L’usage du vélo se démocratise et se répand dans la population mondiale pour des raisons à la fois économiques, écologiques, comportementales (santé, sport, loisirs…). Il n’est donc pas surprenant de constater fréquemment l’apparition de douleurs, notamment du genou, chez des pratiquants peu ou pas informés des facteurs déclenchants. Identifier les causes relève d’un questionnement et d’une méthodologie et constitue la condition sine qua non pour un traitement adapté et efficace.
Par Marc Le Roux, kinésithérapeute FFC équipe de France de cyclisme sur piste
Le genou est une articulation particulièrement sollicitée en cyclisme et peut être soumis à d’importantes contraintes. Par exemple, pour une sortie de 2 h à une fréquence de pédalage de 85 rpm (rotations par minute), on atteindra un total impressionnant de 10 200 révolutions, donc tout autant de flexions/extensions du genou. La prévalence des douleurs en rapport à cette articulation est évaluée à ce jour entre 36 à 62 % chez les cyclistes professionnels et entre 40 et 60 % chez les cyclistes récréationnels, ce qui d’un point de vue épidémiologique la classe en deuxième position derrière les lombalgies du cycliste.
Après un rappel anatomique et biomécanique puis une description de la pathologie, nous insisterons sur les facteurs déclenchants qui peuvent être à la fois extrinsèques et intrinsèques et dont vont dépendre les rectifications et/ou traitements.
L’articulation du genou est constituée de pièces osseuses asymétriques :
Syndrome = ensemble de symptômes
Quels peuvent être ces symptômes ? Il sont classiquement décrit par une douleur à l’avant du genou, diffuse, plutôt à l’intérieur juste derrière la rotule mais pas en profondeur, une difficulté à pointer précisément la localisation de la douleur.
Cette douleur peut être présente dans un premier temps uniquement sur le vélo. Si elle est présente 1 ou 2 h après et parfois même à la descente des escaliers et/ou en position assise prolongée (« signe du cinéma »), c’est que l’irritation est déjà bien avancée. Il y a donc nécessité de consulter dès les symptômes sur le vélo, il sera ainsi beaucoup plus aisé de traiter la douleur.
De nombreux facteurs peuvent être à l’origine de ce problème :
Une fois la ou les causes identifiées, il conviendra de :
Concernant les facteurs intrinsèques quatre tests seront indiqués :
Si l’alignement du genou n’est pas maintenu, une rééducation du moyen fessier sera envisagée.
Ce premier test peut être complété par le :
En latérocubitus, la jambe est passivement mise en abduction jusqu’à l’amplitude maximale, et ensuite mise en extension de 20°, avant d’être lâchée. Le sportif doit maintenir cette position de la jambe pendant que le praticien lâche la jambe.
En cas de faiblesse du muscle, le patient est incapable de tenir la jambe dans la position demandée et elle descendra de 5 à 30 cm jusqu’à ce que le bras de levier du muscle soit allongé et que le muscle soit capable de développer suffisamment de force pour arrêter la chute du membre inférieur. Si celui-ci baisse de plusieurs centimètres et que le patient est capable de tenir la jambe en abduction et extension, une résistance manuelle de l’assistant peut être effectuée pour déterminer plus précisément les déficits musculaires.
Un dynamomètre peut être utilisé pour plus de précision.
Une fois assuré que les réglages athlète/machine/athlète sont optimaux, on évaluera l’axe fémur-tibia sur home-trainer ou ergocycle à différentes puissances et en pré-fatigue, sachant que, en cas de déficit du moyen fessier, les vices d’angles peuvent ne pas apparaître aux premiers coups de pédale.
La flexion dorsale de cheville devra aussi être testée. En effet, en cas de déficit, lors de la remontée du genou au pédalage, celui-ci aura tendance par compensation à avancer, créant ainsi une surpression rotulienne. Face à un mur, le grand axe du pied à mesurer est perpendiculaire au mur. Un mètre-ruban est fixé au sol, le 0 partant du mur. L’autre pied est placé d’une longueur de pied en arrière. Il est demandé au sujet de contacter le mur
du tibia et de reculer progressivement le pied en maintenant le talon au sol. La distance entre l’hallux et le mur est notée.
Les valeurs moyennes sont de l’ordre de 12 ± 2,8 cm. Il n’y a pas de corrélation entre ces valeurs et l’âge, le sexe, le poids, la longueur du membre inférieur, la pointure. Sinon, il y a un déficit de mobilité articulaire, d’extensibilité des fléchisseurs plantaires de cheville.
Une différence de 2 cm entre les côtés droit et gauche doit aussi être prise en compte.
Il se fera en décharge dans un premier temps et en progression afin de ne pas mettre de pression précoce et excessive sur l’articulation fémoro-patellaire.
Pour les exercices en charge la consigne essentielle est de bien garder le genou aligné.
On insistera sur les étirements des muscles suivants : ischio-jambiers, quadriceps, adducteurs et abducteurs de hanche, triceps sural (jumeaux + soléaire).
Une attention particulière sera portée au muscle soléaire en cas de déficit de flexion dorsale de cheville.
On préférera les étirements de type PNF (Proprioceptive Neuromuscular Facilitation)
Ce sont des étirements statiques actifs qui permettent de mieux relâcher le muscle à étirer et d’éviter le réflexe myotatique.
Le contracté-relâché ou myotensif est indiqué : il consiste à contracter, relâcher puis étirer le même groupe musculaire. Il faut placer le muscle en position d’étirement puis effectuer :
Le genou, seule articulation libre du membre inférieur du cycliste, est l’articulation la plus exposée. Dans ce sport en décharge, les compressions chondrales sont faibles mais une chondropathie patellaire peut apparaître, en aggravation parfois d’un déséquilibre préexistant si :
La recherche de la cause de ce syndrome fémoro-patellaire et sa correction sont essentielles.
Très souvent, l’analyse du mouvement de pédalage sur un home-trainer ou une analyse sur Bikefitting permettra d’identifier la cause. Par ailleurs, le traitement de cette chondropathie fémoro-patellaire répondra aux traitements physio-kinésithérapiques et rééducatifs à condition d’avoir identifié et corrigé le facteur causal.
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