Un Institut au service des golfeurs

Un Institut au service des golfeurs
Un Institut au service des golfeurs

Le golf est un sport très populaire, couramment pratiqué par environ cinquante-cinq millions de sportifs à l’échelle mondiale. La réintroduction du golf aux Jeux olympiques depuis les Jeux de Rio en 2016 illustre bien l’intérêt actuel pour ce sport et en augmente la visibilité. En France, le nombre de licenciés à la fédération est globalement stable sur les dernières années et comptait presque 419 000 licenciés en 2019. Récemment, des chercheurs ont pu démontrer, grâce à une analyse systématique d’articles scientifiques, que la pratique du golf avait des bénéfices sur la santé à la fois mentale et physique des pratiquants. À cela s’ajoute que le golf est un sport dont la pratique est associée à un nombre très réduit de blessures, avec l’apparition d’environ une douleur ou blessure toutes les 500 h de pratique. Les publications scientifiques et grand public sont nombreuses et reflètent aussi l’engouement des pratiquants. Toutefois, l’étude du golf, et notamment du swing, n’est pas aisée et nécessite des outils de pointe pour répondre aux questions que tous les golfeurs se posent : comment améliorer ma performance sans me blesser ?

Par Maxime Bourgain, enseignant chercheur en biomécanique et responsable de la Majeure Ingénierie et Santé de l’EPF école d’Ingénieurs

C’est dans cette optique que s’intègrent les projets de recherche de l’Institut de Biomécanique Humaine Georges-Charpak. Reconnu pour son expertise en biomécanique du mouvement, ses domaines d’application des projets de recherche sont très vastes et vont de l’étude du handicap moteur avec l’étude de la propulsion en fauteuil roulant ou celle des prothèses pour des personnes amputées au sport comme l’étude de la performance au wushu par le champion du monde en personne : Léo Benouaich, le rugby et plus récemment le golf. Les études qui sont menées permettent de mettre à disposition des sportifs,des outils et des méthodes à la pointe de la recherche en biomécanique. En collaboration avec la ffgolf, l’Institut a mis en place une approche permettant de faire l’analyse du swing de golf, basée sur des outils d’analyse du mouvement ainsi que de l’imagerie médicale. Les données acquises au laboratoire apportent notamment une évaluation des approches classiquement utilisées. Grâce à ces travaux, des méthodes comme la séquence cinématique ont pu être revisitées et il a pu être démontré que les résultats de la séquence dépendait grandement de la méthode utilisée. Ces choix sont rarement indiqués aux entraîneurs ou aux utilisateurs des outils, ce qui peut fausser l’interprétation des résultats.

L’étude de la biomécanique du mouvement se fonde sur l’utilisation d’un système optoélectronique, qui consiste à positionner des marqueurs réfléchissants sur le corps
sur des zones anatomiques précises, en accord avec les recommandations de la société internationale de biomécanique. Les positions de ces marqueurs sont mesurées à l’aide d’émetteurs-récepteurs de lumière infrarouge qui permettent de les capter en trois dimensions au cours du temps. Cette technologie est désormais rendue populaire par son emploi dans d’autres domaines connus du grand public : ce sont ces mêmes technologies qui sont utilisées pour animer des joueurs de foot dans les jeux vidéos ou des personnages dans des films tels que Le Seigneur des Anneaux ou Avatar. En recherche en biomécanique, elles permettent de capter de façon très précise le mouvement réalisé par le sportif. À l’Institut, un équipement spécifique a été mis en place pour adapter la salle d’analyse du mouvement à l’étude du swing de golf. Notamment en utilisant de la pelouse synthétique pour améliorer les sensations au niveau des pieds, mais aussi en utilisant un filet pour arrêter les balles après quelques mètres de vol. Cette distance suffit pour que le radar TrackMan puisse mesurer les paramètres de vol de la balle.

Pour améliorer la captation du mouvement, une stéréo-radiographie du golfeur est réalisée (radiographie du corps complet effectuée en position debout et de façon simultanée de face et de profil). Elle permet aux médecins d’analyser l’anatomie ostéo-articulaire du golfeur ainsi que d’obtenir un modèle en trois dimensions de son squelette. Cette technologie très innovante permettant de réaliser ce modèle 3D a été co-développée à l’Institut en particulier par la professeure Wafa Skalli et le prix Nobel de physique Georges Charpak dont le nom de l’Institut est un hommage. L’établissement possède ce système dans la salle mitoyenne à celle d’analyse du mouvement, les golfeurs participant au projet peuvent donc réaliser cette analyse juste avant d’effectuer leurs swings. Cela aide en particulier à connaitre la position précise des marqueurs par rapport aux os. Ainsi, le nuage de marqueurs capté lors du swing est enrichi par le modèle du squelette. Le mouvement des os au cours du temps peut ainsi être décrit. De cette manière, il est possible d’analyser, a posteriori, le mouvement 3D que le golfeur a exécuté. Comme la capture a été réalisée en trois dimensions, il est possible de rejouer l’acquisition depuis le point de vue souhaité, un atout pour les entraîneurs qui ont rarement l’occasion de voir leur élève en vue de dessus par exemple. Toutes les phases et les subtilités du jeu peuvent ainsi être analysées comme le relâchement des poignets lors du downswing, l’utilisation du rachis ou des épaules pour armer son club au backswing, ou la synchronisation des différentes rotations articulaires. Le mouvement du downswing se déroulant en un tiers de seconde, il est difficile à l’œil nu de tout percevoir, alors que ce système d’analyse capte
300 informations par seconde, avec une précision de l’ordre du millimètre. Mais ce ne sont pas les seules informations qui sont mesurées lors des analyses : des plateformes de force sont encastrées dans le sol et recouvertes d’une pelouse artificielle. Elles permettent, tout en gardant des sensations proches de celles du terrain, de mesurer les efforts entre le sol et chaque pied. On peut ainsi savoir quand le golfeur effectue un transfert des efforts entre ses pieds ou calculer le coup qu’il injecte dans son mouvement de downswing. La plupart des dispositifs généralement utilisés sur les practices ne mesurent que les efforts verticaux : ces informations sont certes intéressantes pour analyser le swing mais négligent souvent les efforts horizontaux. Ces plateformes, quant à elles, permettent de mesurer les efforts dans les trois dimensions de l’espace et sous chaque pied. On a d’ailleurs pu montrer qu’une bonne gestion des efforts horizontaux permettait au golfeur d’améliorer sa performance, ce qui rend plus pertinent l’utilisation de crampons lors du swing. La combinaison de la mesure des mouvements de chaque articulation avec la connaissance des efforts au sol permet d’estimer les efforts globaux dans les articulations. Ainsi, il est possible de savoir si le swing d’un golfeur malmène son genou et, en collaboration avec son entraîneur, éventuellement de proposer des modifications du swing pour diminuer les sollicitations.

Mais les résultats de ces travaux ne sont pas réservés à la communauté des chercheurs. Depuis plusieurs années, la Conférence de biomécanique du golf, organisée à l’ENSAM en partenariat avec la Fédération Française de Golf, a aussi permis de diffuser très largement ces résultats à la communauté golfique (entraîneurs, médecins, kinésithérapeutes, podologues, équipementiers, etc.) et bien entendu aux joueurs les plus curieux. Certains ont même pu participer au recueil de données lors des ateliers pratiques.

En résumé, le travail réalisé à l’Institut de Biomécanique Humaine Georges-Charpak offre aux golfeurs une analyse biomécanique de pointe basée sur des outils de recherche. Ces derniers permettent de vérifier ou d’infirmer les ressentis des joueurs et des entraîneurs sur le swing, pour améliorer la pratique de tous.