Le sport, bon pour le moral de nos enfants

Le sport, bon pour le moral de nos enfants
Le sport, bon pour le moral de nos enfants

Pendant le confinement, l’impossibilité de pratiquer librement a plongé les familles dans des états émotionnels qui posent question. Alors, quelle est l’influence psychologique du sport sur le moral nos enfants ?

 Par Alexandre Lejeune, psychologue du sport

Le confinement fut le révélateur des bienfaits du sport pour le moral. En son absence, bon nombre d’enfants ont souffert d’états de manque, de troubles de l’humeur et du sommeil, d’un désinvestissement progressif ou d’un réinvestissement pulsionnel. Nous savons, puisque nous le ressentons, ce que le sport nous apporte mais quels en sont les bénéfices et parfois les risques pour nos enfants ?

Le sport, c’est bon pour la santé… mentale !

Il est d’usage de considérer que le sport a par essence des effets positifs sur la santé en générale et sur celle de nos enfants. Bien sûr, à l’évocation du mot « santé », on pense immédiatement au corps et à l’impact positif d’une pratique régulière : régulation du poids, prévention des risques cardio-vasculaires, bon développement de l’appareil locomoteur…

Alors, oui nous pourrions dresser une énième liste sur les bienfaits d’une pratique régulière sur le corps humain, ou bien argumenter que le sport contribue activement au bon développement du cerveau et des habiletés motrices de l’enfant mais j’aimerais surtout attirer votre attention sur le sport en tant que vecteur d’équilibre affectif et psychologique, car c’est bien de l’équilibre psychique de ces sportifs en herbe qu’il est question ici.

Un bon terrain de jeu pour prendre confiance en eux

Le sport offre un véritable étayage narcissique pour les plus jeunes débutants. D’abord, grâce aux encouragements et aux renforcements positifs d’éducateurs bienveillants, figures expertes de leur nouveau terrain de jeu dont la voix portera parfois plus que celle bien connue des parents. Il suffit de se déplacer au bord des terrains d’entraînements des plus petits et de tendre l’oreille pour entendre à quel point ils peuvent s’appuyer sur les valorisations de leurs petites avancées et le soutien sans failles apporté à leurs tentatives infructueuses. Ce sera sans doute moins le cas en grandissant mais nous y reviendrons plus tard.

Ensuite, le monde sportif (comme celui de l’art) offre à l’enfant la possibilité de choisir son premier véritable espace personnel, dans lequel il pourra s’exprimer et s’épanouir hors du système familial. C’est dire l’importance pour nous, parents, de prendre conscience que ce choix lui appartient ! Cet espace, puisque choisi et non contraint (au contraire de l’école), lui offre par conséquent une toute nouvelle manière de mettre au travail plusieurs aspects psychiques tels que le rapport aux règles, la concentration, la rigueur et la conviction qu’un résultat peut être obtenu après un effort. C’est aussi en cela qu’il sera plus à même de rencontrer davantage de succès, qui alimenteront son estime de soi.

Que la force soit avec eux !

Combien d’enfants aujourd’hui sont arbitrairement diagnostiqués hyperactifs par leur enseignant d’école primaire ? Combien d’entre nous ont eu sur leur bulletin scolaire « doit canaliser son énergie » ? Certes, mais comment faire ?

À la manière d’« apprentis Jedi », nous devons apprendre tout au long de la vie à mieux nous connaître, à maîtriser cette énergie qui bouillonne à l’intérieur et à réguler nos émotions pour adapter nos comportements. Quel meilleur apprentissage que la pratique sportive, au travers d’une dépense énergétique qui cherche à se coupler à la focalisation de l’attention et la recherche du geste juste ? Cette quête permanente du bon équilibre leur offre un cadre dans lequel ils peuvent essayer, réussir, échouer, recommencer, pour que de « jeunes padawans » ils puissent devenir « Jedi ».

Un bon remède contre l’anxiété…

Le sport représente en effet une parade efficace contre les troubles anxieux et les accès dépressifs, qui n’attendent pas notre majorité pour se manifester. Les endorphines libérées par le cerveau pendant l’effort aident à améliorer l’humeur, le niveau d’énergie et le sommeil. Et lorsque l’on a des adolescents à la maison, c’est bon à savoir ! L’adolescence constitue un temps de crise, de restructuration psychique : la sexualisation des relations, les modifications pulsionnelles, les changements liés au corps, le flottement identitaire et le rejet des premières figures d’identification sont autant de perturbations qui déstabilisent les ados. En surgissent parfois de nombreux questionnements existentiels qui peuvent provoquer une anxiété importante chez eux.

Le sport offre effectivement, là encore, un espace à soi dans lequel se réfugier et qui l’aidera à supporter les contraintes imposées par l’école et la famille. La possibilité de stopper la pensée pendant un court instant, dans une période où les questionnements affluent sans cesse, est une bouffée d’oxygène précieuse qu’il faut savourer.

Le sport crée du lien !

Je ne parle pas seulement des nouvelles rencontres plus nombreuses. Le sport ouvre là aussi le champ des possibles, en donnant à ces jeunes, parfois inhibés par la pression sociale de la rencontre, la possibilité de se défaire du « je ne sais pas quoi dire », en se centrant sur une tâche à accomplir en commun. Il s’agit là d’une occasion en or pour ces pratiquants, de se lier d’amitié et de booster le sentiment d’appartenance à un groupe. À l’adolescence, cette dimension prend encore plus de sens, à une période où le besoin se ressent de mettre à distance les modèles parentaux, au profit d’autres figures d’identification (le groupe d’amis, l’entraîneur…).

Nombre de jeunes athlètes que j’ai vus, au cours de cette période de crise sanitaire, ont confié que la seule chose qui les faisait supporter cette période anxiogène était la perspective de retrouver les copains à l’entraînement.

L’intensité de l’émotion vécue en commun dans le sport, qu’elle soit positive ou négative d’ailleurs, est une parade incroyable contre le sentiment de solitude.

Attention à l’enjeu plus fort que le jeu !

Après tant d’éloges, il me semble essentiel d’attirer votre attention sur la nécessité d’y apporter de la nuance. S’il paraît évident que les bienfaits de la pratique sportive ne souffrent d’aucune contestation possible, la manière de pratiquer, elle, sera à surveiller de près si l’on veut préserver ces bienfaits.

En grandissant, le jeune pratiquant oubliera bien souvent ce qui était à l’origine de son plaisir, de sa motivation, bref de sa raison d’être, un sportif. Il oubliera et on ne l’aidera pas à s’en souvenir. Nous tous (parents, entraîneurs…), toujours plus englués par cette dynamique puissante de recherche de performance et des bénéfices secondaires qu’il/on pourrait en tirer.

LES ENFANTS QUI PRATIQUENT DU SPORT RÉGULIÈREMENT ONT EN MOYENNE UN NIVEAU D’ESTIME DE SOI PLUS ÉLEVÉ.

Il est parfois très loin le cadre bienveillant et soutenant, décrit plus tôt, proposés aux jeunes débutants. Et alors que la pratique sportive demeurera toujours potentiellement porteuse de confiance, d’équilibre et de bien-être, notre investissement sportif, lui, est source de risques majeurs pour la santé mentale.  

Ainsi, nombre d’arguments cités plus haut ne s’appliquent qu’à la condition d’une pratique sportive modérée et sont sérieusement mis à mal lorsque l’on bascule dans une pratique intensive. Toute la difficulté pour nous sera de rester vigilants, pour que ce qui s’apparente au début à un rêve, à soutenir et encourager, ne se transforme pas en une pratique obsessionnelle délétère qui laisse des traces.

La pratique sportive de haut-niveau nous demandera alors de rester encore plus vigilants pour préserver l’équilibre psychique de nos futurs champions.

À la question « peut-on être heureux, équilibrés, épanouis et faire du haut-niveau ? », je réponds oui, mais il y aura des risques et il faudra être là pour les aider à les éviter et les surmonter. Nombreuses sont les dérives qui s’y forment : surentraînement, désocialisation progressive, conduites addictives, troubles du comportement alimentaire, accès dépressifs, troubles anxieux, harcèlement moral, abus sexuels… sont autant de symptômes que l’on peut rencontrer et dont il faudra protéger nos jeunes pratiquants. Comment ? Par un suivi médical et/ou psychologique régulier déjà. Et ce que nous pouvons faire en tant que parents / entraîneurs ?

Le terme de crise est utilisé ici dans une conception psychodynamique, en tant que « point de bifurcation dans un continuum d’existence » (Crocq, 1991, p.35).

>> A lire, notre article « Comment faire de vos enfants des adultes sportifs?« 


EN BREF

Le sport regorge de valeurs, de sources d’apprentissages transposables à notre vie quotidienne. C’est une histoire, pleine de péripéties et de rebondissements, qui s’écrit au long cours et dans laquelle les protagonistes noueront des liens, se découvriront, se redécouvriront et vivront sans doute certaines de leurs plus belles émotions et de leurs plus beaux moments. Et si la pratique ne souffre selon moi d’aucun bémol à apporter, les manières de pratiquer et de faire pratiquer, elles, sont primordiales et essentielles si l’on veut en préserver tous les bienfaits.

La gestion des émotions et la maîtrise de soi dans les sports de combat, la gestion de la frustration dans les sports de raquette et le golf, la résistance à la douleur dans les salles de gym et les studios de danse, le goût de l’effort dans les bassins de natation, le kayak et sur les pistes d’athlétisme ou de cyclisme, le sentiment de coopération et de solidarité sur les terrains de hand, basket et foot… sont autant de raisons de foncer pour leur prendre une licence à la rentrée prochaine (s’ils sont demandeurs bien sûr).

Et si votre enfant se révèle très bon, on garde un œil ouvert et une oreille attentive…


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