La Fédération française de la randonnée pédestre (FFRandonnée) encadre plusieurs activités de marche, historiquement plus en loisirs qu’en compétition. Deux visions se croisent, celles des anciens qui marchent pour vivre mieux et longtemps, et celles des jeunes qui cherchent l’action, la confrontation au monde et à soi-même. Les pratiques plus intenses, comme le longe-côte appelé aussi marche aquatique, ou la marche nordique ne sont pas destinées à des déambulations de longue durée, au sens le plus pur du marcheur Homo sapiens, mais elles ont le vent en poupe. Bâti pour et par la marche, l’Homme moderne a sombré dans une sédentarité funeste. Quand il décide de revenir à sa nature profonde, gare aux erreurs de réflexion et de préparation ! Retour aux bases du nomadisme éclairé.
Par le Docteur Sophie Duméy, Membre de la Commission Fédérale de la FFRandonnée
La marche/course sur deux jambes est un exploit technique qui demande au nourrisson une huitaine d’années d’apprentissage. On en prend mal la mesure jusqu’au moment où l’on s’en retrouve privé, ou quand on s’essaie à la marche nordique.
Le bon déroulement du pas implique un équilibre statique et dynamique permanent. Un bon état neuromusculaire et squelettique (voir Nutrition page 38) est nécessaire pour en tirer le meilleur rendement. Cela dit, quoique pratiquée par tous à tout âge et toute condition physique, la randonnée provoque peu d’accidents.
La saison 2017 de la FFRandonnée s’est clôturée avec 875 déclarations à l’assurance fédérale, dont 68,5 % concernent des femmes, ce qui correspond globalement à la proportion de licenciées (62 %). Seuls 11 décès sont survenus (7 hommes, 4 femmes). Les pratiques concernées reflètent aussi leur fréquentation. Les sinistres surviennent majoritairement en mai et juin, beaucoup moins en hiver et en août (quand nombre de clubs arrêtent leurs activités) ; avec deux pics d’accidents en début et en fin de journée (mise en route et fatigue accumulée).
Dans des statistiques plus anciennes (2012), on constate que les traumatismes sont les accidents les plus déclarés : d’abord aux membres inférieurs (36 %) et à la tête (35 %), puis aux membres supérieurs (29 %), suivis de quelques morsures et problèmes cardio-vasculaires et respiratoires. Les traumatismes liés à des pathologies sous-jacentes (en particulier neurologiques et cardiaques) semblent augmenter avec le vieillissement de la population et la mise à la « Marche Santé » de la patientèle médicale…
L’organisme a son rythme, ses horloges, ses besoins et ses variables individuelles. Toute préparation physique en tient compte, que ce soit pour quelques heures de promenade ou un long pèlerinage à Rome (pour changer de Compostelle). Elle repose sur un principe intangible : la randonnée s’adapte à l’homme et non l’homme à la randonnée. Tout parcours doit correspondre aux capacités du marcheur.
En découlent deux options :
La préparation physique commence par l’évaluation de:
Dans les faits, cette forme étant généralement inférieure au niveau idéal et surestimée, il est sage de prendre le niveau le plus médiocre comme base du projet. À noter que les seniors sont habituellement plus attentifs à leurs limites mais pas toujours dans le bon sens : il y a parfois plus de craintes que de réelles limitations.
Outre les informations administratives et touristiques qu’on trouve sur Internet, des sites comme MonGR.fr (FFRandonnée) ou celui de l’IGN (Institut géographique national) permettent de construire son trajet sur le territoire national, avec toutes les données d’altitude, dénivelé, distance, etc. Vous trouverez aussi la nouvelle cotation des itinéraires dans les topoguides (sur la base de 3 critères : effort, technicité, risque). Toutefois, les chiffres parlent peu aux néophytes ; mêmes les profils de dénivelé peuvent paraître abstraits.
En conséquence, il faut se mettre à l’épreuve en commençant par de petites randonnées à la journée, sur des parcours plus ou moins accidentés mais faciles, à des saisons différentes pour expérimenter les aléas climatiques. Les déplacements sur deux jours au niveau facile permettent d’appréhender le sommeil hors de chez soi, en nuitée qu’on choisira rude pour évaluer la tolérance à la perte de confort et la capacité à se réjouir en toutes circonstances. La randonnée doit être une joie pour durer.
Les randonnées de plusieurs jours (jusqu’à la semaine) en milieu accidenté mais à proximité des secours sont l’occasion de tester l’endurance exigée en itinérance de plusieurs semaines. Le surmenage musculaire et articulaire, le mauvais choix des pauses, les erreurs alimentaires se révèlent vite évidents. On y comprend que, lors de longs parcours exigeants, il est sagace de réduire la journée de marche de moitié tous les 3 jours. On peut aussi faire relâche sans sac à dos ce jour-là, à proximité de la civilisation pour gérer les incidents nécessitant des services comme ceux d’une pharmacie.
Il est indispensable pour obtenir une performance initiale suffisante : soit deux séances hebdomadaires de musculation (45 minutes au mieux), jointes à 10 000 pas par jour tous les jours. Mais, comme pour les cartes topographiques, cela reste abstrait hors environnement réel.
En randonnée, il convient de progresser à 60 % de sa capacité maximale (VO2 max) pour garder suffisamment de ressort en cas de pépin. Tout marcheur peut apprécier ce seuil grâce à sa fréquence cardiaque maximale théorique (FC max). Elle correspond à « 220 – âge (en années) ». Pour une personne de 60 ans la FC max est donc de 160 battements par minute. Marcher à 60 % de sa FC max, c’est rester à 96 battements/minute… sur l’itinéraire ambitionné !
Ce calcul n’est pas personnalisé ; la réalité varie avec l’histoire individuelle, la génétique, les maladies chroniques. Si la consultation médicale préalable est indispensable pour
connaître ses limites à l’effort et établir sa trousse sanitaire (médicaments et urgences), celle de médecine du sport est conseillée pour toute randonnée accidentée, en altitude (voir page 20), en climat et milieu hostiles (trek). Elle permet une évaluation fine des ressources physiques avec épreuve d’effort.
Le découragement guette le randonneur au long cours. C’est une des raisons pour lesquelles il faut marcher en groupe (entre 4 et 8 par exemple). Une autre raison est la sécurité que cela procure. À ce propos, les randonnées préparatoires, quelle que soit leur durée, doivent se faire avec les personnes prévues dans l’aventure. Des inimitiés invincibles seront ainsi repérées et évitées par le réarrangement de l’équipe. Ne pas oublier que, en randonnée, les accidents sont très majoritairement dus aux facteurs humains. Ce qui amène à l’indispensable hiérarchie au sein d’un groupe et à la répartition des tâches : l’animateur conduit et trace la route. Il décide pour tous, après avoir entendu toutes les doléances et suggestions. C’est sa responsabilité morale et juridique. Tout transfert de responsabilité doit être pesé : animateur malade ou blessé par exemple.
L’effort de marche se définit par trois critères : l’allure (vitesse), la distance, la durée. Il convient de toujours établir l’itinéraire à partir de la vitesse de déplacement du groupe, car c’est la variable la plus fortement impactée par la forme du marcheur. La sagesse est de fixer l’allure moyenne, dont tous doivent se rapprocher pour randonner dans le temps imparti, et la nuancer en fonction de l’environnement (climat, dénivelé). L’idéal est un groupe au même niveau physique avec la même dépense énergétique (autour de 60 % de la FC max) pour établir l’allure de confort et la consommation calorique. Les écarts sont source de tensions et d’accidents par fatigue et parce qu’ils nécessitent l’adaptation de l’équipement (répartition et poids des sacs) et de l’alimentation (quantité énergétique, eau). Cette exigence augmente avec le degré d’autonomie visé.
La vitesse dépend d’un autre facteur primordial : le poids total en charge du randonneur (poids corporel + équipement). Chez les personnes en surpoids, randonner est souvent pénible « à vide ». L’équipement n’en sera que plus difficile à porter. Cette charge supplémentaire ne doit pas dépasser 10 % du poids corporel pour rester confortable. C’est peu pour de longues distances en autonomie. Il faut y penser dans le programme. Une charge à 20 % du corps corporel est la limite de sûreté chez des individus jeunes en bonne forme.
Ce surpoids brutal représente une épreuve cardio-respiratoire, articulaire et musculaire, qui exige une contrepartie sécuritaire : la réduction du temps de portage. Elle se résume le plus souvent à une réduction de la distance parcourue, faute d’avoir des sherpas à convenance. Si elle n’est pas anticipée lors de l’établissement de l’itinéraire, cette réduction de distance peut mettre en jeu la sécurité du groupe, particulièrement en milieu hostile et/ou isolé.
En conclusion : Distance et durée journalières sont asservies à l’allure de confort, qui dépend du niveau de performance/entraînement. Le poids total en charge est minimisé jusqu’à la limite compatible avec la sécurité en autonomie.
À ses 245 000 adhérents, la FFRandonnée offre, dans ses clubs affiliés, plusieurs pratiques encadrées par des animateurs formés : la marche de randonnée bien sûr, de la courte promenade à l’itinérance sans limite de temps, mais aussi des marches sportives qui séduisent de plus en plus. Elle n’oublie pas les exilés du corps en mouvement et ses randonneurs vieillissants grâce à la Rando Santé® accueillante à tous.
«La randonnée pédestre est une activité physique ou sportive de nature qui consiste à concevoir et parcourir un itinéraire en marchant et sans courir. Elle se pratique sur tous supports permettant un cheminement pédestre sans équipements et/ou techniques de progression liés à l’alpinisme. Cet itinéraire pédestre peut être matérialisé par des éléments de balisage et de signalisation ou non».
Elle se décline différemment en fonction des objectifs de pratique :
Elle varie dans ses appellations en fonction de la durée de la pratique. Plusieurs appellations, qui correspondent à la définition précédente, expriment les différents formats de pratique en fonction de la durée du temps effectif de marche :
Les marches sportives, destinées aux amateurs de défis et de performances pédestres, se caractérisent par un fort kilométrage, toujours supérieur ou égal à 25 km, et un rythme soutenu. Elles sont proposées par 1,7 % des clubs fédérés.
Cette marche est de plus en plus proposée par les clubs FFRandonnée lors d’événements ouverts à tous. La marche Audax est une forme de marche d’endurance proposée par le réseau fédéral depuis 2010 grâce à son partenariat avec l’Union des Audax français. Très codifiée, l’épreuve impose de grands kilométrages à allure fi xe (6 km/h) en équipe, sous la conduite d’un capitaine qui décide les arrêts et vérifie l’allure : 25, 50, 75, 100, 125 ou 150 km. Historiquement pratiquée sur route, elle emprunte de plus en plus les chemins. Elle plaît aux « trailers » et grands sportifs
La marche nordique est proposée par 23.3 % des clubs FFRandonnée grâce à 1 459 animateurs formés à la discipline.
Le longe-côte ou marche aquatique est une pratique développée dès 2014 par la FFRandonnée, qui en est la fédération délégataire depuis 2017. Il s’agit bien d’une activité physique ou sportive qui consiste à marcher en milieu aquatique au bon niveau d’immersion, c’est à dire avec une hauteur d’eau optimale située entre le nombril et les aisselles, avec ou sans pagaie.
La marche avec raquettes. Le milieu enneigé exerce depuis toujours son attrait sur les randonneurs : 33 % des clubs affiliés proposent des sorties en raquettes à neige. Ne nécessitant pas d’autre matériel technique que les raquettes, cette activité ne relève pas de l’alpinisme, alors qu’il est possible de la pratiquer en haute altitude avec les périls inhérents à cette dernière.
La Rando Santé® est la version « thérapeutique » de la randonnée, que la commission médicale fédérale a développée depuis 2010 (voir Santé page 18) bien avant que le Sport Santé ne devienne un programme national. Conduite par un animateur formé, elle s’adresse aux personnes dont les performances physiques sont diminuées temporairement ou durablement. La FFRandonnée l’encadre par un label de club qui garantit l’accueil, la convivialité, l’allure adéquate et la distance pertinente pour ce public varié. Actuellement, 352 clubs sont labellisés et 1 675 animateurs formés.
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