Le pied du Golfeur

Le pied du Golfeur
Le pied du Golfeur

Avec plus de 400 000 licenciés en France en 2022, le golf est en plein essor. Il associe la marche et le swing (mouvement de frappe de la balle). Le temps de jeu effectif représente en moyenne 4/5 minutes sur la durée totale du parcours. Le pied se retrouve soumis à plusieurs contraintes lors du swing mais aussi par le terrain souvent vallonné, avec pentes, et parfois des reliefs caillouteux. On comprend alors que les pathologies du pied se déclenchent le plus souvent à la marche plutôt que lors du geste sportif, sur un parcours qui représente environ 10 à 12 km de marche. Cependant, le golfeur professionnel se retrouve soumis à des séances d’entraînement très intenses et répétitives, il frappe + de 300 balles par jour et effectue 1 parcours quotidien. Oui, le golf est donc bel et bien un sport.

Par Mikaël Bettan, podologue spécaliste du sport

Diagnostic et pathologies

Pour établir le diagnostic, servons-nous de manière importante de l’examen clinique dans un 1er temps. Dans un 2nd temps, il faut être curieux et explorer par l’imagerie médicale pour confirmer. Nous décrirons succinctement les pathologies le plus fréquemment rencontrées en cabinet 

Tendinopathie achilléenne

Souvent doulourese en début de partie, et invalidante en fin de partie, pas nécessairement handicapante lors du swing, et ne gênant pas l’entraînement au practice.

Ténosynovite des fibulaires

Conflit entre le rétinaculum externe et le passage tendineux du court fibulaire et du long fibulaire. L’étirement par varisation, ainsi que la compression par le valgus sont les modes d’apparition. La marche sur terrain non stable et irrégulier favorise l’entretien de cette pathologie.

Tendinopathie du tibial postérieur

D’apparition mécanique, nécessitant souvent un déverrouillage.

Invalidante en fin de partie, douloureuse sur le tubercule ainsi que sur la crête tibiale. Attention à ne pas confondre avec la périostite tibiale, peu courante lors de la pratique golfique !

Aponévrosite plantaire et enthésospathie sous calcanéenne

Pathologies largement répandues. Inflammation invalidante à la marche. Pathologie mécanique, avec déverrouillage matinal et mécanique. Attention au type et à l’usure du chaussant !

Instabilité d’arrière-pied

Souvent cette sensation de se tordre la cheville, de ne pas avoir la cheville qui tient mais qui se dérobe facilement. Entraînant parfois la lésion ostéochondrale du dôme talien, ou la luxation des fibulaires… Là aussi, le chaussant est à étudier de près.

Fracture de fatigue des métatarsiens

La contrainte d’une marche longue couplée à la rigidité de la chaussure. Attention au cambrion rigide, la mobilité avant tout !

Bursopathie et syndrome de Morton

Souvent lié au volume chaussant et plus particulièrement à la largeur de la toe box. Peut être opéré, mais la récidive est fréquente si l’on n’adapte pas la contrainte principale du chaussant. Longueur et largeur se doivent d’être vérifiées et mises en évidence sous les yeux du patient.

Hallux valgus et hallux rigidus

Nous parlons encore de volume chaussant. Ces pathologies sont souvent liées au conflit avec la chaussure. Nous parlerons aussi de certaines possibilités de modifier ce volume pour y accueillir une déformation liée à un HV ou HR par exemple.

Sésamoïdopathie

Assez invalidante. La sésamoïdopathie de surcharge, ou la nécrose, complique même la pratique de l’entraînement au practice. Les troubles statiques en lien sont à corriger, ainsi qu’un traitement orthétique indispensable.

Griffe d’orteil

Il en résulte souvent des lésions cutanées dues au conflit avec la chaussure. Les pathologies les plus répandues sont les cors, les hyperkératoses, les ongles incarnés…

Pathologies ascendantes associées

Bien évidemment, les troubles statiques vont perturber parfois l’appareil locomoteur tout entier, et déclencher des pathologies aux étages supérieurs comme des gonalgies, des coxalgies et des rachialgies. Malgré leur intérêt, nous ne les décrirons pas ici.

Pathologies cutanées

La peau représente le plus grand organe de notre corps. Au niveau de notre pied, le capiton plantaire (tissus graisseux) constitue la couche profonde de celle-ci. Elle est l’organe le plus richement pourvu en capteurs. Toute affection épidermique plantaire comme le cor, le durillon, la pseudochromidrose, le papillome traumatique, la mycose peut être le résultat d’une incohérence d’appuis. Ces lésions sont susceptibles de modifier le tonus musculaire du corps et d’impacter le reste du corps.

La prise en charge thérapeutique

Médicale et chirurgicale

  • Voie médicamenteuse locale ou par voie osseuse
  • Infiltration (AINS ou mésothérapie)
  • Abord chirurgical si nécessaire

Rééducative

  • Prise en charge par kinésithérapie
  • Réduction des intrinsèques du pied (voir plus loin)
  • Orthétique
  • Strapping
  • Contention rigide ou semi-rigide comme des chevillières, etc.
  • Orthèses plantaires sur mesure

Cahier des charges des orthèses (semelles) sur mesure, réalisées par le podologue :

  • Prise en charge des troubles d’appuis plantaires
  • Prise en charge des pathologies
  • Gestion de l’arrière- et avant-pied
  • Le plus souvent asymétrique, attention à la compensation du pied valgus unilatéral (droit chez un droitier) qui est physiologique chez une personne ayant commencé tôt la pratique du golf
  • Respecter le volume chaussant pour ne pas l’augmenter ou le diminuer
  • Utiliser des matières résistantes, lavables (PE, EVA, résines, PU, NR…)
  • Mise en place seulement le temps du traitement
  • Action contrôlée tous les 6 mois
  • Adaptation de la pointure (laisser un espace d’environ 1cm pour le supplément chaussant)

La Prévention

La chaussure de golf

Histoire de la chaussure

  • Fin XIXe semelles à clous, sur-chaussures
  • 1910 : 1res vraies chaussures USA :
    • Taille basse pour ne pas bloquer le pivot ;
    • Une semelle intérieure installée dans le sens longitudinal (pour la marche) et latéral (pour le transfert de poids et le swing) ;
  • 1927 : La ligne de chaussures de golf FootJoy créée par la Field and Flint Company devient la chaussure officielle de l’équipe américaine de Ryder Cup emmenée par son élégant capitaine Walter Hagen

1re règle. Règle 14-3 :

  • Le joueur peut porter des chaussures qui facilitent la prise d’un stance fermé. Assujettis aux règlements de la compétition, des accessoires tels que des clous sur la semelle sont autorisés, mais les chaussures ne doivent pas comporter de particularités :
    • Conçues pour aider le joueur à prendre son stance et/ou à construire une stance
    • Conçues pour aider le joueur dans son alignement ou qui pourraient d’une autre manière aider le joueur pour exécuter un coup ou dans son jeu ;

Un seul pied, une seule chaussure ? Non ! Mais aujourd’hui tout le monde a la même chaussure.

Quelques chiffres :

  • 70  % des gens utilisent une mauvaise chaussure (selon FootJoy) ;
  • 40  % des joueurs ont une mauvaise largeur de chaussure
  • 6 à 21 % des utilisateurs verraient la progression de leur performance à la hausse avec des chaussures proprement adaptées.

Calcéologie :

  • Identification du shore du stack (dur ou mou), du drop nul ou élevé, étroite ou large ;
  • Rigidité du cambrion, revêtement de la tige ;
  • Caractéristiques techniques comme le carbone ou les laçages (système BOA ou lacets classiques) ;
  • Types de crampons : clous, étoiles, etc. ;
  • Semelles de propreté amovibles ;
  • Les pieds des golfeurs ne sont pas les mêmes en fonction de leur niveau et de leur ancienneté de pratique ;
  • Mesurer les longueurs et largeurs des pieds droit et gauche !

La réadaptation musculaire

La musculature intrinsèque du pied participe à la bonne stabilité du golfeur lors des différentes phases du swing. Un pied hypotonique ne pourra pas générer d’équilibre, de la stabilité à l’adresse, au back et au finish, et ne pourra pas générer de puissance et d’explosivité au downswing. Différents mouvements des muscles sont à renforcer et principalement les muscles intrinsèques du pied pour gagner en stabilité ainsi que les muscles extrinsèques du pieds afin d’aider à la propulsion et à l’absorption. Selon les pathologies, le renforcement de ces structures peut entrer dans le cadre du traitement global. On parle alors de foot core ou gainage du pied.

Ces muscles intrinsèques jouent un rôle clé dans le contrôle postural et le maintien de l’équilibre pendant la phase d’appui monopodal, en assurant à la fois le contrôle de la hauteur de l’ALM, la pronation du pied et le degré de déformation de l’arche.

Le short foot 

Consiste à rigidifier le pied à lutter contre son affaissement. Il augmente les capacités de poussée des orteils. 

Les sujets avec des pieds plats flexibles ou des pieds pronateurs présentent des déficits lors de l’augmentation des tâches d’équilibre.

Le Toes spread out

Ou TSO/ Extension du premier orteil au cinquième orteil est validé par Gooding et al en 2016 ; le TSO est réalisé par une extension simultanée de tous les orteils, suivie d’une flexion et d’une abduction de l’hallux et une flexion du cinquième orteil.

« L’extension du premier orteil  »

Ou « extension hallux » est effectuée en étendant la première articulation métatarso-phalangienne MTP tout en maintenant les orteils (deuxième au cinquième) en contact avec le sol.

Le «  Second-To Fifth-Toes Extension  »

Ou « Lesser-Toes-Extension », consiste à étendre les orteils
2 à 5 tout en maintenant l’hallux en contact avec le sol. Cet exercice est intéressant pour renforcer l’ancrage pied avant lors du back swing et la propulsion pied arrière downswing
et impact. L’articulation MTP a un rôle primordial dans la propulsion de la marche. Les exercices précédents renforcent les Muscles intrinsèques du pied mais certains mouvements renforçant les muscles extrinsèques du pied comme le long fléchisseur des orteils sont utiles.

Le Doming («  Curl avec serviette  »)

Ou «  force des fléchisseurs des orteils  », est un type d’exercice permettant également de travailler la force horizontale produite par les MIP en synergie avec les muscles extrinsèques du pied.

Centre de pression plantaire

Sans biais d’enseignement, sur plate-forme de pression baropodométrique, nous pourrons observer à l’adresse deux grandes familles d’équilibre (pour rappel, la position d’équilibre est une position de stabilité la plus économe en énergie) : ceux qui ont un centre de pression plantaire antérieur plus vers les avant-pieds et ceux qui ont un centre de pression postérieur plus vers les talons. Ces deux schémas de fonctionnement utilisent un tonus musculaire en chaîne qui n’est pas le même mais qui est aussi efficient. 

Conclusion

Le lien le plus important pour le pied du golfeur réside dans le choix et le renouvellement de sa chaussure. La chaussure est souvent à l’origine d’une pathologie. Un choix le plus adapté possible à chacun est primordial. Le pied se doit d’être tonique pour supporter les contraintes de la pratique sportive.