Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour » fut la conclusion pratique de l’étude SU. VI. MAX. Cet acronyme accrocheur signifie « supplémentation en vitamines et en minéraux antioxydants ». Cette étude fut menée par l’INSERM, elle débuta en 1994 et dura huit ans.
Pendant cette période, la santé de 13 000 personnes de 30 à 65 ans a été scrutée. La moitié d’entre elles prenait quotidiennement une gélule contenant un cocktail de principes actifs : du bêta-carotène ou provitamine A, de la vitamine C, de la vitamine E, du zinc et du sélénium. Les doses restaient modérées, comparables à celles retrouvées dans une alimentation variée et équilibrée. La seconde moitié des individus prenait un placebo, une gélule constituée de farine. Il s’agissait d’une étude dite en « double aveugle » ; ni le patient ni l’expérimentateur ne connaissait la composition de la gélule. À l‘issue des huit années d’observation, une petite différence fut décelée entre les deux groupes. Les hommes complémentés faisaient un peu moins de cancers que les hommes sous placebo. Chez les femmes, cet écart n’existait pas.
Pour expliquer cette constatation, on émit l’hypothèse que les femmes se nourrissaient plus volontiers de crudités, de légumes et de fruits. Les conclusions concrètes de cette recherche furent difficiles à porter. Relater objectivement les résultats pouvait conduire à indiquer que des compléments nutritionnels parvenaient à remplacer une alimentation équilibrée. Voilà qui ne se montrait pas politiquement correct. D’ailleurs, sur les emballages de ces produits, on voit mentionné « … ne peut pas se substituer à une alimentation équilibrée et à un mode de vie sain ».
Afin que la population ne conclue pas à l’existence d’une pilule miracle apte à justifier toutes les errances nutritionnelles et comportementales, les institutions ont préféré extrapoler, quitte à renoncer à la rigueur scientifique de l’analyse. Le message pédagogique choisi fut le célèbre : « Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour ». Cette spéculation intellectuelle considère les fruits et les légumes comme des gélules de vitamines et d’antioxydants.
Pourtant, ces aliments ne contiennent pas tous les micronutriments présents dans la complémentation
SU. VI. MAX. Le zinc et le sélénium, par exemple, activent des enzymes impliquées dans les chaînes de réactions biologiques permettant de lutter contre l’oxydation. Ces deux oligoéléments sont rares dans les végétaux mais beaucoup plus abondants dans la viande.
À l’inverse, les fruits et les légumes contiennent, en plus des fibres, de l’eau ainsi que d’autres minéraux et antioxydants complémentaires gages d’efficacité. De surcroît, on y trouve des pesticides et beaucoup de sucres ! Alors le slogan « Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour » aurait-il oublié de mentionner la dose maximale ?
Chez Doc du Sport, on aime vous parler de médecine évolutionniste. Cette discipline, chère aux Anglo-Saxons, consiste à analyser les réactions physiologiques et pathologiques des êtres vivants à travers le prisme de la sélection naturelle. Les pesticides nous en donnent encore l’occasion.
Pour survivre et s’implanter, les plantes sont en concurrence avec leurs voisines. Elles produisent des herbicides naturels. Elles se défendent contre les champignons, les insectes et les prédateurs herbivores en synthétisant des fongicides, des insecticides et autres pesticides.
En réaction, les végétaux agressés et les animaux produisent puis sélectionnent des systèmes enzymatiques aptes à les dégrader. L’Homme en bout de chaîne alimentaire fait de même ! Le foie est le spécialiste de cette détoxification. Parmi les protéines intervenant dans ces nombreuses réactions biochimiques notons une molécule clé, le cytochrome P450, dont nous reparlerons.
Ainsi, les premiers herbicides, fongicides, insecticides ou pesticides inspirés de la nature sont-ils dégradés par le vivant et peu toxiques. La roténone, longtemps autorisée en agriculture bio, est extraite de plantes toxiques comme le Tephrosia.
En contrepartie, de rapides résistances apparaissent et se révèlent source d’inefficacité. La réaction de l’industrie chimique ne se fait pas attendre. Elle greffe des atomes de chlore sur les squelettes carbonés de ces molécules organiques pour donner naissance à des « pesticides organophosphorés ».
Leurs structures artificielles les rendent trop volumineux et trop atypiques pour s’emboîter dans les enzymes. Ils deviennent indestructibles, on dit qu’ils sont « persistants » ! Ils s’accumulent et se concentrent au fil de la chaîne alimentaire. Certains ont même la propriété de bloquer le cytochrome P450.
Le plus célèbre fut le DDT, dont la toxicité finit par engendrer son interdiction en 1972. Depuis, les nouveaux pesticides furent nombreux. Reconnus comme très efficaces pendant quelques années, ils révèlent ensuite leur dangerosité et finissent par être interdits. Le médiatique glyphosate semble suivre un chemin comparable !
Puisque les pesticides s’attaquent à la biologie du vivant, on peut suspecter qu’ils soient délétères pour de nombreux organismes. Les organophosphorés constituent l’exemple caractéristique. Ils altèrent le fonctionnement du système nerveux des insectes… et des êtres humains ! Les principales victimes sont les agriculteurs qui réalisent les épandages.
En aigu, à l’occasion d’une erreur de manipulation ou d’une exposition excessive, ces substances provoquent des maux de tête, des nausées, des vertiges, des convulsions et des comas. En chronique, elles semblent favoriser l’émergence de maladies neurodégénératives, de cancers du cerveau ou de leucémies. Suite à l’utilisation massive d’un puissant défoliant surnommé « agent orange », les soldats revenus du Vietnam et surtout les populations locales ont aussi souffert de troubles neurologiques et de cancers.
Pour affamer les populations et détruire les caches, avant l’intervention des troupes au sol, les avions américains répandaient l’ « agent orange » et « préparaient le terrain » en anéantissant la végétation.
Déjà, la firme MONSANTO tenait la vedette puisqu’elle produisait en masse l’agent orange… Les consommateurs ne sont pas épargnés ! Une étude menée à Honolulu met en évidence que ceux qui mangent quotidiennement plus de 3 fruits issus de l’agriculture traditionnelle ont un risque de maladie de Parkinson augmenté de 70 %.
Heureusement, un article publié dans Environnemental Health Perspectives indique qu’une alimentation « bio » d’une semaine suffit à faire chuter la concentration urinaire en pesticides de 20 à 40 %. Alors, ne soyons pas trop pessimiste et tentons d’être objectif en relatant les études rassurantes.
L’une d’elles a été réalisée aux États-Unis. Elle met en évidence que 70 % des fruits traditionnels ne contiennent aucune trace de pesticides. Il suffit pour cela que les traitements aient été appliqués à la bonne dose et au bon moment. Richard Bonanno, agronome à l’université du Massachusetts, précise que seuls 2 à 3 % de ces « denrées non bio » contiennent des taux de pesticides supérieurs aux normes autorisées. Précisons que ces dernières proviennent de recherches réalisées sur des animaux exposés à une unique molécule.
Malheureusement, l’être humain a le triste privilège d’être exposé à un cocktail de substances dont ont ignore la dangerosité ! De surcroît, on retrouve parfois des traces de pesticides dans les produits « bio » par diffusion aérienne ou imprégnation des nappes phréatiques. En pratique, si vos finances vous le permettent, préférez le « bio » vendu en moyenne 30 % plus cher.
Ce conseil est particulièrement pertinent pour les fruits, les crudités et les légumes les plus traités. Dans l’agroalimentaire, on les surnomme « les douze salopards » : pomme, céleri, pêche, fraise, nectarine, raisin, épinard, salade, concombre, myrtille, pomme de terre.
À l’inverse, certains sont moins contaminés ou sont protégés par une peau épaisse non comestible. Mais attention concernant ces derniers, les doses autorisées sont souvent plus importantes. De fait, il est vivement déconseillé d’utiliser le zeste des agrumes.
Quoi qu’il en soit, vous pouvez plus volontiers consommer les fruits suivants en provenance de l’agriculture traditionnelle : orange, pamplemousse, mandarine, citron, banane, kiwi, ananas, mangue, melon, patate douce, asperge, avocat, chou, aubergine, oignon, petit pois.
Néanmoins, rappelons quelques recommandations. Les fruits « non bio » à peau fine doivent impérativement bénéficier d’un rinçage à grande eau. Certains proposent de les laver dans de l’eau légèrement salée, bicarbonatée ou contenant un peu de vinaigre blanc.
Les éplucher puis les passer sous l’eau peut constituer une stratégie plus exhaustive. Ce mode de consommation est impératif pour les « douze salopards ».
Comme son étymologie l’indique, le fructose constitue le sucre principal des fruits. Est-ce suffisant pour nous donner bonne conscience et en consommer sans limites ? Le fructose a fait une entrée en fanfare dans le monde de la nutrition du sport.
Dans les années 1990, tous les adeptes des sports d’endurance cherchaient à manger des sucres lents. Le concept en vigueur est relativement simple. Si un aliment riche en glucides se digère lentement, le glucose passe progressivement dans le sang.
Les muscles ont le temps de le capter au fur et à mesure et le stockent sous forme de longues chaînes appelées glycogène. Cette réserve intramusculaire a la réputation d’être indispensable pour soutenir des efforts prolongés du type course de fond, cyclisme ou triathlon. À l’inverse, un sucre rapide libère à toute vitesse ses glucoses qui envahissent la circulation sanguine.
Le muscle ne parvient à en absorber qu’une petite fraction. Le reste se transforme en acides gras. Ces derniers sont mis en réserve dans le foie ou le muscle et surtout dans les cellules adipeuses. Ils ont la réputation d’être moins disponibles et moins utiles pour l’exercice de longue durée, notamment au voisinage de l’essoufflement. La lenteur d’un sucre est quantifiable grâce à l’index glycémique.
De façon arbitraire, celui du glucose est de 100. Pour vous fixer un ordre de grandeur, l’index des spaghettis complètes al dente est d’environ 60. Pour expliquer cette lenteur, rappelons que les pâtes sont faites d’amidon et que cette molécule, comme le glycogène, est un grand buisson où chaque feuille est un glucose. Pour les digérer, il faut que les enzymes élaguent chaque petite branche. À l’inverse, le fructose est, comme le glucose, un unique maillon de glucide.
Pourtant, son index glycémique est de 20 ! Comment expliquer l’extrême lenteur de ce sucre si simple ? Pendant des années, la faculté a expliqué au futur nutritionniste que le fructose devait traverser le foie et s’y transformer peu à peu en glucose. Voilà qui faisait de cette molécule un « super-sucre lent », particulièrement apte à fournir du glycogène. Un mot fut même inventé pour définir cette qualité hors normes : le fructose était dit « fortement glycopéxiant » !
Puis la révolution du « sirop de glucose fructose » est arrivée ! Les États-Unis ont souhaité devenir indépendants de la betterave sucrière du Vieux Continent. L’agroalimentaire les y a aidés. À l’aide d’enzymes, il transforme l’amidon des immenses champs de maïs en glucose.
Les ingénieurs parviennent même à changer le glucose en fructose grâce à une « isomérase ». C’est intéressant car le second a un pouvoir sucrant 30 % plus élevé que le premier, de quoi satisfaire les consommateurs bientôt addicts à cette saveur !
Le sirop de glucose fructose, peu coûteux, entre désormais dans la composition de tous les produits sucrés hyper-transformés et notamment dans les sodas. Et les Américains se mettent à consommer des quantités astronomiques de fructose ! C’est alors que survient une épidémie de « foie gras » appelé aussi « stéatose hépatique ».
Cette maladie est une accumulation de graisse dans le foie, comparable à celle qui se constitue après le gavage des oies ! Elle peut dégénérer en cirrhose et même en cancer du foie ! Alors, pourquoi autant de graisse dans le foie des cow-boys qui avalent du sucre ? Vous l’avez deviné ! C’est à cause du fructose ! Si le fructose détient un index glycémique de 20, ce n’est pas parce qu’il tarde à faire du glucose, c’est à cause de sa transformation ultrarapide en acides gras !
Bien sûr, les fruits ne contiennent pas autant de fructose que les effroyables sirops concoctés par l’agroalimentaire, mais il est important d’intégrer que cette molécule est conçue pour faire du gras ! Encore une fois la médecine évolutionniste nous aide à justifier ce processus biologique.
Au paléolithique, pas de sirop de glucose fructose, seulement des fruits ! Et encore, uniquement à la belle saison ! On comprend alors pourquoi la nature a sélectionné un stockage massif du sucre des fruits sous forme de graisse. Au printemps et en été, il était indispensable de faire des réserves pour l’hiver ! Voilà qui explique aussi cette appétence toute particulière pour le goût sucré… on pourrait dire « fructosé » !
Je vous rappelle que sur la langue, les papilles gustatives ne détectent que 4 saveurs : le sucré, le salé, l’acide et l’amer ! Toutes essentielles à la survie ! Le sucré pour faire des réserves énergétiques et manger des aliments à haute densité nutritionnelle. Le salé pour chercher le sodium omniprésent dans notre milieu extracellulaire comparable à un manteau marin. L’acide pour déceler les fruits insuffisamment mûrs. L’amer pour détecter les aliments rances. Pour mémoire, les autres perceptions ne sont pas des saveurs mais des flaveurs.
Elles proviennent des molécules volatiles contenues dans les aliments et volontiers libérées par la mastication. Elles s’élèvent à l’arrière de la cavité buccale et gagnent les fosses nasales. Voilà pourquoi vous profitez moins d’un bon repas quand vous êtes enrhumé. Voilà pourquoi les grands cuisiniers, cotés 3 étoiles au Michelin, peuvent décupler à l’infini vos perceptions à la manière d’un « nez » créant un nouveau parfum !
Bref, le fructose est probablement plus addictogène que le glucose ! Heureusement quand vous mangez des fruits, le fructose est inséré dans la cellulose constituant le squelette du végétal. Il est digéré lentement et n’envahit pas instantanément le sang. Mais ce sucre garde quand même sa propension à devenir du gras dans le foie !
D’ailleurs, les grecques gavaient les oies avec des figues afin d’obtenir un foie gras particulièrement savoureux ! De fait, une extrême prudence s’impose lorsque la carcasse cellulosique a disparu. Les jus de fruits et même les smoothies ou les purées de fruits sont des véritables bombes à glucides, dont l’explosion répand des lipides dans le foie et dans tout l’organisme ! Nous ne sommes pas faits pour ingérer de grandes quantités de calories sous forme liquide.
Même notre cerveau ne sait pas interpréter cette information et ces boissons sont très peu satiétogènes ! Chez le sportif, les jus de fruits gardent une place en tant que boissons de l’effort. Dans ces conditions, le passage rapide dans le sang du fructose et du glucose peut constituer un avantage. Cependant, même dans ce contexte, il faut diluer le breuvage pour étaler l’apport en glucides. Si le sucre passe trop vite dans le sang, l’insuline chargée de le faire rentrer dans les cellules est sécrétée en grande quantité et outre-passe sa mission, provoquant des hypoglycémies réactionnelles.
Même si ce phénomène est pondéré par l’adrénaline produite à l’exercice, il peut survenir au cours des activités d’endurance d’intensité moyenne. De fait, il est d’usage de proposer un mélange contenant 1/8 ou 1/4 de jus de fruits complété par une eau minérale bien équilibrée du type Vittel.
Les jus de pomme ou de raisin sont conseillés car, contrairement aux jus d’agrumes, ils ne contiennent par de sorbitol irritant pour l’intestin. À distance du sport, notre culture gastronomique nous oriente vers une consommation appropriée des fruits. Ils prennent une place de choix en fin de repas quand leur digestion est ralentie par l’ensemble du bol alimentaire.
En collation, la prudence s’impose pour éviter l’hypoglycémie réactionnelle. Ils doivent être mastiqués lentement. Une poignée de fruits secs associés à des oléagineux constitue une bonne option car les amandes et autres noix, riches en lipides, freinent l’évacuation gastrique et favorisent une satiété prolongée.
Ceci dit, même sous forme solide, la modération s’impose ! Si le slogan « Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour » n’a pas mentionné de limite supérieure, les médecins spécialistes du foie, les hépatologues, s’accordent désormais sur une quantité maximale de 3 à 4 fruits de taille moyenne par jour et 2 si vous souhaitez perdre du poids ! Et de préférence des fruits de saison pour mieux coller à notre biologie ancestrale !
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