Prévalence de la scoliose chez l’adolescent pratiquant le golf de haut niveau

Prévalence de la scoliose chez l’adolescent pratiquant le golf de haut niveau
Prévalence de la scoliose chez l’adolescent pratiquant le golf de haut niveau

La scoliose idiopathique de l’adolescent (SIA) désigne une déformation de la colonne vertébrale dans les 3 plans de l’espace, débutant lors de la période prépubertaire et évoluant jusqu’à maturité osseuse, sans cause sous-jacente identifiée, en dehors des pathologies neurologiques, malformatives ou neuromusculaires.  

Par le docteur Christophe ROGER, Interne en médecine physique et de réadaptation au CHU de Dijon, COMED FFGolf

La prévalence dans la population générale est estimée à 1 à 4 % chez les adolescents et les filles sont plus fréquemment concernées. Son origine est probablement multifactorielle (génétique, hormonale, environnementale). Le diagnostic est radio-clinique, avec la recherche d’une gibbosité thoracique ou lombaire, complétée par la réalisation d’une téléradiographie de rachis permettant de mesurer l’amplitude de la courbure, exprimée en degré et appelée « angle de Cobb ». La prise en charge de la scoliose idiopathique de l’adolescent s’organise autour des soins de kinésithérapie et d’appareillage par corset si la déviation est évolutive. Pour les cas les plus sévères, il peut être proposé une intervention chirurgicale d’arthrodèse vertébrale. La SIA n’est généralement pas douloureuse, mais il peut exister des douleurs musculaires par compensation. Si elle est importante avec une cyphose, la déformation peut devenir invalidante et engager le pronostic vital dans la dernière partie de la vie par déformation excessive du thorax.

Le golf pour se soigner

Il a été démontré dans plusieurs études que la pratique de l’activité physique chez les patients scoliotiques était bénéfique, avec une réduction des déformations ainsi qu’une amélioration de l’évolution des scolioses. Les sportifs semblent présenter une prévalence de scoliose augmentée par rapport à la population générale, sans que les facteurs de risque soient clairement identifiés.

Chaque fédération française sportive est soumise à la réalisation d’un suivi médical réglementaire (SMR) annuel pour l’ensemble de ses sportifs sur liste de haut niveau (SHN).

Le golf est un sport asymétrique impliquant des torsions rachidiennes répétées dans le temps. C’est dans ce cadre et afin de dépister les éventuelles conséquences de ces différents mouvements sur la statique rachidienne que la commission médicale de la Fédération Française de Golf (ffgolf) a souhaité ajouter la réalisation d’une téléradiographie de rachis par le système EOS 3D, pour l’ensemble des adolescents intégrant la liste des sportifs de haut niveau (SHN). À ce jour, la prévalence de la SIA chez les jeunes athlètes golfeurs de haut niveau n’a jamais été étudiée.

La preuve par l’image

Il s’agit d’une étude rétrospective de cohorte à partir d’un recueil des mesures réalisées par la ffgolf. Les sportifs ont réalisé une imagerie EOS 3D entre 2017 et 2023 dans le cadre du SMR de la ffgolf. Les athlètes avaient entre 12 et 18 ans au moment de l’examen. Ces jeunes sont inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau de la ffgolf, ce qui représente environ 250 jeunes chaque année. Leur volume d’entraînement est de 20 à 25 h par semaine.

L’imagerie EOS® (EOS® imaging, France) permet de réaliser une modélisation 3D du rachis avec une irradiation qui est 8 à 10 fois inférieure au système d’imagerie classique. La question de l’exposition aux rayonnements est importante dans le suivi des déformations de la colonne vertébrale en pédiatrie, où les examens radiographiques répétés sont nécessaires pour suivre l’évolution.

L’imagerie EOS® est donc devenue l’examen privilégié dans le suivi des troubles de la colonne vertébrale. Les comptes rendus d’imagerie EOS ont été réalisés sur 49 athlètes. Le critère de jugement principal retenu est la présence d’un angle de Cobb > 10° associé à une rotation des corps vertébraux, ce qui définit la scoliose. 10 dossiers ont été exclus devant des données incomplètes. L’âge moyen de cette population était de 15 ans. Il existait une majorité d’individus de sexe masculin, 25 soit 64 % contre 14 soit 36 % de sexe féminin.

Chez ces 39 athlètes, 17 d’entre eux présentaient une déviation rachidienne avec un angle de Cobb > 10°. Pour 6 d’entre eux, cette déviation n’était pas associée à une rotation des corps vertébraux. Il a été retenu pour ces derniers le diagnostic d’attitude scoliotique et non de scoliose vraie.

Les 11 autres adolescents avaient un angle de Cobb > 10° associé à une rotation des corps vertébraux, soit une prévalence de scoliose vraie de 28 % sur la population étudiée. Sur ces 11 individus, 5 étaient de sexe féminin, ce qui correspond à 36 % de la population féminine contre 24 % d’individus masculins. À propos de ces 11 athlètes, 3 d’entre eux présentaient un angle > 20°, toutes des sportives et 2 d’entre elles avaient bénéficié d’un traitement orthopédique par corset.

La scoliose n’est pas une fatalité

Les données secondaires concernant les antécédents familiaux, la latéralité et les douleurs rachidiennes ont pu être récupérées chez 31 athlètes sur 39. Sept d’entre eux avaient des antécé­dents familiaux de scoliose au premier degré soit 22,5 % de la population totale. Cinq d’entre eux étaient porteurs d’une scoliose. La prévalence de SIA chez les athlètes n’ayant pas d’antécédents familiaux de scoliose était ainsi calculée à 18 %.

Ces adolescents étaient majoritairement droitiers, 28 contre 3 gauchers.  Douze des athlètes présentaient des rachialgies de façon régulière, soit 39 % de la population. 5 d’entre eux présentaient une scoliose. Cela illustre que la scoliose n’est pas la seule cause de douleurs rachidiennes chez le golfeur
et que la douleur n’est pas un symptôme fréquent dans la scoliose. Dans cette étude, la prévalence de la SIA chez des golfeurs de haut niveau était de 28 %. Ce chiffre est nettement au-dessus de la prévalence attendue en population générale de 1 à 4 %. À l’instar de la population générale, le sex-ratio est plus élevé chez les individus de sexe féminin avec seulement 40 % de filles dans l’étude soit 36 % de prévalence de SIA chez les filles et 24 % chez les hommes avec donc un sex-ratio H/F de 2/3. Il est très probable que la prévalence des troubles posturaux et de la SIA soit sous-estimée en France et dans le monde. À ce jour en France, il n’existe pas de dépistage organisé et les praticiens de premiers recours ne sont pas toujours sensibilisés à cette pathologie. Les résultats observés dans l’étude de Mousavi et al. montrent une prévalence de 27 % de scolioses chez les jeunes sportifs de différentes disciplines comme la gymnastique ou la danse. Ces chiffres, comparés aux données issues de notre propre cohorte, suggèrent que le sport à une très grande intensité de pratique pourrait augmenter la prévalence des scolioses et a minima, la prévalence des troubles posturaux rachidiens par rapport à la population générale. Dans des sports comme le rugby et le football, il n’a pas été rapporté de troubles scoliotiques. Au contraire, on retrouve une prévalence très importante de scoliose de l’ado­lescent dans des sports comme la danse ou la gymnastique.

Cette augmentation serait en lien avec une forme à part entière de scoliose de l’adolescent, due à un retard de croissance et à un allongement de la période pubertaire, appelée NOTOM (Neuro-Osseous Timing of Maturation).

Le mouvement du golf (swing) est responsable de mouvements de torsions, compressions, et cisaillements sur la colonne vertébrale. Le swing nécessite une rotation axiale de la colonne vertébrale et de l’ensemble du corps. La prévalence augmentée de la SIA chez les adolescents golfeurs de haut niveau de cette étude pourrait être en partie expliquée par les forces compressives du swing de golf appliquées sur le cartilage rachidien en croissance. Mais l’impact biomécanique sur le rachis des mouvements répétés lors du golf n’a pas été étudié chez une population adolescente.

Conclusion

La scoliose idiopathique de l’adolescent est une déformation de la colonne vertébrale dans les 3 plans de l’espace, débutant lors de la période prépubertaire et évoluant jusqu’à maturité osseuse. Son origine est multifactorielle. L’EOS® Imaging 3D – invention française – s’étant développé ces dernières années a permis d’apporter des mesures précises d’angles et une irradiation moins importante que les radiographies standard dans le diagnostic de la SIA. Bien que cette étude présente des limites importantes, nous avons pu mettre en évidence une prévalence plus importante chez les jeunes sportifs pratiquant le golf à haut niveau par rapport à la population générale. Ce dépistage inclus dans le SMR de la Fédération Française de Golf permet ainsi de prévenir l’évolutivité de cette pathologie avec une prise en charge précoce par renforcement musculaire. Cela permet d’orienter de façon plus spécifique la préparation physique actuellement systématique. Il est à noter que la pratique sportive constitue certainement un portail puissant pour le dépistage de ce type de pathologie dans une population de jeunes réputée « en bonne santé ».