Faut-il encore avoir recours aux sciences pour démontrer les bienfaits de la nature et du sport sur la santé des jeunes ? Il semblerait que oui, car de nombreuses études révèlent que le temps passé à l’extérieur a considérablement diminué chez les enfants et les adolescents et qu’ils sont aujourd’hui moins actifs physiquement1.
Par le Ministère chargé des Sports, Direction des sports (Bureau de l’élaboration des politiques publiques du sport / Mission sport et développement durable
Il s’agit de mieux connaître les effets bénéfiques que peuvent avoir les sports de nature sur le développement des jeunes afin d’en favoriser la pratique.
Nous le savons tous, les jeunes sont beaucoup trop souvent confinés entre quatre murs, et ce bien avant le confinement lié à la crise sanitaire. Aussi sortir dans la nature devient-il désormais vital !2 L’idée d’un syndrome de manque de nature fait son chemin. Elle part de l’hypothèse que, en passant plus de temps dedans, loin de la nature, les hommes s’exposent à de nombreux problèmes physiques et mentaux. En 2005, le journaliste et auteur américain, Richard Louv, publie une enquête : Last Child in the Woods (« Le dernier enfant dans les bois »), dans laquelle il développe le concept de « nature-deficit disorder » ou « syndrome de manque de nature » qui souligne avec subtilité la gravité de la situation : les symptômes sont inquiétants et sérieux, mais le remède à ce syndrome de manque de nature est simple : Sortir ! Les études scientifiques continuent d’éprouver ces hypothèses ; en témoignent les interconnexions entre le sentiment de bien-être et la biodiversité3.
Dès 2011, la campagne de communication lancée par le ministère des Sports « Les sports de nature, tous dehors ! »4 visait à sensibiliser les prescripteurs d’activités autour des valeurs éducatives des sports de nature. Les ressources pédagogiques produites invitent à s’interroger sur la place des sports de nature « du dehors » dans l’éducation et la contribution du plein air aux enjeux de santé publique chez les jeunes. Ce lien à la nature est plus qu’un simple loisir, il recouvre un besoin d’être connecté au vivant, une recherche du bien-être renforcée par le sentiment de liberté, d’humilité et d’émerveillement qui distinguent ces activités sportives de nature. L’escalade d’une falaise ou la descente d’une rivière en canoë-kayak apparaissent comme des lieux privilégiés d’éducation à l’environnement et de préservation de la biodiversité. Ces activités exigent une compréhension de l’environnement, pour pouvoir décider et progresser en sécurité.
L’éloignement des espaces naturels dû aux effets d’une urbanisation croissante et l’augmentation de craintes parentales relatives à la sécurité des enfants seraient les principales causes de la diminution du temps passé à jouer dehors6. En 2007, le jeune Ed Thomas avait le droit, à 8 ans, d’aller seul au bout de sa rue à moins de 300 mètres de sa maison, sa mère Vicky avait, en 1979, le droit d’aller seule à la piscine à 800 mètres de chez elle, son grand-père Jack pouvait, en 1950, aller au bois à plus d’1,5 km de chez lui et enfin son arrière-grand-père George en 1919 était autorisé à aller pêcher à près de 10 km de chez lui. Comment inverser cette tendance, retrouver cette confiance et cette autonomie d’antan ?
Dans le cadre de formations professionnelles organisées par le ministère des Sports, un groupe d’experts éducatifs mène une réflexion pédagogique sur notre rapport personnel à la sécurité, à la prise de risque et à l’autonomie dans les sports de nature. Leur postulat vise à démontrer que chez un jeune public, l’apprentissage de l’autonomie rend la sécurité plus efficiente. En analysant sa situation au regard de ses capacités, du lieu et des conditions de pratiques (météo, matériel…), l’enfant construit ses propres repères. Pour l’éducateur sportif comme pour l’enseignant, il convient de transmettre ces clés de lecture de l’environnement, qui permettent à chacun d’agir, de s’adapter, de sortir de sa zone de confort pour mieux y revenir. L’entrée dans un milieu naturel par la pratique sportive favoriserait cette approche active et corporelle de la sécurité. Appréhender l’océan par le surf, la forêt par la course d’orientation, ou encore la montagne par la randonnée, conduirait à une approche moins anxiogène et plus ludique du milieu naturel. Elle aiderait au dépassement de soi, au besoin d’accomplissement, principal moteur du renforcement de l’estime de soi et de l’épanouissement individuel7.
Si l’exposition à la nature peut grandement améliorer les habiletés motrices générales telles que l’équilibre, la locomotion, l’endurance, le simple fait d’être dans un espace vert en ville permet également d’améliorer nos interactions sociales. Plusieurs expériences révèlent que les enfants ayant l’occasion de pratiquer des activités physiques et sportives, notamment outdoor, développent davantage de compétences psycho-sociales. Les enfants qui jouent dehors établissent plus de contacts avec autrui, ils développent une ouverture d’esprit, une socialisation accrue et une capacité plus importante à la collaboration.
Ces observations font écho aux nombreuses études anglo-saxonnes, issues des Natured Based Learning (traduit par
« l’école dehors »), qui montrent l’importance du contact de la nature dans la construction de l’individu. Les élèves exposés à la nature travailleraient mieux en équipe et seraient plus disciplinés en classe. De plus, l’expérience répétée de la nature favoriserait rapidement et plus durablement une sensibilité environnementale, un lien « éco-formateur »8 qui permet une prise de conscience des équilibres fragiles de la nature et une envie d’en prendre soin.
À Grenoble, une récente étude du laboratoire SENS, en sciences humaines, a mis en évidence que les principaux freins à la pratique sportive sont d’ordre motivationnel, et liés à nos habitudes. Durant le premier confinement (en mars-avril 2020), ce n’est pas la proximité à un espace de pratique, ni à l’inverse l’injonction à rester chez soi, qui a conditionné le plus notre pratique physique mais bien nos habitudes. Créer les conditions d’une pratique physique régulière est devenu un enjeu central face aux problèmes de la sédentarité. Alors même que nous sommes naturellement programmés pour être mobiles à l’extérieur, nos enfants sont devenus au fil des années plus
« passagers » que piétons. Selon une enquête publiée en 2008 par le CGDD (Commissariat général du développement durable) « 70 % de tous les déplacements des enfants de 6 à 14 ans sont effectués en voiture ». Cette réalité questionne de plus en plus notre relation au transport tant pour le quotidien que pour les loisirs (itinérances à vélo, à pied, à cheval, via des pratiques nautiques).
La généralisation du programme « Savoir Rouler à Vélo » (qui vise l’apprentissage du vélo en autonomie pour l’ensemble des enfants avant l’entrée au collège) contribue de manière concrète à cette volonté d’impulser un changement dans les habitudes, et ce dès le plus jeune âge. Il répond au développement d’une mobilité économique qui associe une mobilité écologique saine.
La crise sanitaire de la Covid-19 a fait émerger des interrogations sur notre rapport au vivant9 et rappelle le lien étroit entre santé humaine, santé animale et santé de l’environnement. Les comportements humains, par leur impact sur la biodiversité ou le changement climatique, ne sont pas sans conséquence sur le développement des zoonoses10. Témoins de ces effets sur leur terrain d’expression, les sports de nature sont une invitation à mieux comprendre les interactions des écosystèmes. Ils constituent un puissant levier d’éducation à l’environnement favorisant le changement de nos comportements ainsi que nos modes de vie vers une plus grande adéquation entre notre santé et notre quotidien.
À travers ce propos, il ne s’agit pas d’opposer le dedans au dehors mais bien de trouver un équilibre dans un système d’éducation, de transmission qui doit jouer pleinement son rôle en faveur d’un développement durable pour les générations futures. Alors, qu’attendons-nous pour envoyer nos enfants jouer dehors ?
1 « En 40 ans, nos collégiens ont perdu environ 25 % de leur capacité physique (…). En 1971, un enfant courait 800 mètres en 3 minutes, en 2013 pour cette même distance, il lui en faut 4 ! » Pr François Carré, cardiologue au CHRU de Rennes et membre de la FFC
2 http://www.biodiversite.reseauecoleetnature.org/ressources-sortir
3 Sentiment de bien-être et réparateur en milieu urbain et périurbain, Institut d’écologie et de l’environnement – Paris
4 https://www.sportsdenature.gouv.fr/education
5 Revue EPS N° 379, janvier 2018 p. 26 « Faire de l’apprentissage de l’autonomie un enjeu de sécurité », Aziz Chlieh, Lionel Vialon, Vincent Bouchet
6 https://www.terraeco.net/Comment-on-a-interdit-aux-enfants,56622.html
7 Témoignage de Louis Espinassous : https://www.sportsdenature.gouv.fr/se-former/temoignages-experts
8 Une tribune « Après le confinement, apprenons dehors ! », rédigée par les membres du COPIL Recherche Action Grandir avec la nature
9 « Décrire et nommer le vivant : le défi de la taxonomie », un podcast avec Philippe Grandcolas.
https://www.mnhn.fr/fr/pour-que-nature-vive
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