Mal aux cuisses? Et si c’était une endofibrose!

Mal aux cuisses? Et si c'était une endofibrose!
Mal aux cuisses? Et si c’était une endofibrose!

L’endofibrose iliaque externe est une blessure artérielle spécifique du cycliste ! Il faut y penser si vous décrochez systématiquement dans les bosses ou à la moindre accélération. Alors, description et solution ! 

Le pédalage se caractérise par des flexions de hanches amples, répétées et rapides, 80 à 100 fois par minute si vous prenez soin de « mouliner ». À l’occasion d’une sortie de 100 kilomètres, vous effectuez ce mouvement environ 20 000 fois !

L’artère iliaque externe passe en avant de cette articulation ; elle se plie et se déplie tout autant. Elle amène le sang vers l’avant de la cuisse, notamment dans le gros muscle quadriceps ! Avec les années, les microlésions de la paroi vasculaire cicatrisent de façon volumineuse à la manière d’une balafre cutanée, c’est l’endofibrose. À ce mécanisme de torsion s’associent des phénomènes de traction qui finissent par allonger l’artère. Résultat, elle se contorsionne de plus en plus et s’abîme encore. 

L’artère maintes fois pliée s’épaissit et s’obstrue

L’épaisseur de la fibrose empiète sur l’orifice du vaisseau. À la clé : un débit sanguin et un apport en oxygène insuffisants dans les cuisses dès que l’effort s’intensifie. Statistiquement, l’endofibrose iliaque externe devient symptomatique à partir de 120 000 kilomètres au compteur. Elle touche plutôt des compétiteurs de bon niveau âgés en moyenne de 30 ans. Dans 10 % des cas, surtout chez le pratiquant senior, une plaque de graisse et de cholestérol vient épaissir cette lésion. Exceptionnellement, un caillot se forme au contact de ce rétrécissement, provoquant une obstruction brutale de l’artère et une nécrose des muscles ! Cette complication grave constitue une urgence extrême !

Que ressentez-vous ?

Lorsque vous roulez tranquillement, caché dans le peloton, en relative aisance respiratoire, vos muscles reçoivent suffisamment d’oxygène et tout se passe bien ! Si une attaque se produit et que vous tentez de vous accrocher, vos cuisses deviennent brusquement douloureuses. Les victimes décrivent volontiers une sensation de cuissard trop serré. Si vous insistez, les brûlures deviennent insoutenables et vous devez renoncer ! Votre médecin du sport réalise son diagnostic surtout à l’occasion de l’entretien.

BRUSQUESBRÛLURES DE CUISSES QUAND L’EFFORT S’INTENSIFIE

Votre pratique assidue et prolongée du cyclisme ainsi que vos symptômes sont hautement révélateurs. Dans le cabinet médical, il est rare de retrouver une diminution du pouls artériel à la cheville alors même que votre hanche est maintenue en flexion maximum. Le praticien se doit d’éliminer d’autres blessures qui peuvent ressembler à l’endofibrose iliaque externe, on parle de « diagnostic différentiel ». Il faut notamment évoquer une tendinite du psoas et du droit fémoral qui fléchissent activement la hanche à l’occasion d’un cycle de pédalage rond.

BLESSURES DE HANCHES, NERFS ET TENDONS SE RESSEMBLENT PARFOIS !

Il est impératif de penser à une souffrance du nerf qui donne la sensibilité de la face antérieure de cuisse. Il peut être comprimé au contact d’une hernie discale dans la colonne vertébrale. Il peut également être coincé dans le petit canal fibreux qui lui permet de franchir l’os du bassin. Il s’agit respectivement d’une « cruralgie » ou d’une « méralgie paresthésique ». La hanche provoque parfois des douleurs à l’avant de la cuisse quand le fémur vient taper sur la face antérieure du bassin. Cette lésion porte le nom de « conflit de hanche ».


Attention au penchant pour la flexion

Endofibrose iliaque externe, compression d’une racine nerveuse par hernie discale, coincement d’un nerf dans l’os du bassin et conflit de hanche sont parfois intriqués. Ils sont tous provoqués par une flexion de buste excessive ! Une bonne occasion de vous glisser qu’une recherche inconditionnelle d’une attitude aérodynamique peut se révéler délétère pour votre appareil locomoteur !  Sans compter que l’inconfort altère souvent la puissance et dégrade la performance à l’occasion des épreuves de longue durée !

Comment confirmer votre diagnostic ?

Des examens complémentaires sont indispensables pour s’assurer qu’il s’agit d’une endofibrose iliaque externe. La visualisation de la lésion sur l’artère n’est pas possible au repos avec un écho-doppler. Il est nécessaire de réaliser cet examen en dynamique, à l’occasion d’une épreuve d’effort sur vélo. à l’issue d’un exercice intense et dans les minutes qui suivent, la tension artérielle du côté douloureux est nettement inférieure à celle mesurée du côté sain.

Epreuve d’effort avec écho-doppler artériel et prise de tension artérielle

Si les symptômes sont bilatéraux, la comparaison s’effectue avec les chiffres obtenus aux membres supérieurs. Si cette analyse fonctionnelle semble confirmer une endofibrose, un examen artériel plus invasif est nécessaire pour visualiser l’épaississement de la paroi du vaisseau. Il s’agit d’une artériographie ou « écriture de l’artère » au cours de laquelle
le radiologue vous injecte dans le sang un produit opaque qui viendra dessiner les bordures vasculaires. Cette procédure peut être sensibilisée par des manœuvres dynamiques au cours desquelles
vous placez votre hanche en flexion.

Le traitement : la chirurgie !

Une fois que la lésion est constituée, aucune stratégie médicamenteuse, rééducative ou ergonomique ne permet la disparition de l’épaississement et de l’allongement de l’artère. Une opération s’impose ! Elle doit être réalisée
par une équipe expérimentée car cette blessure est rare et le geste chirurgical n’est pas simple. La technique habituelle consiste à remplacer le segment abîmé et distendu par une portion de veine prélevée dans la jambe.

On remplace l’artère abîmée par un greffon veineux

Étonnamment, la texture plus fine du tissu veineux n’est pas un facteur de fragilité. Au contraire, la consistance plus souple de ce greffon assure une meilleure tolérance aux flexions itératives. L’hospitalisation dure 3 à 5 jours afin de surveiller l’absence de saignement ou de caillot.

Les flexions amples de hanche et le cyclisme sont à éviter pendant 6 semaines. À l’issue de ce délai, la reprise progressive du vélo est possible. Il semble opportun de renouer avec le pédalage en salle, avec un buste presque redressé. Peu à peu home-trainer et route sont au programme en prenant soin de remonter un peu le cintre pour limiter les contraintes en flexion de hanche. À 3 mois post-opératoires, un entraînement intensif et quelques compétitions préparatoires sont envisageables.

Triathlète adepte du cardiotraining et de la musculation - Médecin du sport - traumatologue du sport - nutritionniste du sport - diplômé en entraînement du sportif - Rédacteur en chef