupérer voire dormir 5 à 15 minutes. Vous mangerez ces aliments juste avant de vous assoupir, en les mâchant parfaitement ET en buvant 100 ml de bouillon ou de boisson chaude afin de soutenir les sucs digestifs. La soupe miso bio prête à l’emploi, en petit sachet dosette, est tout à fait adaptée !
  • En cas de gaz avant le départ, 2 gouttes d’huile essentielle d’estragon sur le ventre feront des miracles.
  • Faites les bons choix sur les ravitaillements.
Cycliste amateur, vélotafeur et passionné de courses d’obstacles Diététicien, diplômé en nutrition du sportif, auteur et créateur culinaire