L’entraînement croisé a le vent en poupe chez les coureurs. Normal, en plus de leur permettre de varier les plaisirs, il constitue un excellent outil pour booster leurs performances. Le point sur cette pratique à manier avec sagesse.
Par Véronique Bury, journaliste spécialisée dans le sport
Quel est le point commun entre David Hauss, vainqueur de la Mascareignes en 2016 à La Réunion, Léonie Périault, vice-championne de France de cross en 2018, Cassandre Beaugrand, quadruple championne de France junior de cross entre 2013 et 2017, et Vincent Luis, deuxième des championnats de France de cross en 2016 ? Tous les quatre sont d’excellents athlètes. Oui, mais pas seulement.
Ces quatre sportifs font aussi et surtout partie de l’élite du triathlon français. David Hauss a remporté les championnats d’Europe de triathlon en 2015, Cassandre Beaugrand et Léonie Périault ont été sacrées championnes du monde en relais mixte à plusieurs reprises et Vincent Luis a raflé les deux derniers titres de champion du monde de triathlon courte distance. De quoi susciter la curiosité du monde de l’athlétisme, des amateurs de course à pied et de nombreux entraîneurs qui n’hésitent plus aujourd’hui à utiliser le vélo et/ou la natation pour faire progresser leurs athlètes spécialistes de course d’endurance.
Car oui, l’entraînement croisé, qui consiste à intégrer dans son programme des pratiques sportives complémentaires à la course à pied dans le but d’améliorer la qualité de sa préparation et par ricochet ses performances, a mille et une vertus, à commencer par le simple fait de varier les plaisirs. « L’entraînement croisé permet en effet d’éviter la lassitude liée à la répétition d’une même activité et facilite donc l’augmentation de la charge d’entraînement dans les sports d’endurance », remarque Antoine Galopin, conseiller technique pour la Ligue de Bretagne. Mais ce n’est pas le seul intérêt.
« La pratique d’un sport porté comme le vélo ou la natation permet aussi de limiter les traumatismes tout en prévenant des blessures car on sollicite alors des amplitudes articulaires différentes de la course à pied, ce qui force le corps à s’adapter. » Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les médecins du sport ou les kinés préconisent le vélo ou la natation en période de ré-athlétisation. D’autant que ces activités portées sont aussi excellentes pour favoriser la récupération.
Pour autant, si les avantages de l’entraînement croisé sont nombreux, notamment pour augmenter le volume d’entraînement aérobie nécessaire à toute progression en course à pied, les inconvénients existent aussi. Bien entendu, « si l’on est dans une pratique plaisir, sans objectif compétitif, il n’y a aucun inconvénient à varier les activités en s’autorisant d’autres pratiques sportives », rappelle Antoine Galopin.
En revanche, si l’on se place dans une logique de progression et de performance en course à pied, il ne faut jamais perdre de vue son objectif principal. Car toutes les qualités développées par ailleurs ne sont pas toutes transférables et une discipline complémentaire, si elle est mal utilisée, peut vite venir se retrouver en contradiction avec le développement de l’activité principale.
« La natation, par exemple, est intéressante dans le sens où elle permet de travailler en endurance tout en allégeant le travail sur les jambes, mais si elle permet de développer les capacités respiratoires, elle contribue aussi à muscler le haut du corps, ce qui peut s’avérer contradictoire si on en fait trop avec la course à pied où l’on cherche avant tout à s’alléger, » rappelle le cadre technique.
Ce dernier estime d’ailleurs que « l’ajout d’une activité complémentaire ne devient intéressant pour un compétiteur qu’à partir du moment où celui-ci s’entraîne plus de 4 ou 5 fois par semaine ». Dans ce cas, il pourra en effet placer une sortie vélo en cinquième sortie hebdomadaire afin d’augmenter en douceur le volume d’entraînement dans le cadre d’une sortie de récupération ou décider de travailler sur des sorties plus longues (course à pied + vélo) en diminuant les traumatismes.
Mais, « en dessous de cinq entraînements par semaine, il est préférable de rester concentré uniquement sur la course à pied si on veut progresser dans cette activité », assure-t-il. De même, si l’entraînement croisé est intéressant dans une démarche d’augmentation du volume de séances, il est conseillé de toujours s’en détacher à l’approche des périodes compétitives. « Plus je me rapproche d’un objectif spécifique à la course à pied et plus je diminue la part de vélo et de natation », confirme le duathlète Benjamin Choquert, qui a pourtant l’habitude de jongler entre les trois disciplines depuis une dizaine d’années. « C’est important de rester dans des filières en cohérence avec son objectif et de les effectuer en course à pied », insiste le champion du monde de duathlon, qui n’a pas hésité à diviser par cinq le nombre de sorties hebdomadaires à vélo entre la phase de développement et la phase compétitive de sa préparation pour le marathon de Berlin en 2019 (où il a réalisé les minimas olympiques en 2 h 11’ 11’’), cela afin de privilégier sa qualité de pied et les séances plus spécifiques à la course à pied.
Sa comparse, Sandra Levenez, double championne du monde de duathlon, est du même avis : « Il faut garder une harmonie dans la répartition des disciplines et essayer de toujours placer une petite séance de travail de pied derrière chaque sortie vélo, afin de redonner de la mémoire et de ne pas perdre ses sensations. Cela peut être un petit footing, un travail de corde à sauter ou simplement quelques éducatifs. » Ce n’est d’ailleurs que lorsque le coureur maîtrise parfaitement la discipline complémentaire qu’il peut essayer de l’utiliser pour d’autres axes de travail. Car le vélo peut également être intéressant pour développer la force musculaire. « Faire des kilomètres à vélo, introduire des axes de travail de force et de vélocité, m’ont permis de prendre de la consistance et de m’étoffer musculairement au niveau des membres inférieurs. Peu à peu, j’ai pris de la force au niveau des jambes et des appuis, et ma foulée est devenue plus solide », avait ainsi remarqué la duathlète qui avait terminé troisième de France de cross en 2010.
Finalement, « il y a des tas de manières d’utiliser l’entraînement croisé, », estime Antoine Galopin. Que ce soit pour augmenter le volume d’entraînement, effectuer ses séances de récupération en décharge, se renforcer musculairement. C’est à chacun d’y trouver son moteur et sa façon de l’utiliser. Et même sans calcul, sans planification particulière, il peut être intéressant parfois de simplement varier les plaisirs pour booster sa motivation. C’est d’ailleurs en enfourchant son vélo avec son père et en plongeant dans l’eau pour passer son diplôme de maître-nageur que Benjamin Choquert a donné un nouveau souffle à sa carrière au moment même où il commençait à se lasser de ses entraînements en demi-fond. « Sans le vélo et la natation, j’aurais arrêté », conclut-il.
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