Il s’agit d’une étude prospective de physiopathologie sur des coureurs et coureuses participant à l’une des courses de l’UTMB 2019. Nous avons étudié un groupe d’hommes vs un groupe de femmes selon les distances (courses supérieures à 100 km par rapport aux courses inférieures à 60 km) en comparant pré-post-course (chaque sujet étant son propre témoin).
Par Guillaume Millet, Professeur de Physiologie de l’Exercice et Directeur du Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité
L’objectif principal était de déterminer si le sexe des participants avait un effet sur l’ampleur de la fatigue neuromusculaire et sur la dégradation du coût énergétique. Nos résultats ont confirmé notre étude de 2012, c’est-à-dire que les femmes sont moins fatiguées à l’issue des courses de trail, comme en témoigne par exemple une diminution plus faible de la force maximale des quadriceps
. Contrairement à notre hypothèse selon laquelle cette moindre fatigue par rapport aux hommes serait surtout vraie pour l’ultra, ces différences existaient indépendamment de la distance. En réalité, c’était même presque l’inverse car les femmes présentaient moins de fatigue musculaire que les hommes sur le COURT et pas sur le LONG.
Attention, une moindre fatigue ne signifie pas nécessairement (ou pas uniquement) une meilleure résistance à la fatigue. En effet, ce résultat pourrait être dû, au moins en partie, à des différences entre les sexes dans les intentions de compétition que l’on a questionnées après les courses : les femmes se disaient en moyenne plus en mode plaisir et les hommes davantage en mode compétition. Bien que difficile à interpréter, nous avons aussi mis en évidence, grâce à la technique de stimulation du cortex moteur cérébral par l’application d’un champ magnétique, une différence entre les sexes au niveau des modifications de l’excitabilité du cerveau avec la fatigue : cette augmentation n’était présente que chez les hommes.
Par ailleurs, même si les statistiques ne permettaient pas de conclure significativement, il semble que les différences de fatigue neuromusculaire entre les sexes ont eu un impact sur le coût énergétique puisque celui-ci semblait moins se détériorer chez les femmes, que ce soit à plat ou en montée.
En comparant plusieurs études, nous avions observé (Millet GY, Sports Med, 2011) que la fatigue induite par la course à pied, déterminée par la baisse de force maximale des muscles quadriceps, augmentait avec la durée de l’exercice jusqu’à ~15 heures et qu’elle n’augmentait plus par la suite.
L’objectif de la présente étude était donc d’investiguer directement cette question en comparant des courses de trail plus courtes et des courses d’ultra-trail plus longues avec un terrain de jeu et des conditions météorologiques similaires.
Nous avons confirmé l’influence de la distance de la course sur la baisse de force des quadriceps (ainsi que sur des paramètres intracérébraux liés à l’inhibition de la contraction musculaire ou les indices sanguins de dommages musculaires) mais de façon étonnante, la distance de course n’avait pas d’effet sur la fatigue des muscles des mollets. En revanche, alors que nous avions plutôt misé sur une augmentation de la fatigue centrale (c’est-à-dire une diminution de la capacité du système nerveux à commander les muscles quadriceps), c’est l’inverse qui s’est produit : la baisse du niveau d’activation volontaire était la même pour les 2 distances alors que la fatigue musculaire était plus marquée sur le LONG que sur le COURT (pour les quadriceps seulement).
Cette étude nous a aussi permis de répondre à une question plus fondamentale sur l’origine de la fatigue centrale après un effort prolongé. Schématiquement, la question que l’on se posait était la suivante : est-ce que cette dernière trouve son origine dans le cerveau ou plutôt dans la moelle épinière ?
Grâce à l’utilisation de stimulations électriques sur les nerfs moteurs, nous avons pu montrer qu’une partie de la diminution de l’activation des muscles provenait bien de ce que l’on nomme les « centres supraspinaux », c’est-à-dire localisés dans le cortex moteur. E
n résumé, vous ne perdez pas vos capacités d’explosivité après la course. En d’autres termes, si vous êtes meilleur sprinter que Xavier Thévenard avant l’UTMB, vous le resterez : il vous suffira de le suivre sur 170 km pour le déposer dans la ligne droite conduisant à la place du Triangle de l’Amitié (attention quand même aux photographes si vous ne pouvez pas vous arrêter).
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le coût énergétique n’augmentait de façon significative avec la fatigue que pour le COURT. Cela suggère que l’intensité de l’effort plus que la durée impacte le rendement du geste. Il existait d’ailleurs une corrélation significative entre la vitesse de course et la variation de coût énergétique.
Lorsque l’on examinait l’effet de la pente, on observait une corrélation entre les changements de coût énergétique à plat et les changements en montée. Néanmoins, l’amplitude des changements était plus importante à plat, peut-être pour des raisons de moindre utilisation de l’élasticité musculaire.
Nous avons profité de la mesure des échanges gazeux pour étudier les substrats utilisés. Comme l’indique la baisse du quotient respiratoire (production de CO2 divisée par consommation d’O2), le pourcentage d’énergie provenant des lipides était plus important après les épreuves. Par exemple, une baisse du quotient respiratoire de 0,86 à 0,75 (comme observé en moyenne après les trails COURTS) reflète une augmentation de l’utilisation des graisses qui passe de 45 % de l’énergie totale à 83 %.
Nos résultats montrent une baisse plus importante du quotient respiratoire sur le COURT, ce qui pourrait être dû à une plus grande déplétion en glycogène dans les muscles locomoteurs quand l’intensité augmente, accroissant ainsi l’utilisation des lipides comme substrat énergétique.
Comme souvent dans une démarche scientifique digne de ce nom, ces résultats devront déjà être confirmés par d’autres études. Et cela en dépit de la difficulté à recruter des femmes en raison de leur faible participation, surtout sur les distances longues. En 2009, nous avions établi la cinétique de récupération de la fonction neuromusculaire des hommes (Millet et al. PLOS One 2011). Or, quelques études permettent de penser que les femmes pourraient récupérer plus vite mais évidemment cela reste à démontrer. Par ailleurs, nos résultats préliminaires concernant l’influence du sexe sur les intentions de course doivent être renforcés en demandant à des spécialistes du domaine de la psychologie de s’associer à nos travaux. ✱
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