Perrine Fages et Stéven Le Hyaric: à deux c’est mieux!

Perrine Fages et Stéven Le Hyaric: à deux c'est mieux!
Perrine Fages et Stéven Le Hyaric: à deux c’est mieux!

Perrine Fages et Stéven Le Hyaric sont en couple dans la vie comme sur les parcours de trail. C’est pourquoi, cette année, ils ont décidé de se lancer en amoureux sur le trail du Tor des Géants, mais avec des rôles différents. Stéven le coach a suivi Perrine à vélo sur le tracé du parcours pour l’accompagner au mieux dans cette aventure. Ils se sont donc préparés ensemble à parcourir 330 kilomètres avec 24 000 mètres de dénivelé positif entre Courmayeur et la Vallée d’Aoste en Italie. Un défi qu’ils ont tenu à relever ensemble en mêlant leurs expériences personnelles d’aventuriers à la performance sportive.

Propos recueillis par Muriel Hatem

Steven Le Hyaric: J’ai 35 ans et je suis aventurier professionnel. Je viens de boucler la traversée du désert namibien après vingt jours en totale autonomie, j’ai également terminé la traversée du premier des six déserts du projet 666. Le sens de ce voyage est de réveiller les consciences autour des problématiques liées au climat. 666 est aussi un clin d’œil à ce que certains considèrent comme le nombre de l’enfer, de la bête. Un clin d’œil pour m’engager à ma manière pour la planète et contre le dérèglement climatique qui est déjà bien avancé.

Perrine Fages: J’ai 41 ans, je suis avocate et docteure en droit. Je vis au Moyen-Orient depuis six ans. J’explore le monde à pied et à vélo lors d’expéditions et je participe à des courses d’ultra-endurance.

Pourquoi avoir voulu relever le défi du trail du Tor des Géants ?

Steven Le Hyaric: L’idée était de vivre une nouvelle fois quelque chose de fort ; Perrine est derrière moi dans mes expéditions mais c’est toujours difficile car on ne peut pas partager ces émotions en live. Le Tor des Géants, le SwissPeaks l’an passé, l’UTMB cette année ont été pour nous un moyen de partager des moments forts malgré la difficulté de l’épreuve. J’ai besoin de Perrine et je pense qu’elle a besoin de moi aussi.

Perrine Fages: Lors du SwissPeaks en 2020, j’avais demandé à Stéven s’il voulait bien m’assister, et évidemment il avait relevé le défi à vélo ! Ça lui permet de s’entraîner pour ses aventures et c’est un soutien de taille pour moi lors de ce genre d’épreuves qui durent une centaine d’heures. Évidemment, j’avais envie que l’on renouvelle l’expérience pour le Tor.

Qui a motivé l’autre ? Avec quels arguments ?

Steven Le Hyaric: Avec Perrine, c’est toujours surprenant. Elle me transfère un lien de course, une affiche, quelques photos et me dit que ce sera son nouvel objectif. Pour le Tor, j’ai validé tout de suite car j’adore le Val d’Aoste et j’avais adoré l’assister l’an passé déjà sur le SwissPeaks 360 dont le format est très proche de celui du Tor.

Perrine Fages: Comme toujours, je ne lui laisse pas trop le choix, mais je sais qu’il est toujours partant. Le plus dur étant de s’assurer qu’il va être disponible, car il est très pris par son travail.

Comment avez-vous géré votre préparation ?

Steven Le Hyaric: Je fais 30 000 km par an à vélo et cette année je suis en excellente forme malgré la fatigue qui commence à peser dans les jambes. Je m’inquiétais plus de la possibilité pour Perrine d’accumuler des kilomètres et surtout du D+ / D- en montagne car elle vit au Moyen-Orient. L’UTMB était placé stratégiquement juste avant pour bénéficier d’un gros bloc montagne à J-10, on fait comme on peut !

Perrine Fages: Cette année pour moi a été un peu particulière. J’ai déménagé, je suis partie vivre en Arabie saoudite en mars et j’ai commencé un nouveau travail. Je n’ai pas pu avoir le moindre entraînement en montagne. C’est vrai que souvent on s’inscrit à une course, on pense qu’on va s’y préparer à fond et la vie en décide autrement… mais c’était d’autant plus vrai cette année ! J’ai tout de même participé à l’UTMB quinze jours avant pour avoir un gros bloc d’entraînement. Je savais que l’UMTB allait être dur sans la moindre préparation en montée ou descente, mais j’ai tenu bon car c’était obligatoire d’en passer par là pour finir le Tor des Géants deux semaines plus tard.

Quelle a été la place du mental dans cette aventure ?

Steven Le Hyaric: Je dirais que cela représente 75 % du travail ; Perrine est un monstre mentalement, elle ne lâche jamais rien même si là elle a touché à certaines limites. Ce parcours est particulièrement aérien dans sa première partie et très usant ensuite, tout le monde termine épuisé et rarement dans un état psychologique et physiologique de toute fraîcheur.

Perrine Fages: D’habitude je dis que, certes, le mental est important mais que quand le corps ne peut plus… il ne peut plus… J’ai un peu révisé mon jugement sur cette épreuve. Le Tor est fait pour que le corps soit détruit très vite, puis c’est le mental qui est mis à rude épreuve avec un doute constant… donc oui, il représente peut-être 70 % du travail.

Est-ce plus facile à faire en couple ?

Steven Le Hyaric: Je sais comment fonctionne Perrine, ancienne athlète de haut niveau comme moi. C’est un animal qui a besoin d’être poussé au bon moment et apaisé à d’autres. J’étais à 100 % là pour elle, j’ai dormi 5/6h en 4/5 jours si on enlève la seule nuit de 4 h 30 que j’ai eue après trois jours. Elle était ma priorité et j’ai tout donné pour elle. Lui donner l’énergie de mettre un pied devant l’autre constamment et être là dans les bons comme les mauvais moments. L’ultra, c’est la vie en accéléré !

Perrine Fages: On se dispute beaucoup en aventures à vélo quand on n’est que tous les deux. Sur ces épreuves-là, pas du tout ! Eh oui, c’est beaucoup plus facile en sachant qu’il sera là pour m’aider.

Quels ont été les moments les plus difficiles ?

Steven Le Hyaric: Le départ et la mi-parcours où Perrine a commencé comme tous les concurrents à piocher un peu. Les nuits étaient longues et dures sur le Tor et évidemment le moment où j’ai dû quitter la course pour des obligations professionnelles et repartir vers Paris peu avant son arrivée.

Perrine Fages: Une descente interminable à mi-parcours… j’ai craqué complètement… Ça ne s’arrêtait jamais ! Puis les moments où on tombe de sommeil et on commence à halluciner, c’est dur car on perd la notion du temps et de l’espace.

Qu’est-ce que cette aventure vous a apporté dans votre vie ?

Steven Le Hyaric: De la confiance l’un pour l’autre, de la passion sans doute et de la reconnaissance. Vouer et donner cinq jours de sa vie pour quelqu’un, ce n’est quand même pas grand-chose.

Perrine Fages: De la confiance en moi et de l’apaisement.

Quels conseils donneriez-vous à un couple désireux de se lancer dans ce genre de challenge extrême ?

Steven Le Hyaric: Faites des projets ensemble, parlez-vous, le plus posément possible, anticipez les besoins de l’autre, mettez-vous à sa place, tout le temps. Essayez de sourire, ce n’est que du sport !

Perrine Fages: Communiquer, et se mettre à la place de l’autre est très important. Il faut savoir utiliser les forces de l’autre pour créer une équipe plus efficace et accepter ses faiblesses.