L’alimentation de la femme cycliste et ses spécificités

L'alimentation de la femme cycliste et ses spécificités
L’alimentation de la femme cycliste et ses spécificités

Lorsque l’on m’a contactée pour écrire cet article ciblé sur la cycliste, il m’a semblé logique de ne pas aborder l’alimentation générale du cycliste, mais de pointer certaines différences entre LE cycliste et LA cycliste. En effet, nous, les femmes, ne sommes pas constituées comme les hommes (sacrée nouvelle, non ?).

Par Amandine Martin, diététicienne nutritionniste spécialisée en nutrition du sport et en physionutrition

La masse grasse

Il est important de savoir analyser les pourcentages, c’est pour cela que cette mesure ne doit pas être faite chez vous. Elle doit s’interpréter dans l’analyse d’un profil intégrant également l’évolution de l’IMC, du poids et de la taille, mais aussi de la période et des cycles d’entraînement (volume / intensités).

Le pourcentage est très variable, en moyenne, une femme sportive entraînée a un taux entre 12 % et 23 % (contre 5 à 13 % chez les hommes). Le problème pour la cycliste et le nutritionniste est d’établir une limite inférieure d’adiposité, en dessous de laquelle la sportive ne devra pas descendre, sous peine de s’exposer à des problèmes de santé et à une perte de performance.

Le problème réside aussi dans l’acceptation chez la femme sportive de son poids et de son pourcentage de masse grasse. Le match lipide / glycogène musculaire, à quoi nous sert cette masse graisseuse ?

À aller plus loin, plus longtemps. Vous avez certainement remarqué que sur les sports d’endurance les femmes peuvent être meilleures que les hommes. Le fait d’avoir un taux de masse grasse plus important, nous permet de mettre en place une lipogenèse rapidement pour fabriquer de l’ATP (énergie).

Les hommes utilisent leur glycogène musculaire de façon plus importante que les femmes, qui privilégient la source d’énergie que représentent les lipides. L’oxydation des glucides est plus tardive, pour des exercices d’intensité plus grande chez les femmes, l’oxydation des lipides est la source d’énergie la plus rapidement mobilisée chez la femme (lipides musculaires, lipides du tissu adipeux). Nous épargnons le glycogène musculaire plus longtemps du fait de la présence des lipides.

Donc, en endurance, il est possible de considérer que les femmes ont un métabolisme favorable car elles utilisent le glycogène plus tardivement que les hommes. Le risque d’hypoglycémie, qui nous laisserait sur place, est limité.

Je ne dis pas qu’il ne faut donc plus s’alimenter sur le vélo pour avoir de l’énergie immédiatement utilisée, je dis que le corps de la femme va pouvoir mettre en place un circuit parallèle très efficace pour fabriquer de l’énergie.

Je ne dis pas non plus « youpi ! à nous la malbouffe et les barres chocolatées ! » ; mais entretenons nos adipocytes avec de bons acides gras, notamment les oméga-3.

Zoom sur cet acide gras essentiel

La membrane cellulaire forme une « mosaïque fluide » dans laquelle chaque composant peut se mouvoir plus ou moins librement. Cette fluidité membranaire est la base de l’équilibre cellulaire, notamment des échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule.

Une membrane rigide riche en acides gras saturés (apportés par les graisses animales) entraîne peu d’échanges. Une membrane souple riche en acides gras polyinsaturés (oméga-3 et oméga-6) facilite les échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. Les acides linoléique (oméga-6) et α-linolénique (oméga-3) sont dits « essentiels » car l’organisme animal (humain compris) ne sait pas les synthétiser. Ils doivent donc impérativement être apportés par l’alimentation.

Un déséquilibre oméga-6 (activité pro-inflammatoire) /oméga-3 (activité anti-inflammatoire) avec trop d’oméga-6 au regard des oméga-3, favorise les phénomènes d’inflammation, d’agrégation, et de vasoconstriction avec plus de risques aux niveaux pulmonaire (asthme…), cardio-vasculaire (angine de poitrine, infarctus du myocarde…), articulaire (arthrite…), musculo-tendineux (tendinite..)…

En regardant vos habitudes alimentaires et en vous faisant remplir un questionnaire, le diététicien peut déterminer si votre rapport oméga-6 / oméga-3 est à l’équilibre ou en faveur de l’un ou l’autre. De manière globale, l’assiette occidentale favorise les oméga-6. Les apports conseillés en oméga 3 sont entre 2 et 3g par jour chez l’adulte.

Les oméga 3 sont principalement présents dans les poissons gras des mers froides, ainsi que dans les noix et les huiles végétales du type colza, soja, noix…

Le mode de cuisson peut changer l’apport, ces acides gras sont très sensibles aux fortes températures.

Du fait de notre masse grasse plus importante, nous avons moins de masse musculaire que les hommes, il faut donc apprendre à en prendre soin, afin de limiter le catabolisme (la destruction) et de stimuler l’anabolisme (la reconstruction, restauration) de nos cellules traumatisées (muscles, tendons …).

Je remarque que, par effet de mode et par peur de prendre du poids, les protéines animales sont bien souvent délaissées (en faveur des glucides complexes – sucres lents, certes très importants). On doit établir un équilibre normoprotéiné à légèrement hyperprotéiné, en pensant aussi aux protéines végétales. Ces protéines sont aussi utiles après l’effort que pendant l’effort (surtout sur de longues cyclosportives ou des courses à étapes, où l’on enchaînera une course en ligne, un contre la montre sur une même journée et le lendemain une nouvelle course en ligne ou un critérium).

Comment ça marche ?

Lors de la réalisation d’un exercice prolongé et/ou intense, des acides aminés (éléments de base des protéines) entrant dans la composition des protéines musculaires sont utilisés à des fins énergétiques nécessaires pour réaliser l’effort. Même si l’utilisation de ces acides aminés est faible en quantité, cela a des conséquences importantes sur le fonctionnement des muscles.

Après l’exercice, l’organisme se met automatiquement dans une phase de reconstruction des protéines musculaires (l’anabolisme) dont l’efficacité dépend fortement de la disponibilité en acides aminés et de différents signaux hormonaux, dont l’insuline.

Ainsi, un apport en protéines et en acides aminés après l’exercice favorisera la reconstruction musculaire. Pour une efficacité optimale, un apport simultané en certains glucides du type glucose est nécessaire car ils favoriseront la sécrétion d’insuline.

En pratique après l’effort : une boisson de récupération dans les 10 à 15 minutes reste le plus simple à prendre ; et elle s’ajoutera à l’apport en protéines végétales ou animales maigres de la collation ou repas suivant (voir recette « Gaufre protéinée »).

En pratique pendant l’effort : une boisson ou une barre énergétique contenant notamment des BCAA. Les BCAA sont des acides animés branchés essentiels : la leucine, l’isoleucine et la valine. Les chercheurs en science du sport portent un grand intérêt à la consommation de BCAA lors de la réalisation d’un exercice de longue durée car ils permettent de diminuer la dégradation des protéines musculaires, de retarder la diminution des stocks de glycogène musculaire et sans doute de diminuer la fatigue nerveuse centrale.

Au quotidien l’apport en protéines doit être de 1.2 g à 1.5 g / kg poids corporel (pour une femme de 55 kg : entre 66 g et 82.5 g par jour). Notre alimentation doit nous fournir tous les acides aminés essentiels (AAE au nombre de 8 : thréonine, tryptophane, lysine, méthionine, phénylalanine, isoleucine, leucine, valine) ; je vous rassure, une alimentation variée nous permet d’atteindre ce quota.

Globalement, les protéines d’origine animale (lait, produits laitiers, œuf, viande, poisson…) ont un panel en AAE riche et sont très digestes. Ce sont des protéines complètes, à contrario des protéines végétales (légumineuses, fruits et graines protéoléagineuses, algues, céréales riches en protéines végétales comme le sarrasin ou le quinoa) qui sont plutôt déficientes en acides aminés soufrés et lysine.

Les protéines de pois, soja ou encore les algues comme la spiruline, sortent de ce dernier lot car elles possèdent un profil complet et intéressant pour l’athlète. Ainsi, pour couvrir les besoins quotidiens lorsque l’on consomme des protéines végétales, il est nécessaire d’associer intelligemment différentes sources de protéines végétales de manière à apporter au cours de la journée l’ensemble des AAE.

  • Céréales (AAE limitant : la lysine) + légumineuses (AAE limitant : AA soufrés, mais riches en lysine).
    ➜  Quinoa  + lentilles
  • Céréales + oléagineux (absence de 2 AAE soufrés)
    ➜ Sarrasin + cacahuètes
  • Céréales et/ou légumineuses + spiruline (présence des 8 AAE)
    ➜ Orge, pois cassés + paillettes de spiruline
  • Céréales + légumes riches en lysine comme les petits pois, les choux, les champignons, les haricots verts…
    ➜ Pâtes de sarrasin + brocolis
  • Céréales et/ou oléagineux + soja (présence des 8 AAE).
    ➜ Quinoa, noix + graines de soja

Le cycle menstruel

Cet apport quotidien en protéines végétales et animales est aussi essentiel pour le fer qu’elles contiennent. La 3e grande différence avec les athlètes hommes, ce sont nos menstruations, qui nous font perdre une fois par mois pas mal de fer.

Ce dernier est très important : il permet l’oxygénation correcte des muscles pendant l’effort ; ce qui peut donc altérer nos entraînements et notre récupération. Il n’y a pas de variation significative, ni de l’hémoglobine, ni de l’hématocrite.

Cependant, des règles abondantes peuvent entraîner une diminution de l’hémoglobine, voire une anémie ferriprive. Le cycle peut aussi avoir des conséquences sur l’organisme (physique) et sur le psychisme, notamment le syndrome prémenstruel entre 5 et 8 jours avant les règles : hyperlaxité, crampes, maux de tête, ballonnements, prise de poids, mastodynies et irritabilité, sensibilité au stress, troubles du sommeil et fatigue. Autant de symptômes qui peuvent influencer notre prise alimentaire (alimentation émotionnelle, la loi du « foutu pour foutu »…).

Les hormones ont, elles, une influence sur notre appétit. Si les œstrogènes ont tendance à réduire celui-ci, les progestérones ont tendance à l’augmenter. Tout cela explique pourquoi nous pouvons avoir tendance à manger un peu plus durant la phase lutéale, car notre taux de progestérone est plus élevé. Selon les études, il s’agirait d’environ 90 à 500 calories supplémentaires consommées.

La bonne nouvelle est que globalement nous dépensons entre 89 et 279 calories de plus : notre température est plus élevée, notre dépense énergétique et notre métabolisme de base augmentent légèrement. Il est important d’être un peu plus consciente de ce que nous mangeons pendant cette période, pour différentes raisons :

  • un taux élevé de progestérone favorise le stockage lipidique ;
  • notre sensibilité à l’insuline peut être légèrement inférieur ;
  • notre taux de sérotonine diminue, influençant l’humeur et la motivation et notre « alimentation émotionnelle ».

La consommation de glucides soulage les symptômes prémenstruels. À cela s’ajoute une perception du goût qui évolue au cours du cycle. Par exemple, le chocolat sentirait meilleur et aurait un meilleur goût.

Mon conseil

Augmenter son apport en glucides et s’accorder 2 à 3 carrés de chocolat noir (à partir de 70 %) pour nous aider à satisfaire nos envies et rendre les symptômes prémenstruels plus supportables.

En phytothérapie une cure de chrome et de sérotonine peut être intéressant en amont à partir de la période d’ovulation jusqu’au cycle (du 14e au 28e jour). Les aliments riches en fer héminique (d’origine animale) : les abats (le boudin noir), fruits de mer, viandes rouges, et  le poisson gras (thon, sardines).

Il existe également du fer non héminique présent dans les protéines végétales : les légumes secs (lentilles, haricots rouges, pois chiches), les algues (spiruline) mais aussi le cacao (oh, une envie de chocolat !).

NB : le fer non héminique et la protéine végétale ont une meilleure bio-disponibilité s’ils sont couplés au cours du même repas avec un aliment qui amène de la vitamine C (agrume, poivron, persil…).