Esther Abrami : le violon comme un sport

Esther Abrami : le violon comme un sport
Esther Abrami : le violon comme un sport

Esther Abrami est une violoniste classique et compositrice française. Elle a su traverser les frontières de la musique classique traditionnelle grâce à une présence très forte sur les réseaux sociaux où elle diffuse des vidéos originales. Esther s’engage dans un parcours féministe musical en collaborant avec de nombreuses compositrices et figures historiques féminines. Sportive dans son quotidien, elle lie l’activité physique à la performance sur scène qui peut parfois demander beaucoup d’endurance. Elle se distingue par un style affirmé et urbain qui l’a amenée à se produire lors de la victoire du PSG en Ligue des Champions, de quoi attirer un public jeune vers la musique classique.

Esther Abrami, vous avez lancé la cérémonie de la victoire du PSG en Ligue des Champions. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

D’avoir joué au Parc des Princes, ça a été vraiment incroyable avec les 48 000 personnes présentes ce jour-là. Mais en plus de ça, on est dans un contexte où le public n’a pas l’habitude d’écouter du violon en solo classique. Mais c’est vrai que je suis vraiment impliquée, en tout cas depuis quelques années, dans l’idée d’essayer de rendre la musique classique la plus accessible possible et aussi de jouer de la musique classique même dans des endroits où on n’a pas l’habitude de l’entendre. Cette opportunité avec le PSG était absolument incroyable pour ça. J’ai été surprise mais de manière positive par la réaction du public. Les gens étaient tellement réceptifs à ce qui se passait et ont même chanté l’hymne de la Ligue des Champions que j’ai joué. C’était un moment de communion entre le foot et le violon.

Quelle est votre relation avec le sport ?

J’aime bien le foot, sans doute parce que je suis partie à Manchester à l’âge de 14 ans… Je m’y suis intéressée encore plus depuis que je vis à Paris avec la victoire du PSG. Il y a d’autres sports que j’aime beaucoup, comme le tennis. J’ai eu la chance de rencontrer Gaël Monfils, à qui j’ai même donné un cours de violon et qui m’a donné un cours de tennis. Je ne sais pas lequel était le plus doué… Le violon est une discipline très proche du sport dans ce que ça demande physiquement. Il faut pratiquer absolument tous les jours pour rester en forme. Dès qu’on va arrêter de jouer pendant un ou deux jours, on va vraiment le ressentir dans les muscles, dans les doigts, dans le corps. Au niveau du dos, des cervicales, ça demande énormément d’efforts. J’ai mes exercices à faire tous les matins pour m’entretenir.

Comment gérez-vous vos échauffements et autre pratique physique liée au violon ?

J’ai un échauffement journalier, technique, avant de commen­cer à travailler les morceaux. Il y a vraiment des échauffements des doigts pour la force, la souplesse, la vélocité. C’est indis­pensable pour ne pas se faire mal avant de jouer.

Quelle place le sport a-t-il dans votre vie ?

Le sport m’aide beaucoup dans mon quotidien. Notamment après avoir joué plusieurs heures au violon dans une position statique, j’ai besoin de bouger. Je suis assez hyperactive, je travaille tout le temps et j’ai du mal à trouver des moments où j’arrive vraiment à ne penser à rien. Et c’est vrai que le sport, c’est vraiment le moment dans la journée où j’arrive à laisser tout de côté. Ça me permet d’être juste concentrée sur ce que mon corps va ressentir. Je pratique l’équitation, le Pilates et la danse. Et c’est vrai qu’il y a des moments où je vais arriver à complètement lâcher et ça va me faire un bien fou mentalement et physiquement.

Est-ce que le sport vous aide dans votre créativité ?

C’est vrai que la composition, ce n’est pas toujours évident. On n’est pas tout le temps inspiré, on va essayer de chercher une idée, et c’est justement là où on a besoin de lâcher prise. Après 1 heure de sport, je pense à autre chose et les idées me viennent.

Pouvez-vous nous parler de votre inspiration envers les femmes ?

Dans toutes mes études musicales, toutes les années que j’ai passées au Conservatoire, on ne m’a jamais appris l’histoire d’une femme ni même la musique d’une compositrice. C’est quelque chose que j’ai réalisé plus tard en sortant de toutes mes années d’études et je me suis demandé pourquoi. Je me suis aperçue qu’il y en avait plein qui avaient écrit de la musique absolument incroyable. Dans mon troisième album qui s’appelle Women, j’ai essayé de faire partager ce que moi j’ai appris bien tard. J’espère avoir des jeunes aujourd’hui qui rentrent au Conservatoire et qui commencent à jouer d’un instrument en se rendant compte que des femmes ont façonné l’histoire de la musique, c’est très important. Je pense surtout aux petites filles, pour qu’elles puissent avoir des modèles.

Et plus généralement, quel message souhaitez-vous faire passer à travers votre musique ?

C’est vraiment d’arriver à montrer que la musique au violon, la musique instrumentale, la musique classique est une musique qui peut toucher tout le monde. Tout le monde pourrait avoir sur sa playlist un morceau de rap et un morceau de pop. Honnêtement, je pense que tout le monde peut avoir un moment dans sa journée où on peut ressentir le besoin d’écouter du violon parce que c’est une musique qui est juste incroyable. Et je trouve dommage qu’il y ait tant de préjugés autour de cette musique, surtout chez les jeunes.

Vous jouez en portant des chaussures à talons de 12 cm, comment faites-vous ?

J’adore la mode ! Sur scène, j’aime beaucoup porter des talons, je me sens plus puissante. Ça me demande un peu d’entraîne­ment de tenir plus d’1 heure comme ça mais je pense que d’être en forme physiquement est indispensable pour y parvenir. Il faut être bien ancrée dans le sol pour être solide jusqu’en haut du corps. Donc, on nous apprend vraiment à être hyper-entrainée seule, à avoir toujours les genoux un peu fléchis, jamais des jambes vraiment tendues. Après mes concerts, je sens que j’ai brûlé des calories.

Vous avez 28 ans, vous avez un parcours surprenant. Avez- vous fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là ?

Je pense que j’ai fait des sacrifices, mais je ne regrette absolument pas. Je ne les ai pas ressentis en tant que tels. Je pense que c’est ça la différence, parce qu’on est tellement concentré sur un objectif et quelque chose qui nous passionne et qui nous anime vraiment de manière très intense. À aucun moment, on ressent une amertume sur le fait d’avoir fait des sacrifices. Je pense que ce qui m’a toujours poussée à continuer de travailler, c’est mon amour profond pour la musique. J’aurais été beaucoup plus malheureuse à ne pas faire ça, je me suis toujours dit que je préfère avoir des moments difficiles plutôt que d’abandonner.

Qu’est-ce que vous diriez aux femmes et surtout aux femmes qui souhaitent se lancer un défi sportif mais qui n’osent pas ?

On regrette beaucoup plus ce qu’on n’ose pas faire que ce qu’on a osé faire. Je pense que c’est beaucoup plus grave de ne pas oser. Quelquefois, on a peur de l’échec et c’est ce qui nous freine. C’est courageux d’utiliser ses erreurs, ses échecs pour essayer de refaire de manière un peu différente pour y arriver. À aucun moment, je vais regretter d’avoir tout donné et d’avoir couru un marathon. Au contraire, c’est justement dans ces moments où on se sent le plus vivant et ça, c’est important. 

Triathlète, marathonienne Directrice de la publicité et du développement